Vienne : un couple infertile fait la promotion du don d’ovocytes

Anonyme et gratuit, le don de gamètes est à la peine en France. Le manque de volontaires et la pandémie allongent douloureusement l'attente. Un jeune couple de Bignoux, dans la Vienne, a décidé de sortir de l'ombre pour, à son échelle, faire progresser la question.

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Vivre entourée de bébés... C'est le quotidien que Margaux Godeau a choisi, bien avant de se lancer dans un parcours de procréation médicalement assistée. Travailler auprès des tout petits compense, un peu, son manque d'enfant. Elle en tire de la force. Même si certains moments sont plus douloureux.

Lorsqu'on apprend qu'un transfert [d’embryons] n'a pas fonctionné par exemple, là, c’est plutôt difficile, ça nous rappelle chaque jour qu'on souhaiterait notre enfant à la maison, mais ils me redonnent assez vite le sourire, ça me porte aussi.

Margaux Godeau, en attente d'un don d'ovocytes

Cela fait déjà quatre ans que Margaux et Rémi recourent à la science pour devenir parents. Une épreuve longtemps vécue dans l'intimité du couple... et depuis quelques mois partagée publiquement sur une page Facebook, pour promouvoir le don d'ovocytes. La démarche n'allait pas de soi...

Un couple sur huit

C’est pourtant un vécu beaucoup plus partagé que l’on ne croit. De nos jours en France, de 15 à 25% des couples rencontrent des difficultés pour avoir un enfant, pour des raisons génétiques, mais aussi, de plus en plus, pour des raisons « environnementales », très probablement liées aux perturbateurs endocriniens.

C’est un sujet tabou qu’on n’avait pas forcément envie d’évoquer ne serait-ce qu’à notre famille, à nos amis également. Après, on était peut-être dans une phase de déni « C’est un problème qui nous est propre, pourquoi le divulguer ? ». Et finalement, au bout d’un certain temps, on a eu envie d’en parler parce que petit à petit en parlant, on s’est rendus compte qu’on avait des amis touchés par ça, des connaissances, des collègues, et de se dire la meilleure façon de se battre contre ça, c’est d’en parler !

Rémi Pasquet, en attente d'un don d'ovocytes

Cette parole libérée, c'est aussi une bouteille à la mer. Convaincre des femmes de donner des ovocytes leur permet de remonter sur la liste d'attente du centre où ils sont inscrits (le CECOS de Tours). En raison de la pandémie, le recueil des gamètes a été interrompu six mois l'an dernier, faisant grimper les délais à trois ans. S'ils ont des marraines, Margaux et Rémi attendront moins.

Une chaîne de solidarité

Déjà Maman de deux petites filles, Laura Delaleu a été touchée en plein cœur par leur histoire racontée dans le journal.

En lisant l’article, il y a une phrase qui m'a bouleversée, c’était « le don d’ovocytes n’est pas un don d'enfant, c’est un don de cellules », et là il y a eu comme un déclic !

Laura Delaleu, candidate pour le don d'ovocytes

Après un délai de réflexion, et avec l'accord de son compagnon, elle a débuté sa démarche de don d'ovocytes auprès du centre spécialisé de Tours. Ce n'est que la première étape. Si elle est apte, elle devra suivre un traitement hormonal et se soumettre à des examens réguliers...

Je me suis dit mais quelle souffrance ça doit être d'attendre aussi longtemps... Dans l’incertitude en plus, parce qu’ils auront une Fécondation In Vitro, si la première Fécondation In Vitro ne marche pas, ils devront retenter cette démarche, et à côté de ça, nous, on est très chanceux alors si à mon échelle je peux essayer d’aider un couple et de faire des heureux, j’en serai fière !

Laura Delaleu, candidate au don d'ovocytes

En France, le don de gamètes est anonyme, gratuit mais pris en charge à 100%. Laura espère que le sien sera imité. Ses gamètes n’iront pas à Margaux et Rémi mais contribuent à leur réussite. Elle est la quatrième marraine à se porter volontaire en leur nom. Ces gestes ont raccourci leur attente. Ils devraient bénéficier d'une tentative d'ici la fin de l'année. Et ils continuent d’encourager le don, pour qu’il profite à d’autres couples.

 

Invitée de notre journal ce jeudi 25 mars, Olivia Gerverault, médecin au Centre de Conservation des œufs et du sperme (CECOS) de Tours, répondait aux questions de Florent Loiseau :

Ces difficultés à avoir un enfant sont loin d’être isolées. Il y a de plus en plus de couples touchés.

Effectivement, quasiment un couple sur cinq va venir consulter dans un centre d’infertilité. Les durées et les causes sont diverses, mais l’infertilité est actuellement un problème qui est en croissance pour de multiples raisons.

L’autre problème évidemment, c’est le manque de donneuses d’ovocytes. Elles ont été 777 en France en 2018. Il en faudrait trois fois plus. Quel est le frein majeur ?

La première chose, c’est la méconnaissance du don d’ovocytes. Vous posez la question à 1000 personnes, il y en a 700 qui vont vous dire que c’est interdit en France. Donc la méconnaissance quasi-totale du don d’ovocytes, c’est le premier frein. Le deuxième, c’est que, quand on en parle, on a des réponses positives, mais ensuite il y a quand même, pour les donneuses, un parcours avec une certaine lourdeur médicale, une douzaine de jours d’injection et une journée d’hospitalisation. Mais à partir du moment où on explique et qu’elles connaissent ce qu’est ce parcours, elles sont d’une extraordinaire générosité. J’ai même eu un mot étonnant hier : « pour moi, c’est un acte citoyen ».

Quelles sont les conditions pour être donneuse ?

Il faut avoir moins de 38 ans, avoir ou ne pas encore avoir eu d’enfants n’est plus un problème depuis 2016. Après nous réalisons des enquêtes biologiques, génétiques, des arbres généalogiques pour ne pas avoir des facteurs de risques médicaux  qui pourraient être un risque de transmission génétique pour le futur enfant à venir. C’est un parcours assez simple sur deux ou trois heures couplées ; on fait une échographie, une prise de sang, un arbre généalogique et on fait le tour de la possibilité d’attribution en sachant que le principe de précaution est quand même important. Et bien sûr on s’assure que ce don n’entraîne aucun risque pour la donneuse.

Par manque de dons, certains couples peuvent partir en Espagne. Quel est votre regard sur ce phénomène ?

Quand les personnes viennent au nom d’un couple, cela diminue considérablement les délais d’attente. Certains nous disent alors qu’il peut y avoir des inégalités car des couples peuvent avoir des donneurs et d’autres non. Mais l’inégalité, elle existe vraiment déjà puisque si on ne parle pas du don d’ovocyte, il n’y a pas de donneurs et il n’y aura plus de dons d’ovocytes. Il y a déjà eu des délais d’attente de quatre ans dans certains centres donc l’inégalité existe déjà. En plus, il va effectivement y avoir des couples qui vont aller en Espagne pour une somme de 8000 euros, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Donc il y a déjà une vraie inégalité dans l’accès à ces soins. Après, on peut accompagner des couples qui n’ont pas de donneurs mais on aimerait plutôt qu’on nous donne les moyens à nous qui savons parfaitement faire le job depuis des années. Si on nous donnait un peu plus de moyens, on aurait peut-être, par exemple, créer un poste qui nous permettrait de voir plus les donneuses.

 

Quelques chiffres et informations complémentaires

Le don de gamètes est bien en deçà des besoins en France. Il faudrait 1400 donneuses. En 2018, 777 se sont manifestées… 1.137 couples ont pu recevoir un don d'ovocytes. Et 343 naissances ont été comptabilisées.

Le don suppose de se soumettre à un suivi régulier. Tout commence avec un rendez-vous, un questionnaire de santé, un entretien psychologique, un traitement hormonal (sous forme d'injections), la ponction sous anesthésie locale ou générale, la congélation des ovocytes (une partie des gamètes prélevées, à condition qu'elles soient assez nombreuses, peut être conservée pour la donneuse elle-même, si elle n'a pas encore procréée).

Il faut préciser que jusqu’en 2016, les Françaises ne pouvaient donner leurs ovocytes qu’après être devenues mamans elles-mêmes. Il faut avoir moins de 38 ans, être en bonne santé.

Souvent, les donneuses ont plus de 30 ans. Le taux de réussite des FIV est assez bas, seulement 23,5%.

Notre situation est souvent comparée à celle de l’Espagne. Dans ce pays, le don est rémunéré, autour de mille euros. Des jeunes femmes y recourent pour financer leurs études, la moyenne d’âge des donneuses espagnoles est donc beaucoup plus basse et le taux de réussite plus haut.

En France, les couples infertiles bénéficient d’une prise en charge à 100%. S’ils se font suivre par une structure publique, ils n’auront pas un centime à avancer. Si vous vous lancez dans un protocole de médecine de la reproduction outre-pyrénées, les délais seront plus courts, vos chances sans doute meilleures mais la facture plus salée, car tout ne sera pas remboursé.

Il n'existe pas de CECOS (centre d'étude et de conservation des oeufs et du sperme) en Poitou-Charentes. Les donneuses et les couples peuvent se renseigner auprès de ceux de Tours, Bordeaux ou Nantes.

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