Ce 1er janvier 2022, les habitants de Boivre-la-Vallée se sont réveillés sans pharmacie. La titulaire de l'officine est partie à la retraite, sans parvenir à trouver de repreneur. Une histoire symptomatique de la désertification médicale dans les zones rurales.
En ce 1er janvier 2022, Boivre-la-Vallée s'est réveillée sans pharmacie. Pour les habitants, la gueule de bois est encore plus difficile à supporter.
La veille, Blandine Crivelli a pris sa retraite. C'était son dernier jour, après 17 ans de dévouement à la commune. Un départ sans pot pour la titulaire de l'officine, car elle n'a pas réussi à trouver de repreneur en deux ans de recherche.
"Je suis passée par des agences, les grossistes-répartiteurs, le bouche-à-oreille, énumère-t-elle. Avec une agence parisienne, nous pensions que des pharmaciens souhaiteraient se rapprocher de la campagne à cause du Covid. Mais personne n'est venu nous voir..."
A Boivre-la-Vallée, un "deuil" pour tous
Ce vendredi 31 décembre, nous rencontrons Blandine Crivelli vers 15 heures. Dans deux heures, elle fermera son officine, définitivement. "C'est un arrachement car j'y ai mis tout mon cœur, toute mon énergie et toutes mes finances, souffle-t-elle. C'est un deuil à faire pour moi, mais aussi pour mes employées, la commune et les patients."
La pharmacienne a encore du mal à comprendre. Son officine est saine économiquement et dispose d'une patientèle fidèle. "Aujourd'hui, les jeunes préfèrent être intégrés dans de grandes structures, avance-t-elle. Etre seul titulaire dans une pharmacie, c'est avoir énormément de responsabilités et ne pas compter ses heures."
La différence avec les grandes pharmacies, c'est le relationnel et la proximité
Blandine Crivelli, titulaire de la pharmacie de Boivre-la-Vallée
Pourtant, les pharmacies de campagne ont bien du mérite. Ici, à Boivre-la-Vallée, l'établissement est un véritable service de proximité. Blandine et ses deux employées livraient des médicaments aux patients à mobilité réduite ou ne disposant pas de moyen de transport. "Nous ne faisions pas que délivrer des ordonnances, affirme la titulaire. Beaucoup de personnes venaient pour des conseils, ou même juste pour parler".
Des fleurs et du chocolat
Le nombre de patients venus pour un dernier au revoir en témoigne. Les bouquets de fleurs et les boites de chocolat posés sur le comptoir, aussi. "Elles sont toutes les trois très agréables et avenantes, affirme Jacques. J'habite ici depuis 1964, j'ai toujours connu cette pharmacie. Je viens à chaque fois que j'en ai besoin. Malheureusement, c'est fini..."
Pour Jacques et les 3200 habitants que compte Boivre-la-Vallée, la fermeture de cette officine bouleversera leurs habitudes. "J'ai deux enfants en bas âge, donc c'était bien ne pas avoir à courir la pharmacie pour aller chercher des médicaments, raconte Floriane, une voisine. Et puis c'est dommage pour la commune de perdre un commerce supplémentaire".
Les deux pharmacies les plus proches sont à 8 kilomètres, à Vasles et Latillé. "Il faudra combiner ça avec d'autres courses, sinon ça fera beaucoup de kilomètres", souligne la jeune femme.
Le syndrome de la désertification médicale
La municipalité de Boivre-la-Vallée a, elle aussi, écumé son carnet d'adresse, en vain. Il faut dire que la fermeture de l'officine tombe mal pour la commune, qui cherchait à échapper à la désertification médicale en pérennisant son offre de soin.
C'est une grosse perte pour une commune de 3200 habitants
Dany DubernardMaire de Boivre-la-Vallée
Située à une vingtaine de kilomètres de Poitiers, Boivre-la-Vallée est née de la fusion de quatre villages (Benassay, la Chapelle-Montreuil, Lavausseau et Montreuil-Bonnin) en 2019 autour d'un projet commun : la création d'un centre de santé. Aujourd'hui, le rez-de-chaussée est occupé par deux infirmières libérales, une naturopathe et un ostéopathe. Le premier étage, lui, est destiné à accueillir deux médecins généralistes.
Car les deux médecins de la commune sont, eux aussi, proches de la retraite. "La fermeture de notre pharmacie risque de poser problème pour faire venir de nouveaux professionnels de santé, déplore Dany Dubernard, la maire de Boivre-la-Vallée. Une commune qui a une pharmacie est forcément plus attractive qu'une qui n'en a plus".