Après le vétéran Enrique Ponce, blessé par un toro mardi à Valencia, c’est le novillero français Lilian Ferrani qui a été durement touché par une vache qu’il tientait dans la province de Huelva.
Maurice Berho, apoderado de Juan Leal, qui assistait au tentadero ce mercredi 19 mars chez l’éleveur Domínguez Camacho et qui a accompagné Lilian dans les différents hopitaux où il a été soigné raconte.
Le tentadero était organisé pour les matadors El Chechu et Juan Leal. Nous avons vu débarquer Lilian avec plaisir. Son apoderado Auguste Losada, resté à Arles, avait été informé qu’il y avait une tienta chez Domínguez Camacho et avait obtenu que son torero y participe.
Il a été convenu qu’il « sortirait » après les matadors pour donner quelques muletazos à chaque vache. L’accident est arrivé à la troisième vache, qu’avait tientée El Chechu. La vache lui a donné le coup de corne sur un simple « derrote ». Lilian a immédiatement compris qu’il avait été blessé. Il a regagné en courant le burladero où nous nous trouvions avec Juan Leal. Il a enlevé son pantalon et j’ai vu que le sang jaillissait de façon inquiétante.
Juan Leal n'a pas perdu son sang froid, il a aussitôt fait un garrot qui s’est révélé inefficace. Juan a alors décidé de comprimer l’hémorragie en appuyant fortement son poing au niveau de la blessure. Ce geste a probablement évité de futures complications.
La finca « Los Llanos » se trouve près du village de Cumbre Mayores dans la province de Huelva. Aucun réseau de teléphonie mobile ne couvre le secteur. Nous avons conduit Lilian dans un vieux 4 x 4 du ganadero jusqu’au centre de santé du village. Le temps d’y arriver, le siège était entièrement taché de sang !
Les premiers soins ont été organisés depuis Cumbre Mayores d’où une ambulance est partie vers l’hôpital le plus proche, à Río Tinto. 95 kilomètres de route sinueuse dans la montagne. J’avoue que j’étais plutôt inquiet, je ne cessais pas de penser au trajet en ambulance entre Pozoblanco et Cordoue, où Paquirri a perdu la vie il y a 30 ans.
Arrivé à Río Tinto, l’hémorragie s’étant apparemment arrêtée, les médecins se sont voulus rassurants. J’ai insisté pour qu’ils explorent complètement la blessure. C’est ce qui a été fait. Les médecins ont découvert et réparé les lésions de la fémorale à l’aide de « clamp ».
Entre temps, j’ai pris contact avec le docteur Domingo Jiménez à Séville. Domingo est un ami. En outre, il connaît parfaitement ce genre de blessures : il a opéré Juan Leal et Sébastien Castella, entre autres toreros.
J’ai donc conduit Lilian le soir même à l’hôpital Nisa à Castilleja de la Cuesta (banlieue de Séville). Il a été soumis à toute une série d’examens. Le faible pouls à la jambe concernée a laissé craindre un sérieux risque de thrombose. Domingo a donc pris la décision de l’opérer de nouveau. L’intervention a consisté à poser des prothèses pour reconstituer la fémorale ; elle a duré trois heures est s’est terminée hier soir à 22h.
Lilian a passé la nuit en soins intensifs.
Ainsi donc, le premier "tabac" sérieux de la saison touche un novillero français, un jeune homme talentueux, drôle et très courageux. Hier après-midi, nous avons bavardé avec lui alors que, sur son lit d'hôpital, il attendait le verdict du médecin, devrait-il être opéré de nouveau ou non? Rien ne semblait le préoccuper sauf la date à laquelle il pourrait recommencer à toréer.
Bon courage à Lilian. Bravo à Juan pour son sang froid.
Et merci à Maurice pour le récit de cette scène tauromachique, banale et héroïque.