2ème épisode de 10 jours de pèlerinage. D'Istres à León via Grenade et La Brède. S'il y a des jours où Cupidon s'en fout, chantait Georges Brassens, il en est d'autres que l'on ne saurait oublier. Des gens qui s'embrassent et remercient le ciel, la lune et les étoiles. Qu'importe après le déluge...
Mercredi 18 juin 2014, Orly, 13h25. Cinquième « PNC, à vos portes ». A Barcelone, deux heures plus tard, un premier frémissement « Tomasiste », une dizaine d’aficionados de la Gaule. Dialogues.
- Ça va ?
- Ça va
- Tu vas à Grenade ?
- Non à Istambul…
Dans le hall, je rejoins l’ami Roger Chaix, ce qui se fait de mieux, cape en mains, depuis le départ des Curro Puya, Chucho Solorzano, Manolo Escudero, Curro Vázquez, Antoñete, Julio Robles, Fernando Cepeda et autres. A l’atterrissage à Grenade, nous survolons le polygone industriel de David Fandila « El Fandi » qui a investi ses deniers dans des hangars. A l’hôtel, d’autres amis du toreo et vers 21h, rendez-vous devant la plaza où nous avions tourné en 1996 (sauf erreur) José Tomás et Julio Aparicio pour la saison taurine de Canal + France.
On s'attendait à tout sauf à la déroute de la Roja, l'équipe d'Espagne qui quitte le Mondial de foot du Brésil, battue 2-0 par le Chili. Au restaurant "Tendido" sous les arènes, Simon Casas et José Cutiño ont l'air fatigué mais heureux. Mission accomplie, la feria de Grenade est déjà un succès et s'inscrit désormais dans les "masters" à venir des temporadas prochaines. La ville ancienne est magique, la plaza magnifique, les gens adorables et les prix fort contenus. Seul le taxi qui nous mène en haut du quartier d' Albaicín ne desserre pas les mandibules. L'Espagne est éliminée, catastrophe nationale. Plus de 600 millions d'euros de manque à gagner. Du parvis altier de l'église San Nicolás, la vue de l'Alhambra coupe le souffle. Un verre à la main, fusent dans le groupe des réflexions à la Audiard. Florilège :
- On dirait Carcassonne mais les tours sont carrées...
- Je n'étais revenu depuis 1494, rien n'a bougé...
- " Tu pleures comme une femme, ce que tu n'as pas su défendre comme un homme " , les mots d'Aïcha, mère du souverain Nasride Boabdil, lors de la chute de Grenade ( le soupir du Maure)...
- Quand c'est si beau, ça donne soif....
Jeudi 19 juin 2014, 22h42. Plaza de toros de Grenade. Quand personne ne veut s'éloigner des arènes, préférant rester sous son giron, les fées sont venues. On se touche, on s'embrasse, c'est bien toi, tu es là aussi ! J'ai vu la corrida depuis le dernier rang du poulailler, à côté de mon ami journaliste Pedro Javier Caceres (programme radio La Divisa) que j'ai connu à Arnedo (La Rioja) il y a 37 ans. Un bail. De tout là-haut cela fait du bien de voir les courbes des muletazos qui offrent en contre-plongée, vérités ou mensonges. Tu t'aperçois qui triche ou pas, celui qui se croise, joue plutôt les bordures ou dessine ces fameux points d'interrogation à l'envers dont parlent les spécialistes. En contrebas, la présidence. 19h34, s'élance le paseo: Finito de Córdoba, José Tomás, Rafael Cierro.
À 21h58, José Tomas, décédé pour nous tous, onze mille, vient de ressusciter. Il longe le callejón, blême est son visage, blafards sont les néons qui augmentent le surréalisme de la scène. Palabres de deux heures, du rouge, des mots forts, "il est le seul torero à remettre la mort au centre du jeu" dira un des hermanos Jacobi. Nul ne veut se coucher et dans un désuet bistrot aux fanions de foot, breloques de comptoir, sur la montée vers l'Alhambra, il y a des touristes catalans qui s'interrogent sur notre "tour operator".
José Tomás a répondu Roger. José Tomás...
Big Bang.
zoc.
( à suivre) demain: Montesquieu et le centurion Marcelo.