Le président de la cour d'assises de l'Aveyron a mis la pression, mardi, sur chacun des 18 accusés de l'assassinat d'un jeune Antillais, à Millau en 2010, dans l'espoir que leur procès révèle lequel avait "donné la mort".
"Vous encourez la réclusion à perpétuité, réfléchissez à cela..." Le président de la cour d'assises de l'Aveyron a mis la pression, mardi, sur chacun des 18 accusés de l'assassinat d'un jeune Antillais, à Millau en 2010, dans l'espoir que leur procès révèle lequel avait "donné la mort".
Aujourd'hui âgés de 23 à 32 ans, ces hommes sont jugés, à Rodez, pour leur participation à une "expédition punitive" sanglante qui visait "les Antillais"
du centre de Millau, le 8 mai 2010.
"Si vous êtes reconnu coupable, vous encourez la réclusion à perpétuité"
A chacun, le président de la cour d'assises, Régis Cayrol, a énuméré les mêmes chefs d'accusation: "Assassinat" ou "complicité d'assassinat", "tentative d'assassinat" ou "complicité de tentative d'assassinat", "violences aggravées". Puis, les yeux dans les yeux, il leur a répété: "Si vous êtes reconnu coupable, vous encourez la réclusion à perpétuité", "c'est très long...". Puis il a souhaité "que chacun essaie de réfléchir à la position qui doit être la sienne".
Les faits
Le soir du 8 mai 2010, Jean-Ronald d'Haity, 20 ans, originaire de la partie française de l'île antillaise de Saint-Martin, avait été tué de deux coups de couteau, dont un en plein coeur, dans son appartement. Une vingtaine d'assaillants y avaient surgi, armés de couteaux, de battes de base-ball, de poings américains et même d'un sabre de samouraï...
Les amis antillais avec lesquels Jean-Ronald passait la soirée avaient tenté de s'échapper. L'un s'était caché dans les toilettes, d'autres s'étaient blessés en
sautant du deuxième étage. Poursuivi dans la rue, l'un d'eux avait été poignardé et frappé dans la tête à coups de pied.
Scénario d'une expédition punitive
Quatre ans plus tard, le juge a longuement lu l'acte d'accusation reconstituant le scénario d'"une expédition punitive" contre "les Antillais". Deux frères sont
accusés d'en être "les meneurs": Taoufik Laanizi, 32 ans, et Morad, 26 ans, nés à Millau au sein d'une famille d'origine marocaine.
Assis côte à côte dans la salle d'audience, les deux frères - d'apparence calme, les cheveux courts soigneusement coiffés au gel - ont comparu libres, après avoir fait chacun un long séjour en prison, en détention préventive.
Un mois avant l'assassinat, Morad Laanizi avait eu la mâchoire brisée lors d'une bagarre avec un Antillais résidant dans le même bâtiment que Jean-Ronald. Les deux frères s'étaient alors faits "de plus en plus pressants" auprès de leurs amis et connaissances pour qu'ils participent à une expédition destinée à se venger des "Blacks", selon l'acte d'accusation.
Tous étrangers à cette histoire
A une suspension d'audience, l'un des 18 accusés lâchait: "C'est une embrouille de malade!" Puis dévalait les escaliers du palais, surveillé par des dizaines de policiers déployés dans le quartier.
Dans la matinée, un des avocats de la défense avait interrompu le juge pour protester contre "la litanie" des "vous encourez la perpétuité". "Mon client (Abdel-Malik Taghouzi, ndlr) a reconnu qu'il était dans l'expédition mais sans arme", a ensuite expliqué à l'AFP cet avocat, Me Édouard Martial. Et de pointer une faiblesse du dossier: "Le meurtre collectif, il faudra nous expliquer ce que c'est! Ils n'étaient
pas à 18 sur les manches des couteaux..."
Vidéo : le reportage de Rouzane Avanissian et Florian Rouliès
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