Faut-il rebabtiser la "Coupe France Paul Voivenel", une compétition de rugby ariégeoise ? Un collectif de citoyens en est convaincu. Dans une lettre ouverte, il dénonce le passé "collaborationiste" et "antisémite" de cet ancien médecin, passionné de rugby. La question fait polémique.
A Capoulet-et-Junac (Ariège), Paul Voivenel est une figure historique. Un musée lui est dédié. Cet ancien médecin a un lien particulier avec cette commune de 200 âmes. Son épouse y est née et il en a été le maire. Sur deux étages, les souvenirs d'enfance, des photos, des écrits de Paul Voivenel ornent les murs d'une maison familiale.
Né en 1881 à Séméac (Hautes-Pyrénées) et décédé en 1975 à Pamiers, Paul Voivenel était un neuropsychiatre qui a beaucoup travaillé sur les conséquences des gaz de combat sur les soldats pendant le premier conflit mondial. Mais il a aussi été un passionné de rugby.
Une coupe à son nom
La gardienne du musée Paul Voivenel ne tarit pas d'éloges sur cette figure du rugby ariégeois. "Il a fait énormément de choses pour le rugby en France. Il a participé à la création de la Ligue des Pyrénées (en 1914 ndlr), c'est vous dire... Paul Voivenel a fait beaucoup pour ce sport qu'il n'a jamais quitté", explique Yvette Lacassin.
En 1971, les instances du rugby du département lui offrent même une coupe. La "coupe France Clovis Dedieu", devient la "coupe France Paul Voivenel".
Un collectif se mobilise pour un changement de nom
Mais plus de 50 ans plus tard, plusieurs citoyens ariégeois ne l'entendent plus de cette oreille. Dans une lettre ouverte, ils demandent à la FFR, la Fédération française de rugby, et au comité rugby d'Ariège de revenir en arrière. Et que le nom de Paul Voivenel ne soit plus associé à cet évènement sportif. "Cet homme a été partisan de la révolution nationale de Pétain, il était antisémite. Il est temps qu'on change le nom de cette coupe qui porte son nom", explique Jean-Charles Sutra, retraité de l'éducation nationale et membre du syndicat "Solidaires 09"
Pour ce collectif, cela ne fait pas de doute : pendant la Deuxième Guerre mondiale, Paul Voivenel a eu des positions pour le moins condamnables. "(...) derrière cette façade glorieuse se cache un pétainiste xénophobe et raciste et aussi un des responsables de la suppression du rugby à treize sous le gouvernement de Vichy", souligne t-il dans sa lettre ouverte.
"Devoir de mémoire"
Le collectif n'en démord pas. "Pour nous, c'est une question de devoir de mémoire", explique Jean-Charles Sutra. "On veut que cela bouge. Il faut que cette coupe redevienne la Coupe Clovis Dedieu", souligne t-il.
Clovis Dedieu, était un rugbyman originaire de Castelnau-Durban en Ariège. Résistant FTPF (Francs-tireurs et partisans français) du maquis de La Crouzette, il a été arrêté par la Milice. Sa maison fut incendiée et Clovis Dedieu est mort le 4 août 1944, à la suite des tortures infligées par ses tortionnaires.
"Nous pensons que prendre en compte notre demande permettrait de rétablir la justice et
contribuerait à la lutte contre l'antisémitisme et tous les racismes", expliquent les signataires de la lettre.
Un avis que ne partage pas Yvette Lacassin, la gardienne du musée Paul Voivenel. " On lui fait un faux procès. Il n'a jamais été antisémite ni collaborateur. Oui, il a eu une correspondance avec Pétain, mais c'était amical, rien de plus. Et quand Pétain est arrivé au pouvoir en 40, leurs rapports ont changé. Il n'était pas d'accord avec lui. C'était un humaniste, pas un antisémite. Lui, ce qui l'intéressait, c'était de continuer à soigner les "poilus" de la Première Guerre mondiale", martelle t-elle.
Et de rappeler que l'ancien médecin avait refusé un poste de ministre des sports au gouvernement de Vichy en 1940. Contacté, le Comité de rugby ariégeois n'a pas souhaité s'exprimer.