Le Samu refuse d'intervenir, il fait cinq arrêts cardiorespiratoires

Une famille de la Haute Vallée de l’Aude, près de Carcassonne, porte plainte contre un médecin régulateur du Samu pour non-assistance à personne en danger. Thierry Aniorte et son épouse racontent cet épisode traumatisant.

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Les faits remontent au 30 septembre. Employé municipal à Toureilles, Thierry Aniorte est pris de malaise en plein travail de débroussaillage. Il est 10h40 quand il commence à sentir des douleurs dans la poitrine ainsi qu’une sueur anormale. 

Âgé de 48 ans et en bonne santé, il prévient par téléphone son épouse qui le convainc d’appeler le 15.
Les douleurs s’intensifient et avec l’aide d'une adjointe à la mairie de Toureilles, ils appellent le service de secours d'urgence. Les premières conversations sont difficiles en raison d’un problème de réseau, mais ils parviennent enfin à être mis en relation avec un médecin régulateur. Ce dernier, après quelques questions, pose son diagnostic.

Son cas est jugé non préoccupant. On lui explique qu’il s’agit sûrement d’une infection pulmonaire due au Covid. On lui conseille de rentrer chez lui à environ 30 minutes de son lieu de travail et de prendre rendez-vous avec son médecin traitant.

Christine Aniorte

Les douleurs s’intensifient. L’épouse de Thierry Aniorte appelle alors le cabinet médical de sa commune. Leur médecin généraliste est formel, il faut une prise en charge immédiate. Pendant ce laps de temps, l’état de santé de Thierry Aniorte se dégrade. Il est 11h17, l’adjointe de mairie appelle une nouvelle fois le Samu pour expliquer la gravité de la situation, mais le médecin régulateur (toujours le même) ne change pas de discours et refuse d’envoyer les secours.
Démunie, l’épouse appelle son fils, qui est sapeur-pompier. Heureusement, il est de repos ce jour-là et décide d’aller voir son père. L’homme souffre énormément et le jeune homme compose le service d’urgence. 

On l’envoie balader, car c’est la 3e fois qu’ils appellent pour lui. Une nouvelle fois, on décide de ne pas faire intervenir les secours.

Christine Aniorte

Le jeune-homme sait que la situation est grave et conduit son père aux urgences de Carcassonne, à plus de 25 kilomètres. Mais ce dernier s’arrête au centre de secours de Limoux, car l’état de son père devient critique."Il a eu très peur, précise Christine Aniorte. Il voyait son père mourir."

Les sapeurs-pompiers le prennent cette fois en charge. Thierry Aniorte est ainsi soigné par un infirmier du centre de secours qui réanime l’homme plusieurs fois. Alerté, le Samu prendra par la suite le relais pour transporter Thierry Aniorte aux urgences de l’hôpital de Carcassonne. À son arrivée, aux alentours de 12h30, il aura eu au total cinq arrêts cardiorespiratoires. La suite de la prise en charge a été normale (pose d’un stent, cinq jours en soins intensifs, un mois de rééducation) et par chance, le patient n’a pas eu de séquelle. Son état de santé est malgré tout encore fragile aujourd’hui. 

Si mon fils, n’allait pas le chercher et sans le concours des sapeurs-pompiers, mon mari serait mort ! Je ne comprends pas la toute-puissance d’un médecin régulateur ! Comment peut-on laisser à un seul homme décider de la vie de quelqu’un ??

Christine Aniorte

Le couple a décidé de porter l’affaire en justice. Une plainte pour non-assistance à personne en danger à l’encontre du médecin régulateur. Malgré le traumatisme, la famille accepte de témoigner aujourd’hui parce que la presse locale a fait écho d’une histoire similaire et que le couple s’est senti à l’abandon.

Notre traumatisme, je ne le souhaite à personne. Aujourd’hui, je ne veux pas que d’autres personnes subissent ce qu’on a vécu. Je refuse que cela continue, ça me hante. Je me sentirai coupable si ça arrive une nouvelle fois.

Christine Aniorte

Dans l’Aude, le service d’urgence dépend uniquement de l’hôpital de Carcassonne. Le SDIS du département n’a pas de médecin régulateur, ni de médecin sur le terrain comme peuvent avoir d’autres départements de la région.

Ce drame est la conséquence d’un manque de moyens humains des services d’urgences qui touche l’Aude mais aussi de nombreux départements français. Les sapeurs-pompiers de l’Aude sont en capacité d’accueillir des médecins urgentistes des infirmiers, et de les accompagner dans toutes les missions de secours à personnes qui nous sont confiées.

Direction du SDIS de l’Aude

Le couple n’a toujours pas été reçu par l’hôpital de Carcassonne. Son objectif est de comprendre ce qu’il s’est passé. La direction de l’hôpital nous a précisé qu’elle n’est pas en mesure de nous répondre sur ce dossier précis.

Une action en justice ayant été engagée, nous n’apporterons aucun élément supplémentaire sur ce dossier. Nous nous tenons à l’entière disposition des autorités pour transmettre tous les éléments nécessaires à l’instruction de cette affaire .

Direction de l'hôpital de Carcassonne

L’établissement rappelle que "le Samu 11 enregistre en moyenne 156 000 appels par an. En 2022, seules trois réclamations relatives à la régulation médicale ont été enregistrées et ont fait l’objet d’un traitement par le service des relations avec les usagers." A notre connaissance, la plainte du couple Aniorte sera cette année la seconde. Un autre couple, dont la femme a été victime de fausse-couche, a également saisi la justice, le 27 février 2023 pour dénoncer aussi leur prise en charge par le Samu.

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