C'était le procès du deuxième incendie du péage de Narbonne Sud, le 15 décembre 2018. Quatre Gilets Jaunes, placés en détention provisoire depuis février, ont été condamnés lundi 6 mai à deux ans de prison dont douze mois avec sursis par le tribunal correctionnel de la ville.
Les mis en cause, quatre hommes, âgés de 29 à 37 ans, étaient soupçonnés d’avoir dégradé la barrière de péage. Ils étaient poursuivis pour "détérioration ou dégradation de barrière de péage par incendie".
Des faits graves, punis de 10 ans d'emprisonnement
Compte rendu d'audience:Quand il prend la parole, le procureur estime que les quatre hommes méritent la même peine, même si deux reconnaissent les faits et deux les nient.
Ils ne peuvent pas ignorer ce qui va se passer. S’il y avait eu un blessé ce jour là, on serait aux assises. La décision que vous allez rendre doit dire : « ça suffit ». Je ne demande pas qu’on fasse un exemple mais qu’on rappelle la loi. De l'emprisonnement ferme est une peine adéquate.
Le procureur a requis 2 ans d’emprisonnement, une peine qui peut être en partie couverte par du sursis et de la mise à l’épreuve.
Qui sont les accusés ?
Quatre hommes de 29 à 37 ans, au chômage après une série de petits boulots. Avec de petites condamnations pour usage de stupéfiants ou conduite en état d'ivresse.
Le premier prévenu qui s'exprime n’habite Narbonne que depuis un an. Il vit dans son camion sur un terrain prêté par des amis. Il a déjà été condamné pour usage et trafic de stupéfiants.
L'homme, âgé de 30 ans, explique ne plus consommer car il est chauffeur poids-lourd. Il a toujours travaillé mais en intérim.
Le deuxième prévenu est au chômage depuis un an, après 10 ans dans un supermarché, conclus par un burn-out. Il a été déclaré inapte pour son ancien travail. En fin de droits au chômage, il souhaitait faire une formation. Il a été condamné deux fois pour usage de stupéfiants et une pour conduite en état d'ivresse.
Le troisième prévenu, 30 ans, est lui aussi au chômage depuis quelques mois. Il travaillait dans la couverture et la toiture, après un diplôme dans l'hôtellerie. Il a aussi été ouvrier agricole. Il a été condamné plusieurs fois pour conduite en état d’ivresse.
Le quatrième prévenu habite une caravane dans un champ dont il est propriétaire depuis trois ans. Sans emploi, il ne possède pas de véhicule. Il était charpentier maritime mais une allergie à l’acétone l'a forcé à arrêter. Il dépend du RSA. Il a été condamné pour conduite sous l'emprise de stupéfiants.
Deux des quatre prévenus ont reconnu les faits, le premier et le troisième. Ce dernier a déclaré qu'il a rejoint le mouvement des Gilets jaunes parce qu'il partageait leur ras-le bol.
- J'en avais marre de bosser pour pas grand-chose et pour payer des impôts.
- Vous avez déjà payé des impôts ? demande le président du tribunal
- Non.
C'est lui qui portait un masque de ski, pour, dit-il, se protéger des gaz lacrymogènes.
Le prévenu numéro 3 raconte avoir mis des pneus pour allumer le foyer mais aussi pour l’alimenter. Il avait bu et explique son geste par l'abus d'alcool.
Il reconnaît avoir allumé le premier feu, avec l'aide du quatrième prévenu qui lui aurait proposé l'essence de sa moto. Ce que celui-ci nie catégoriquement.
Je n'ai pas proposé de l'essence, j'ai accepté d'en donner c'est tout.
Quand le président du tribunal de Narbonne l'interroge, le prévenu numéro 2 explique voir été entraîné par l'ambiance sur place. Mais il nie catégoriquement avoir participé à l'allumage du feu.
Je suis allé chercher des pneus mais pour bloquer, pas pour brûler, ça va vite, on n'a pas le temps de réfléchir aux conséquences.
Le prévenu numéro 1 est très grand, c'est en partie ce qui l'a rendu identifiable sur les vidéos. Il reconnaît avoir allumé le feu avec une fusée de détresse.
L'avocate des parties civiles représente les Autoroutes du Sud de la France.
Elle renvoie les 4 prévenus dos à dos : deux ont reconnu les faits, deux autres les nient mais ils sont tous responsables selon elle, parce qu'ils ne se sont pas désolidarisés des autres quand ils l'auraient pu.
Quand on attaque un péage, on attaque un bien qui bénéficie à l'ensemble de la communauté. Le péage est resté un mois et demi.
Plus de 100 000 euros de dégâts, non couverts par les assurances.
Les avocats des prévenus se succèdent pour plaider la cause de leurs clients, des Gilets jaunes, pas des casseurs selon eux.
L'enquête
Les gendarmes de la section de recherche de Montpellier ont mené l’enquête avec comme point de départ des images postées sur réseaux sociaux, notamment celles de Hedi Martin, un jeune de Port la Nouvelle condamné il y a quelques mois par ce même tribunal.
Sur ces images, on peut voir un individu avec un masque de ski et un foulard accompagné d’un homme très grand.
Un autre homme avec un pantalon beige qui aurait essayé de s’interposer pour empêcher les pompiers d’intervenir.
Le feu aurait été allumé avec une fusée de détresse et de l’essence siphonnée dans le réservoir d’une moto.
Des écoutes téléphoniques ont permis d’identifier les protagonistes et leur rôle.
Des perquisitions ont ensuite permis de retrouver des effets vestimentaires correspondant à ceux vus sur les vidéos.
Un an de prison ferme
Tous les quatre ont été condamnés lundi à deux ans de prison dont douze mois avec sursis par le tribunal correctionnel. Le juge leur a signifié une interdiction de manifestation et de port d'arme pendant trois ans.
Cette peine est assortie de trois obligations :
- obligation de résidence fixe
- obligation d'indemniser la victime et donc à payer solidairement à Vinci Autoroutes la somme de 288.000 euros
- obligation de travail ou de formation
Le juge a ordonné leur maintien en détention.
Une peine scandaleuse
"Une peine scandaleuse," s'indigne Me Cyril de Guardia, avocat de la défense. "Nous allons adresser immédiatement une requête en aménagement de peine, raison pour laquelle je ne pense pas interjeter appel de la décision que le plan pénal. Je vais par contre envisager l'appel sur le volet civil."
Premier incendie du péage de Narbonne : une enquête toujours en cours
Le premier incendie du péage de Narbonne Croix Sud a eu lieu 15 jours auparavant. Les locaux du peloton de gendarmerie de l'autoroute et ceux des ASF ont brûlé lors de ce premier incendie. L'enquête est toujours en cours.