La porte de l'infirmerie, la petite porte des toreros remplaçants et la Grande Porte, celle du triomphe : toutes les trois se sont ouvertes au cours de la feria d'automne de Madrid. 

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Si le vaudeville c'est "la femme, le mari, l'amant et des portes qui claquent", la tauromachie peut se résumer en un drame épique avec un héros et deux portes : celle de l'infirmerie et celle de la gloire. Dans le vaudeville, tout finit par s'arranger. Dans l'arène…
La feria d'automne 2015 de Madrid  s'est déroulée par beau temps (sauf pour la novillada de jeudi) dans une arène quasiment pleine chaque jour, le public manifestant sa colère devant la décision de la mairie de supprimer les subventions traditionnellement accordées à l'école de tauromachie. 

Vendredi
Alberto López Simón est accroché par les toros presque à chacune de ses sorties. Arrivé à Madrid plus pâle et déterminé que jamais, il a une nouvelle fois administré la preuve qu'il ne vise qu'une place, la première, et qu'un statut, celui de héros différent de tous, à l'image de José Tomás.
Opposé à un très classique (et quasi conformiste) Diego Urdiales, dans un mano a mano sur le papier jubilatoire, López Simón a eu à toréer trois Puerto de San Lorenzo désespérants de faiblesse et dépourvus de "race". Mais quand les toreros se placent là où Alberto se place, les toros n'ont pas le choix: ils prennent la passe et… donnent des coups. 
Blessé par son premier à qui il coupe une oreille, Alberto passe à l'infirmerie, il a un coup de corne à la cuisse qui remonte jusqu'au périné. Pendant qu'Urdiales torée l'un après l'autre les deux toros qu'il lui reste, lui négocie avec le médecin des arènes. "Je suis majeur et responsable, je veux retourner dans l'arène". La corrida n'est pas la boxe, ni le rugby, le médecin accède au désir du torero.
López Simón, cuisse bandée, attend derrière le double portail du patio qu'Urdiales en finisse. Pour revenir au combat, il n'emprunte pas le discret portillon qui donne sur le callejón. Il fait ouvrir les deux battants de la porte en bois et traverse toute la piste, les yeux dans le vide et en boîtant bas. Cette mise en scène de la douleur et de l'héroïsme pourrait paraître outrée: elle est sublime. 
Évidemment, il coupe l'oreille du cinquième, un fuyard lamentable qu'il parvient à intéresser. Avec le sixième, doublement brindé au chanteur Calamaro et à tout le public, il ne peut absolument rien faire.
On le porte en triomphe. Et sitôt la Grande Porte franchie, on le ramène à l'infirmerie.


Vendredi 1er octobre
Première corrida de la feria
6 toros de Puerto de San Lorenzo, beaux et faibles

Diego Urdiales (tabac et or) : silence, salut au tiers (diversement apprécié) et silence
Alberto López Simón (bleu et or) : une oreille, une oreille et silence



Samedi
López Simón sur la touche, c'est Gonzalo Caballero qui le remplace au pied levé. Lui aussi est un banlieusard. López Simón vient de Barajas, la ville aéroport. Lui vient de Torrejón de Ardoz, la base militaire aérienne. Il n'est pas matador de toros? Qu'importe, il prendra l'alternative! 
Participer à une feria quand votre nom n'est pas sur l'affiche, c'est comme entrer aux arènes par la petite porte. On dit que les toreros n'aiment pas ça. Gonzalo Caballero, trop content de toréer, n'a rien dit à ce propos. 



Les toros de Vellosinos sont des bœufs dont personne ne peut rien tirer surtout pas Uceda Leal qui "se contente" de donner deux estocades dans les règles. López Simón aurait-il triomphé? Peut-être. 
Gonzalo Caballero prend tous les risques, expose au maximum, se met lui aussi "dans le sitio" où les toros n'ont pas d'autre choix que de passer. Il est au bord de la réussite, mais l'épée le prive de trophées.
C'est bien, lui dit-on, tu as presque triomphé.
Je déteste ce mot, presque. Mon compte en banque est dans le rouge, j'ai besoin de triomphe. Je reviendrai.



Samedi 3 octobre
Deuxième corrida de la feria
6 toros de Vellosino sans bravoure ni race

Uceda Leal (prune et or) : silence et silence
Eugenio de Mora (corail et or) : silence et silence
Gonzalo Caballero qui prenait l'alternative (blanc et argent) : ovation (un avis) et ovation( un avis)



Dimanche

Les toros d'Adolfo Martín sont pénibles, comme convenu. Robleño assure, Rafaelillo aussi. Comme convenu.
Paco Ureña, torero de Murcia à la triste figure, vient à Madrid mal remis de la blessure reçue à Murcia. Il est dans un grand jour. 


Blessé par son premier toro, il reste en piste, le tue (al recibir, s'il vous plait), puis passe à l'infirmerie. Scenario connu.
Il revient (sans ostentation) pour le sixième, un nommé "Murciano". Lui, torero de lorca (province de Murcia), avec Murciano, la légende taurine est en marche : elle raffole des coïncidences onomastiques. C'est le dernier toro de la feria, il est excellent.
Ureña le torée magnifiquement. Les 4 naturelles de face qui concluent la faena  sont 4 bijoux. Il va couper les deux oreilles après sa meilleure prestation madrilène, un chef d'œuvre comparable à celui de Castella pour San Isidro.
Patatras!
L'estocade n'est pas réussie. Ureña pleure, certains affirment m^me qu'il avait commencé à pleurer alors qu'il toréer. Et il dit : "ça peut vous paraître énorme, mais je sais que je peux mourir maintenant, après ce que je viens de faire".

Dimanche 4 octobre
Troisième et dernière corrida de la feria
6 toros d'Adolfo Mertín, le sixième « Murciano » meilleur que les cinq premiers

Rafael Rubio « Rafaelillo » (noir et or) : ovation après faible pétition et ovation
Fernando Robleño (blanc et argent) : silence et silence
Paco Ureña (rose et or) : ovation et vuelta al ruedo

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