Nous nous retrouvons aujourd'hui face à une uniformisation des fruits et légumes. "Pour de mauvaises raisons", selon Christian Hilaire, chercheur en sélection fruitière au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (Ctifl) de Baladran dans le Gard.
De nouvelles variétés de fruits et légumes arrivent chaque année sur les étals avec une seule tendance : des produits fermes et sucrés. Cette uniformisation assure néanmoins un minimum de qualité au consommateur. Pour les pêches/nectarines, "on va vers des textures croquantes et des saveurs douces qui ont très peu d'acidité. Mais pour moi, ce sont pour de mauvaises raisons" et c'est sûr qu'un fruit dur "il peut se planter 40 doigts dedans, le fruit ne bouge pas", annonce Christian Hilaire, chercheur en sélection fruitière au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (Ctifl) de Baladran dans le Gard.
"On va vers une uniformisation pour éviter que le consommateur soit déçu", enchaîne Sophie Charmont, directrice de ce centre recherche. Par exemple, les melons ont un goût sucré plus uniforme mais leur chair est loin du fondant d'antan. Et presque tous ont cette enveloppe brodée qui permet de mieux résister.
"Une demande du consommateur"
Pour Guy Kastler, délégué général du Réseau Semences Paysannes, cette tendance est à mettre au compte de la grande distribution, qui recherche pour des besoins logistiques, "des fruits qui n'arrivent pas à maturité et qui sont tous de même forme et même calibre".
Le responsable fruits et légumes d'une grande enseigne reconnaît que les distributeurs "doivent rassurer le consommateur et faire des efforts" sur ce sujet. Et il assure que les critères de sélection ne sont pas les contraintes logistiques mais bien la demande des consommateurs.
Certaines enseignes comme Grand Frais, Monoprix ou Intermarché ont misé sur leurs rayons fruits et légumes avec par exemple des avocats mous et mûris à point. Mais dans beaucoup de grandes surfaces, la maturité n'est pas au rendez-vous. Un problème quand on sait qu'à part la banane, la poire, l'avocat ou la mangue, aucun fruit ne continue à mûrir après la cueillette.
Des pêches plus résistantes, moins de pesticides
Certes, les grands sélectionneurs comme les géants de la semence ou la recherche publique cherchent à améliorer les rendements, les calibres et la texture avec de nouvelles variétés. Mais ils travaillent également sur le goût et sur une partie moins visible pour le consommateur : les résistances aux maladies ou les besoins en eau.
Dans le Gard, l'Inra (Institut de la recherche agronomique) tente de mettre au point une variété de pêche résistante à l'oïdium, un champignon qui provoque des taches blanches sur le fruit. Une telle variété permettrait d'économiser quelque 15 traitements fongicides par an. Une vraie nécessité au moment où les agriculteurs sont priés de consommer le moins de pesticides possible.
En matière de goût, "on peut penser qu'après la phase uniformisation, il y aura des phases de diversification comme a connues la tomate", anticipe Sophie Charmont. "Il y a 10 ans que les chercheurs travaillent sur le goût de la tomate et il faut savoir que plus une tomate est grosse, plus le goût est faible", enchaîne-t-elle.
C'est ainsi que les Coeur de pigeon, Merinda ou autres tomates cerises de couleur rouge, orange ou noire envahissent désormais les étals, présentant une palette de goûts et de formes différentes.
S'agissant de la prune ou des pêches, les filières ont déjà quelques cordes à leur arc. Il y a par exemple la pêche plate. Et l'Inra est en train de mettre au point une nectarine sanguine, un clin d'oeil couleur et une façon de surfer sur la mode des fruits rouges anti-oxydants.
Des variétés qui devront faire leurs preuves demain et surtout être cultivées et conservées dans des conditions optimales. Car la météo, les modes de culture plus au moins intensifs et le transport jouent aussi énormément sur la qualité et le goût.