L'aigle de Bonelli est installé dans les gorges du Gardon depuis longtemps. Les quelques spécimens qui restent sont menacés par le développement de l'activité humaine dans la zone.
Sur 45.000 hectares autour de la commune de Sainte-Anastasie, à 15 km au nord de Nîmes, la réserve de biosphère des Gorges du Gardon abrite trois couples d'Aquila fasciata.
"Une concentration exceptionnelle", souligne l'ornithologue Guillaume Fréchet, car seuls 33 couples sont recensés en France, contre 80 dans les années 1960, pour une population mondiale estimée actuellement à 10.000 couples.
En France, ils sont concentrés dans le Sud et font l'objet, dans le cadre d'un plan national, d'une surveillance attentive.
Ces oiseaux aux puissantes serres, au bec crochu et au plumage brun et blanc à flammèches, de 150 à 170 cm d'envergure, sont bagués lorsqu'ils sont poussins, à quarante jours.
"C'est la base du travail de connaissance", explique M. Fréchet, chargé de mission sur la réserve. "Et depuis cinq ans, des balises GPS permettent de connaître leur domaine vital et d'identifier les menaces".
Entendre chanter et observer depuis le jardin, un couple d'Aigle de Bonelli, un doux moment dont j'adore profiter.#loustaletdesmarres pic.twitter.com/HlGcu32lSO
— Oustaletdesmarres (@OustaletDMarres) 26 septembre 2016
Parmi les multiples menaces qui guettent ces rapaces, tirant leur nom d'un ornithologue italien du XIXe siècle, figurent les électrocutions et les percussions sur des lignes électriques. Mais sur la réserve l'ornithologue estime que "l'essentiel de l'armement électrique dangereux a été neutralisé".
Le braconnage reste en revanche une préoccupation : une femelle a été criblée de plombs en 2012. "On essaie de travailler avec les Fédérations de chasse", souligne M. Fréchet.
Prière de ne pas déranger
Plus largement, les responsables du site naturel tentent de "concilier les activités humaines avec les habitudes de l'aigle de Bonelli et son intolérance au dérangement", dit le chargé de mission.
Cette espèce menacée est basée sur la longévité (environ 30 ans) et non sur la fécondité (0,93 aiglon par couple et par an). Il est donc important de ne pas déranger sa reproduction.
"L'aigle de Bonelli est un symbole", estime Guillaume Fréchet. "Est-ce qu'on est encore capable de vivre au côté d'une espèce exigeante en terme d'espace vital ?"
Les responsables de la réserve tentent de développer chez les visiteurs et les populations locales un "savoir-être" respectueux des animaux et du milieu naturel.
Il reste cependant encore des sentiers non balisés et des grimpeurs et promeneurs peu respectueux.
Mais plus généralement, s'interroge l'ornithologue, "au rythme du développement de notre société, de l'urbanisation, est-ce que les aigles de Bonelli auront toujours une place dans 30 ou 50 ans ?" Et ce alors que des traces fossiles attestent leur présence dans les falaises calcaires du sud de la France depuis 200.000 ans.
Située dans une zone très touristique, la réserve est soumise à une forte pression humaine: lotissements, lignes ferroviaires, contournements autoroutiers, carrières et énergies renouvelables industrielles (parcs éoliens et photovoltaïques).
"Nous sommes vigilants face à tout projet qui amputerait le domaine vital des aigles de Bonelli", souligne Guillaume Fréchet. "Nous ne sommes pas contre les énergies renouvelables, mais elles peuvent être développées dans des zones déjà urbanisées et non sur des sites naturels".
"En cherchant à préserver le domaine vital de l'aigle de Bonelli", assure l'ornithologue, "c'est de nous et de la sauvegarde de notre propre espace vital naturel que l'on s'occupe à long terme".