Les villages de 2 000 habitants ne peuvent plus avoir de voies "sans nom", depuis le 9 février et l'adoption de la loi 3DS. Ces communes devront nommer et numéroter toutes leurs rues. Un enjeu de sécurité et économique pas toujours bien accepté par les habitants concernés.
"Cela peut amener quelques tensions dans les petites communes. Certains habitants ne veulent pas changer d'adresse pour ne pas voir disparaître le nom du lieu-dit où ils résident et pour ne pas à avoir tout un tas de paperasses à remplir" constate Michel Baylac, maire de Roquelaure (Gers), village de 576 habitants. Pourtant, depuis le 9 février 2022 et l'adoption de la loi 3DS, ils n'ont plus le choix. Les villages de moins de 2000 habitants sont désormais dans l'obligation de nommer et numéroter toutes leurs voies. "C'est indispensable !" reconnaît le maire de la Salvetat Belmontet dans le département voisin du Tarn-et-Garonne, Bernard Pezous.
Sécurité et fibre optique
L'absence d'adresse précise dans certains territoires ruraux a pu compliquer l'intervention de secours. "Il peut y avoir parfois une perte de temps énorme pour trouver une habitation située dans un lieu-dit. Auparavant les personnes qui habitaient des fermes à plusieurs mètres de distances se connaissaient tous, aujourd'hui avec les néo-ruraux ce n'est plus le cas" explique le Tarn-et-Garonnais, donc la commune abrite 800 habitants.
"L'arrivée de la fibre optique a aussi bousculé les choses" ajoute Michel Baylac. Sans adresse, impossible de se raccorder et de bénéficier de services numériques devenus incontournables dans la société d'aujourd'hui. Notamment, lorsque l'on est salarié que l'on a fait le choix de s'installer à la campagne et de passer au télétravail, en raison de la crise du covid.
La nécessité de voir ces rues sans noms et sans adresses ne fait plus débat, même si l'Etat doit mettre la main à la poche afin d'aider des petites collectivités. L'achat de nouveaux panneaux, leur installation n'est pas sans conséquences sur leurs budgets, de plus en plus réduits.
Unique, géolocalisable et non ambiguë
Mais nommer et numéroter une rue ne sont pas des opérations à prendre à la légère. "Une adresse doit être unique, géolocalisable et non ambiguë" souligne un expert en la matière, Manuel Resta, référent adresse pour La Poste.
La société française de courrier, comme d'autres entreprises, propose aux mairies un dispositif commercial d’accompagnement pour identifier les voies, organiser le numérotage et renseigner la base d’adresses locales. Manuel Resta s'occupe du sud du Lot. "Actuellement sur les 148 communes dont je m'occupe, près d'un tiers d'entre-elles n'ont pas encore réalisé leur numérotage" rapporte-t-il. Un retard énorme que la loi 3DS doit permettre de combler.
Le travail de Manuel Resta se fait en concertation avec les communes, mais aussi les habitants. "Le projet de départ évolue au fur et à mesure, en prenant compte de l'avis des uns et des autres. Mais l'objectif, c'est d'éviter un maximum la confusion" explique-t-il. Choisir le nom d'une direction, comme un village, n'est pas, par exemple, une bonne idée, car "cela dépend dans quel sens l'on circule."
Très souvent, les noms de routes, de voies ou d'allées gardent le nom du lieu-dit. "C'est souvent très important pour les villages de ne pas les oublier. On ne peut pas les mettre de côté" reconnaît l'agent de La Poste.
Le choix du système métrique
Concernant la numérotation, le choix a été fait d'appliquer le "système métrique". Une révolution qui n'est pas encore rentrée dans nos habitudes françaises. "L'idée est simple, assure notre référent adresse dans le Lot. Le numéro de l'adresse correspond à la distance où se situe l'habitation par rapport à un point précis, comme le début de la rue ou la mairie. Par exemple, si une maison se situe au numéro 100, on saura que nous n'aurons que 100 mètres à parcourir dans la rue et qu'elle se situera à droite."
Des indications précieuses pour les secours, mais qui permet d'intercaler de nouveaux numéros sans avoir recours au bis et au ter. "A La Poste, ces extensions, nous ne les aimons pas, car parfois, nos lecteurs optiques qui trient le courrier peuvent confondre le bis avec un 208. Avec le système métrique, nous évitons cet écueil." précise M.Resta.
Au final, cet adressage a aussi le mérite de replacer sur nos GPS, des lieux qui semblaient avoir disparu à jamais.