Les avocats des barreaux de Tarbes, du Gers et du Lot ont cessé tout ou partie de leur activité judiciaire ce vendredi. Ils protestent contre la baisse prévue des aides juridictionnelles. Explications.
La crainte d'une justice à deux vitesses et la fin de l'accès à la justice pour tous, c'est ce que craint Elisabeth Toujas-Lebourgeois, la batonnière de l'ordre des avocats des Hautes-Pyrénées. A Tarbes, la grève de ce vendredi a été votée à l'unanimité en assemblée générale extraordinaire. Entretien.
Que prévoit exactement cette baisse annoncée de l'aide juridictionnelle ?
L'aide juridictionnelle se calcule sur une base d'unité de valeur. Suivant le service rendu par l'avocat (audience, garde à vue...), le nombre d'UV est différent. C'est le montant de cette UV qui est revu à la baisse et qui va être harmonisé sur tout le territoire à 20.84 €. A Tarbes, cela représente une baisse de 10%. Il faut savoir que l'aide juridictionnelle n'a pas été revalorisée depuis 6 ans et qu'elle concerne de plus en plus de monde, tant du côté des justiciables que des victimes.
Dans quels secteurs est-elle la plus utilisée ?
A Tarbes, c'est dans le droit à la famille, le doit pénal, les tutelles et les hospitalisations d'office que nous sommes le plus sollicités. Pour ces dernières, un projet de loi prévoit de renforcer notre présence, ce qui est une bonne chose. Mais si l'aide juridictionnelle est revue à la baisse, ce sera impossible.
Quelles conséquences pour les citoyens qui ont recours à l'aide juridictionnelle ?
Il ne pourront plus ou très difficilement trouver d'avocat pour être représenté. Il nous sera en effet impossible d'assurer cette mission. Ce sera faisable pour un petit nombre de dossiers mais pas pour tous. Nous ne pouvons pas travailler à perte sur autant de cas en devant faire face, en plus à une augmentation de nos charges. Nous ne demandons même pas l'augmentation de l'AJ (l'aide juridictionnelle) mais au moins qu'elle soit maintenue à un niveau constant.
Va-t-on vers une justice à deux vitesses ?
Tout à fait, ceux qui pourront payer auront un bon dossier, ceux qui ne pourront pas n'en auront même pas ! Il va y avoir un vrai problème d'accès à la justice, qui est un droit fondamental. Et c'est à l'Etat et à la solidarité nationale de garantir cet accès, comme celui à la santé, à la sécurité ou encore à la culture. Pas aux avocats.
Une réforme reportée
Christiane Taubira a annoncé que la réforme du financement de l'aide juridictionnelle ne sera pas appliquée en 2014. La ministre de la Justice va présenter, pour ce faire et avec l'accord du Premier ministre, un amendement au projet de loi de finances 2014 "pour demander au Parlement d'annuler" cette mesure, a-t-elle déclaré lors d'un discours devant l'assemblée générale extraordinaire du Conseil national des barreaux (CNB).
L'appel à la grève des avocats contre la baisse de l'aide juridictionnelle était national et émanait de 4 syndicats professionnels. En Midi-Pyrénées, dans les Hautes-Pyrénées, le Gers et le Lot, les avocats ont cessé ce vendredi tout ou partie de leur activité judiciaire. Dans les autres barreaux, on attendait le discours que doit tenir Christiane Taubira, garde des sceaux devant de conseil national des bâtonniers ce vendredi avant de décider la semaine prochaine d'éventuelles actions à mener.
La France mauvaise élève européenne
La France ne consacre en effet que 0,19% de son PIB à la justice, ce qui la place au 37ème rang européen en la matière. Nos voisins investissent environ le double : 0,38% pour l'Allemagne, 0,36% pour l'Espagne, 0,43% pour le Royaume-Uni et 0,52% pour la Pologne. Or Le gouvernement a taillé 32 millions d'euros, soit 10 %, dans le budget pour 2014. Et Il lui faut trouver de 60 à 80 millions d'euros avant l'année prochaine pour financer l'aide juridictionnelle dont la demande est de plus en plus importante.