Un débat citoyen était organisé par les rédactions de France 3 Occitanie ce 8 juin 2022. A quelques jours du 1er tour des élections législatives, une question centrale : celle de la représentativité de nos députés.
Les députés sont-ils à l’image des citoyens qui les ont élus ? C'était la question centrale du débat citoyen organisé ce 8juin 2022 sur le plateau de France 3 Occitanie.
Les députés, Jeanine Dubie les connaît bien. Elle est encore pour quelques jours la représentante PRG des Hautes-Pyrénées à l’Assemblée nationale. Mme Dubie ne se représentera pas. "J’ai dit que je ne ferai que deux mandats et j’ai l’âge de la retraite." Les parlementaires ressemblent-ils aux citoyens ? La réponse de Jeanine Dubie est claire : "Non, il y avait une forte représentation lors de cette mandature de CSP. Mais il faut reconnaître qu’il y a eu un rajeunissement et une féminisation."
Un point de vue partagé par Marie Blandine Doazan. L’agricultrice est à la tête d’une exploitation céréalière à Villariès en Haute-Garonne. Son constat est sans appel. "Pour bien nous représenter, il faut bien connaître nos difficultés au quotidien." Problème, il n’y a quasiment plus aucun paysan dans l’hémicycle.
Un problème de représentativité
"Si on cherche une représentativité sociale de la France à l'Assemblée nationale, nous ne la trouverons sûrement pas, assure Eric Darras, directeur de Sciences Po Toulouse. Il n’y a, par exemple, plus de députés ouvriers. Les classes populaires ont disparu de l'Assemblée nationale. A tel point que certains élus s'enorgueillissent d’avoir eu un grand-père qui travaillait dans une usine pour avoir de la crédibilité.
Pour mettre un terme à ces carences Luc Ripoll, retraité, ancien salarié de l’entreprise Yéo Frais et membre de la CGT s’est présenté sur sa circonscription. "Avec notre système présidentiel, le rôle des députés a beaucoup moins d’intérêt. On peut constater que beaucoup d’élus sont hors-sol. Beaucoup de citoyens ont l’impression d’être représentés par des personnes qui ne vivent pas leur vie. Les questions du pouvoir d’achat, de l’emploi, des retraites se traduisent très peu dans les débats politiques d’aujourd’hui."
La représentation nationale, Emmanuelle Dussol l’a pointée du doigt sur les ronds-points durant le mouvement des Gilets Jaunes. Pour elle, "il y a des gens encore en colère qui attendent un renouveau, qui attendent des changements." Notamment du côté de leurs députés : "on voit souvent l’écart sur les sujets importants pour nous, votés pour eux en 30 secondes avec peu de personnes. On l’a d’ailleurs vu lors du vote de lois durant le Covid, sur les confinements ou les vaccins."
Un député à la fois, avocat, assistante sociale, contrôleur
Mais pour le sociologue, Eric Darras, "il y a une image injuste des députés. Les députés, c’est 70 à 80 heures. 3 semaines de vacances par an. Un lit pliable pour seul coucher à l’Assemblée nationale. Le travail même du député s’est transformé, s’est complexifié. Il joue des rôles très différents : celui de l’avocat, celui de l’assistante sociale, celui du contrôleur."
Jeanine Dubie soulève un point peu évoqué : le statut de l’élu. "Notamment, afin de financer sa campagne, souligne la députée. Tout le monde ne peut pas se permettre de payer le coût d’une campagne. Le coût d’une campagne plus le risque de quitter son travail, il est sûr qu’il y ait beaucoup de personnes qui ne veulent pas se présenter." A l’exception de ceux ayant les moyens ou soutenus par leurs partis.
Maud Hudibos est directrice de la station balnéaire du Grau Du Roi. Comme Paul Gros, patron pêcheur, elle attend avant tout des députés qu’ils soient en mesure de relayer à Paris leurs revendications et d’aider leurs secteurs économiques. "Ce que j’attends des députés, c’est qu’ils prennent conscience de l’importance du tourisme pour un territoire comme le nôtre. Nous souhaitons la nomination d’un ministre, car notre secteur, c’est presque 10% du PIB de la France. On voit l’importance d’être écouté au plus haut niveau."
"Nous, avec le nouveau gouvernement, nous avons perdu notre ministre. Nous avons désormais seulement un secrétariat d'État, déplore Paul Gros. Le personnel politique n’est pas assez présent. Ces dernières années ont eu des problèmes, mais on ne les a pas vus sur le terrain. »
Changer le mode de scrutin ?
Sami Touihri, en est persuadé. Pour recréer du lien entre députés et électeurs, il faut que ces derniers soient parfaitement informés des programmes. Il a ainsi créé l’application "votons". Pour l’entrepreneur, "il y a une élite qui se construit par l’élection. Il y a toujours eu cette dissociation par le peuple. Cela peut être contrebalancé par la transparence. Les gens ont l’impression que les députés sont de simples exécutants alors qu’ils ont du poids. Il faut que la représentativité soit là."
"Hélas, pour les députés on les connaît trop peu, donc on va voter pour des partis politiques. C’est difficile de savoir si on doit voter pour ses convictions ou pour une personne" se plaint Emmanuel Dussol.
Réformer le mode de scrutin peut-il être une solution, comme la proportionnelle ? Pour Jeanine Dubie c’est "non ! ". "Le problème avec la proportionnelle, c’est que vous allez aller élargir la circonscription et vous allez établir encore plus une distance. Il est intéressant d’avoir des circonscriptions proches des citoyens. Il y a d’ailleurs une vraie différence entre le rural et l’urbain."
Revoir le débat à partir de ce lien : https://www.france.tv/france-3/midi-pyrenees/direct.html