Après trois ans de silence, l'avocat du Crif réagit au futur procès de l'Imam d'Empalot pour propos antisémites

Alors que Mohamed Tataiat, l'imam de la mosquée d'Empalot à Toulouse, est renvoyé devant le tribunal correctionnel pour "provocation à la haine raciale", Me Simon Cohen avocat du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), répond à nos questions. 

Les faits remontent à Toulouse en décembre 2017. Lors d'un prêche en langue arabe, Mohamed Tataiat, imam de la mosquée d'Empalot, se réfère à une parole du prophète Mohamed, qui appelle les musulmans à tuer les juifs. Après deux ans d'enquête, le doyen des juges d’instruction du tribunal de Toulouse a décidé de renvoyer devant le tribunal correctionnel l'imam pour provocation à la haine raciale. Me Simon Cohen, l'avocat du CRIF a accepté de répondre à nos questions.

Pourquoi l'enquête a-t-elle été si longue ?

Dans cette affaire, il fallait avoir la certitude du sens des propos tenus, que la traduction fasse autorité. Le Coran ne fait pas l'objet d'une interprétation figée. Les versets donnent lieu à de nombreuses controverses. Il fallait donc fixer le texte d'une manière indiscutable. Cela est valable pour toutes les écritures anciennes. 

C'est l'exercice normal, heureusement, du droit de la défense. La question est de savoir vraiment si oui ou non, il y a eu des propos qui peuvent être une incitation à la haine par rapport à un groupe de personnes, par rapport à leur appartenance à une race, à une religion.

Etes-vous satisfait de ce renvoi devant le tribunal correctionnel ?

"Satisfait" n'est pas le terme. On peut être satisfait de l'issue d'un match de foot... Je dirais qu'il est normal, sain dans une démocratie, et fécond pour les libertés, que l'on puisse protéger certaines valeurs si on considère que ces valeurs ont été bousculées, malmenées. Il est sain qu'il y ait débat. Civiquement, socialement, le débat est favorable et protecteur.

Si on veut lutter efficacement contre le fait lui-même, la haine raciale d'où qu'elle vienne, il faut éduquer donc élever les esprits. Notre cabinet et le CRIF et la LICRA ont jusqu'ici gardé le silence pour qu'on n'assimile pas cela à un combat. Il y a des principes parce que ça fait partie du commun, du bien commun.

Est-ce que cela pose pour vous la question du statut des imams sachant que celui d'Empalot est rémunéré par l'Etat algérien ?

Que certains Etats participent à la propagation d 'idées qui ne sont pas que religieuses mais qui sont des idées politiques ou socio-politiques, c'est inévitable. Dans le monde démocratique qui fonctionne nécessairement avec des groupes de pression (dont on connaît l'existence en matière économique ou industrielle), qu'il y ait ce type d'intervention, de soutien, c'est inévitable.

Il n'y a pas de morale publique pour les Etats. Georges Pompidou disait : "la France n'a pas d'amis, elle a des intérêts". C'est vrai pour tous les Etats. Cela existe. A partir du moment où il y a une réaction et que nous, sur place, on définit les frontières de ce qui peut se faire ou pas...  On ne peut pas empêcher le soutien financier et l'adhésion philosophique, mais on peut en restreindre les manifestations en faisant respecter les règles fondatrices. 

Vous me demandez si c'est ce que l'on fait. Quand on prend la perspective de l'histoire, on se dit qu'elle n'est pas très reluisante... A l'audience, c'est ce que je dirai : est-ce que je suis enthousiasmé parce que l'institution lutte contre l'incitation à la haine ? Non, je trouve que c'est normal. 

 

 

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