Après un suspense insoutenable, le magasin toulousain de la marque irlandaise ouvre mercredi 17 octobre. Avant de vous précipiter vers ce temple de la mode pas cher, que savez-vous sur Primark ? On vous aide à y voir plus clair.
On a presque l’impression que la ville s’est arrêtée pour attendre ce moment-là : Primark ouvre sa boutique géante à Toulouse mercredi 17 octobre à 10 heures.
Futée, la marque a savamment distillé les infos durant la (longue) période de travaux (en lieu et place de l'historique Lafayette Maison), entretenant le suspense, largement relayé par des articles de la presse locale : ouvrira, ouvrira pas, ouverture encore repoussée, hiver 2017, printemps 2018, septembre, octobre ?
Une communication gratuite (l’entreprise ne fait pas de publicité), qui n’a cessé de faire monter la pression chez les fashionistas toulousaines : la ville rose entre enfin dans le cercle des villes ayant un magasin Primark !
Une communication très contrôlée
Pour l’ouverture du magasin toulousain, Primark invite la presse à découvrir les lieux, quelques heures avant le public. Une agence de presse parisienne s’est chargée ces dernières semaines de faire le tour des rédactions toulousaines pour s’assurer de la présence des journalistes à cet événement : la visite « privée » du magasin, sans les clients, mais en présence du maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc et de la directrice générale de Primark France, Christine Loizy.Les journalistes pourront suivre le discours de la directrice générale, la coupure de ruban et l'entrée dans le magasin des premiers clients. Petite restriction, de taille : il ne sera donc pas possible aux journalistes de poser des questions aux salariés du magasin.
Une grande méfiance vis-à-vis des journalistes
Il faut dire que la société irlandaise Primark n’aime pas trop les journalistes, sauf quand ils se font les porte-paroles de la marque en copiant-collant les jolis communiqués ou en entretenant le suspense sur la date d’ouverture d’un magasin.Pourquoi cette méfiance ? Sans doute parce que Primark est l’une des marques les plus critiquées au monde en raison des conditions de travail des ouvriers qui fabriquent ses produits mais aussi de son personnel dans ses boutiques, y compris en France.
Le drame du Rana Plaza
Le nom de Primark a fait les gros titres après l’effondrement du Rana Plaza près de Dacca au Bangladesh le 24 avril 2013 : le bâtiment totalement insalubre et délabré abritait des ateliers de confection d’articles de mode et s’est écroulé sur lui-même faisant près de 1 200 morts. Les marques qui faisaient travailler ces ateliers sont alors rapidement montrées du doigt pour avoir fermé les yeux sur les conditions de travail des ouvriers de leurs sous-traitants. Parmi elles : Mango et Primark.Depuis, Primark a installé sur son site internet un onglet "notre éthique" où l’entreprise explique qu’elle ne possède pas d’usines et s’auto-congratule de la manière dont elle se comporte désormais avec ses fournisseurs. Elle met en avant son "équipe de commerce éthique pour aider les usines à respecter les normes internationale".
Nous attachons de l’importance au bien-être des personnes qui fabriquent nos produits (Primark)
Avec à la clé une petite vidéo en motion design pour appuyer le propos. Une vidéo où les ouvriers dans les usines ne sont ni visibles, ni audibles.
Aujourd’hui, Primark consacre beaucoup d’efforts à redorer son blason à ce sujet.
Des SOS sur des étiquettes
Car, après le drame du Rana Plaza, en 2014, des clientes britanniques avaient découvert des appels au secours sur les étiquettes des vêtements commercialisés par la marque :« SOS », « Forcé à travailler avec des horaires épuisants », « Conditions dégradantes main-d’œuvre exploitée ».
Ces révélations suscitent alors beaucoup d’émotions sur les réseaux sociaux et le lancement du hashtag #labelgate (en français, « crise de l’étiquette »). Primark répond alors simplement qu’à l’issue d’une enquête interne ces messages avaient sans doute été écrits sur les étiquettes en Grande Bretagne dans le cadre d’un « canular ». Circulez, y a rien à voir.
D'ailleurs, une manifestation est prévue mercredi à 17 heures devant la boutique de Toulouse, à l'appel du collectif "L'éthique sur l'étiquette", indiquant que selon lui "Primark est un archetype de la fast fashion : production à bas prix, en énorme volume, d’une faible qualité qui se traduit aussi par un désastre écologique".
Des "plieurs de vêtements" pressurés en boutique
L’autre point noir dans l’image brouillée de Primark concerne les conditions de travail de ses salariés en boutique, notamment en France.En 2016, la revue spécialisée et professionnelle Boutique2Mode a consacré une longue et documentée enquête à ce sujet, titrée sans ambage "L’enfer Primark". Le journaliste a retrouvé des salariés ou anciens salariés de boutiques de la marque en France et leur a fait raconter leur quotidien. Il en ressort des témoignages poignants : des salariés pressurés, des vendeurs réduits à des tâches répétitives de pliage de vêtements sur les présentoirs, aucune formation…
Conséquences : beaucoup de turn-over et des salariés qui craquent quelques semaines ou quelques mois après leur embauche.
A l’enquête fouillée de Boutique2Mode, reprise sur les réseaux sociaux et dans la presse généraliste, Primark avait simplement répondu :
74 % de nos salariés sont heureux de travailler chez Primark.
Sans préciser les contours de la réalisation de ce sondage.
A Toulouse, Primark avait annoncé en 2013 vouloir embaucher 300 salariés.