Un chercheur du C.N.R.S. à Toulouse (Haute-Garonne) lance un projet de recherche, à l’échelle de la planète, pour évaluer les modifications sonores durant cette période de confinement.
Le projet "villes silencieuses", Silent Cities en anglais, est né le 18 mars dernier, au lendemain du confinement en France. L'idée provient de 4 chercheurs respectivement basés à Marseille, Toulouse, Brest et Bristol au Royaume-Uni. Le principe de base est de profiter de cette période de confinement pour enregistrer les bruits de l’environnement et les comparer avec ceux en période normale.
Pour mener à bien cette recherche, les scientifiques font appel à une communauté d’utilisateurs équipés d’enregistreurs programmables, spécifiques à la bioacoustique. Ils élargissent ensuite le protocole à des possesseurs d’enregistreurs plus classiques, comme l’explique Samuel Challeat, chercheur indépendant au laboratoire Géode du C.N.R.S. situé à l’Université Toulouse 2 Jean Jaurès. Géographe de l’environnement, il travaille sur l’interaction entre nos sociétés et leurs milieux.
"Dans un premier temps nous avons envisagé d’ouvrir le protocole à des enregistrements effectués par des smartphones. Tout le monde aurait pu ainsi participer. Cela pose des problèmes de traitement des données. Si le son n’est pas de qualité suffisante, on ne peut rien en tirer. Nous avons donc établi une limite à des enregistreurs numériques, de type zoom. Il y a beaucoup de personnes avec de bons dictaphones, qui peuvent participer. On leur demande d’enregistrer plusieurs fois par jour, pendant une ou deux minutes, sans se fixer d’heure, mais pendant toute la période du confinement puis quelques semaines après le retour à la normale".
Voici trois extraits sonores à écouter l'un après l'autre.
- Le lundi 16 mars, veille du confinement, dans Toulouse de 19h00 à 19h01 heure locale
- Au même endroit et à la même heure, le vendredi 20 mars, après le confinement :
- Un dernier extrait sonore, toujours le 20 mars, au même endroit, mais à 20 heures, le moment où l'on applaudit le personnel soignant :
Une expérience scientifique à grande échelle
L’enregistrement doit toujours se faire au même endroit. L’objectif est de capter l’environnement sonore autour de soi. A ce jour, 140 personnes sont inscrites sur le site dédié. Tous les continents sont concernés, à partir du moment où il s’agit d’une zone de confinement. Pourquoi une telle étude ? "Nous avons plusieurs pistes de travail. A commencer par des questions écologiques. Quelle est la biodiversité ordinaire en ville ? Comment est-elle caractérisée à l’écoute ? questionne Samuel Challeat. En ce moment, nous avons l’opportunité d’entendre beaucoup plus clairement la biodiversité ordinaire présente dans nos villes. Ce sera donc une documentation très intéressante pour les scientifiques."
Par la suite, les chercheurs vont pouvoir caractériser, plus finement, le lien entre la pollution sonore et le niveau d’activité économique d’un territoire. "On sait que les animaux ont des niches écologiques dans l’espace, précise à nouveau Samuel Challeat. Les animaux qui communiquent avec le son, tels les oiseaux, se réservent des niches dans l’espace sonore. Ils entrent en concurrence avec l’occupation de l’espace par l’homme. Nous allons essayer de déterminer si certaines espèces recolonisent ces niches. Les oiseaux prennent un peu plus de place maintenant que le bruit automobile est très réduit."
Le traitement des données sera énorme. De 20 à 30 téraoctets de données seront nécessaires. Pour bien visualiser, 10 To représente tous les imprimés de la bibliothèque du Congrès américain. Des discussions sont menées avec Météo France à Toulouse, pour l’hébergement des données. Des données accessibles aux chercheurs du monde entier.
L'expérimentation va durer au moins jusqu’à la fin juin en France. Les premiers traitements et les premières publications scientifiques sur le sujet sont prévues à l’automne prochain.
De 50% à 90% de bruit en moins dans les grandes villes
Comme tout le monde, le chercheur Toulousain constate dans sa ville, des courbes sonores beaucoup plus aplaties qu’avant le confinement. Les pics d’activité des véhicules sont gommés. La différence de bruit entre le jour et la nuit se retrouve beaucoup moins. A Paris, la baisse des décibels a été évaluée, de moins 50% à moins 90% en fonction des moments de la journée.Parmi les premiers participants à l’expérimentation, un habitant de Muret, au Sud de Toulouse. Il enregistre chez lui, toutes les heures, l’effet du confinement.
"Habituellement, j’ai régulièrement les bruits d’une route nationale qui passe à quelques mètres de chez moi. Là, on a beaucoup moins de nuisances sonores. Du coup, nous entendons plus les éléments discrets comme les oiseaux. On a vraiment l’impression d’une adaptation extrêmement rapide des animaux à cette nouvelle situation."
La forte baisse du trafic routier, aérien, ferroviaire, maritime, fait des heureux. Pas seulement, les animaux.
Facteur de gêne auditive, de stress, d’anxiété, le bruit récurrent peut entraîner des troubles du sommeil, un dérèglement hormonal ou de l’hypertension.
Le conseil national du bruit, estime à plus de 20 milliards d’euros par an, le coût des pollutions sonores liées aux transports. Cela concerne notamment l’isolation phonique et les répercutions sur la santé.
Nul besoin désormais d’un casque à réduction de bruit pour écouter en ville la chanson de Simon & Garfunkel « The sound of silence » ou pour se délecter de carte postale sonores.
C’est la spécialité de Patrick Avakian. Ce guide de moyenne montagne, produit et anime depuis 2007, le programme H1000 pour des radios associatives. Micro en main, il arpente les Pyrénées pour enregistrer des ambiances. Le souffle du vent, la caresse des ruisseaux, les appels des brebis ou encore les conversations de oiseaux sont les acteurs de ses productions. L’Ariégeois fait ainsi faire parler les montagnes. Le confinement actuel lui a donné l’idée d’une balade pas comme les autres que nous vous invitions à écouter ici :