Selon le directeur de l'ENAC (Ecole Nationale de l'Aviation Civle) à Toulouse, les futurs pilotes risquent de ne pas obtenir une formation suffisante pour être de bons pilotes.
Besoin grandissant de pilotes dans les années à venirLe gigantesque besoin en pilotes de ligne (533.000 dans les 20 prochaines années) fait redouter aux professionnels du secteur une formation au rabais. Ce sont eux, pourtant, qui transporteront tous les ans quelques milliards de passagers à travers la planète.
"Le risque est que de plus en plus de pilotes soient +produits+ en de moins en moins de temps pour répondre à cette demande croissante", résume Philip von Schöppenthau, secrétaire général de l'association européenne ECA (European Cockpit Association).
Avec pour conséquence, une formation de moindre qualité, des pilotes moins bien entraînés et donc, susceptibles de prendre les mauvaises décisions en cas d'incidents, estime cette association, basée à Bruxelles.
Une formation un peu trop accélérée
Il faut aujourd'hui en moyenne deux ans pour former un copilote. Et des années d'expérience supplémentaire (huit à douze ans chez Air France, 10 à 15 chez British Airways et au moins huit ans chez Singapore Airlines) pour devenir commandant de bord.
Pour autant, depuis quelques années, la licence, dite "multi-crew pilot licence" (MPL), permet, en théorie, de devenir pilote en 45 semaines.
"Un MPL mal interprété par une compagnie et des écoles de formation pourrait produire
des pilotes qui n'auraient pas tous les bons requis pour devenir un bon pilote.
Tout cela ne nous semble pas raisonnable car il faut un temps minimum de maturation",
explique Marc Houalla, directeur de l'Ecole nationale de l'aviation civile (ENAC),
basée à Toulouse (sud-ouest de la France) et mondialement reconnue.
Piloter sans qualification pour décoller et atterrir ?
L'ECA, qui représente plus de 38.000 pilotes européens sur les quelque 150.000 estimés dans le monde, s'inquiète depuis longtemps de l'évolution de leur formation.
Elle a déjà dénoncé les dangers d'utiliser toujours plus les simulateurs de vol au détriment des vols réels. Elle interpelle aussi régulièrement sur les dangers
de l'automatisation élevée des avions, qui aboutit à sous-entraîner les pilotes au prétexte que les systèmes embarqués, extrêmement fiables, prémunissent de nombreux dysfonctionnements.
Plus récemment, elle s'est alarmée de l'émergence du concept de "Crew relief co-pilot": l'apparition potentielle de pilotes d'un genre nouveau dont le rôle serait de relayer les pilotes en phase de croisière, mais qui ne seraient pas formés au décollage et à l'atterrissage.
"Ce serait comme délivrer un permis de conduire à un chauffeur de voiture l'autorisant uniquement à conduire sur autoroute sans avoir appris à y entrer ou à en sortir", s'insurge M. von Schöppenthau, précisant que ce concept, poussé par un certain nombre de compagnies, est à l'étude au sein de l'Union européenne.
Selon lui, la tendance à abaisser le niveau de formation a déjà commencé et "elle doit être enrayée".
Des écoles de pilote éphémères
Le toulousain Marc Houalla, directeur de l'ENAC, ajoute de son côté qu'à moyen terme, le manque criant de commandants de bord et de copilotes pourrait se traduire par l'émergence d'écoles de formation éphémères, "des créations d'opportunités qui disparaîtront quand la croissance ne sera plus là".
"Ce genre d'écoles pose problème car dans ces métiers, l'expérience a beaucoup d'importance, la mémoire des instructeurs est fondamentale", explique-t-il, même s'il n'y a pas de corrélation directe entre formation au rabais et accidents d'avion, les mauvais pilotes étant, généralement, détectés au sein des compagnies.