La fusée Ariane V a décollé pour la dernière fois de Kourou (Guyane française) la nuit dernière. A Toulouse, plus de 2000 passionnés se sont retrouvés à la Cité de l'espace pour assister au dernier vol du lanceur.
"Je rêve et nous rêvons ensemble." Alain, 74 ans est un passionné. Ancien agent technique dans l'aéronautique, il n'aurait manqué ce moment pour rien au monde.
Tous les ans, il vient au moins cinq fois à la Cité de l'espace à Toulouse. "Quand j'étais jeune, j'avais l'oreille collée au transistor pour écouter le décollage des fusées et j'ai eu la chance d'assister au CNES au 1er envol de la fusée Ariane." Ses yeux pétillent lorsqu'il vous parle de l'espace: "lorsqu'on lève les yeux au ciel, on voit plein d'étoiles, notre planète est un petit grain de sable dans l'univers."
Ce mercredi 5 juillet 2023, la mission VA 261, son nom de code, marque un point final à l'histoire d'Ariane V : 117 lancements depuis 1996. 239 satellites placés en orbite avec un taux de réussite de 97%. "C'est une grande réussite de l'Europe. Tout le monde ne peut pas produire des lanceurs de cette qualité-là. On va plus loin à plusieurs", explique Philippe Droneau, médiateur scientifique à la Cité de l'espace.
Jame-webb, Juice, Gallileo ...
La fusée a permis d'envoyer dans l'espace de nombreuses missions internationales, aussi bien dans le domaine des télécommunications que de l'observation et l'exploration de l'univers. "Des moments émouvants et de la fierté surtout lorsque des satellites essentiels ont été bien lancés", précise Philippe Droneau.
Trois exemples : le télescope James-webb (souvent évoqué comme le successeur de Hubble), le 25 décembre 2021, qui permet aux scientifiques d'avoir accès à l'univers très lointain. Ou alors en avril dernier la mission européenne JUICE (Jupiter Icy Moon Explorer), qui doit rejoindre dans huit ans Jupiter et ses lunes glacées. Ou Gallileo et son système de positionnement par satellites.
Toulouse est la capitale européenne dans le domaine spatial. 13 000 personnes travaillent dans le secteur. La cité de l'espace a ouvert ses portes au public pour l'occasion. "Notre mission est de partager ce type de grands moments," explique Jean-Baptiste Desbois, le directeur.
Toulouse capitale européenne
Plus de 2000 passionnés ont assisté au dernier vol d'Ariane V de la Cité de l'espace à Toulouse diffusé en direct avec en arrière-plan la maquette grandeur réelle du lanceur. Isabelle Desenclos se passionne très vite pour les documentaires sur les missions Appollo à la télévision. "J'ai aussi été très marquée par l'accident de la navette spatiale américaine Challenger en 1986 (73 secondes après le décollage de l’engin, elle explose avec 7 membres d'équipage à bord). J'ai eu envie de savoir ce qu'il s'était passé."
C'est une belle fusée
Isabelle Desenclos, blog "Rêves d'espace"
Des études au lycée Jehan Ango (comme Thomas Pesquet quelques années plus tard) à Dieppe (Seine-Maritime), Isabelle Desenclos est aujourd'hui ingénieure et chef de projet chez Airbus Defence and space à Toulouse. De la Cité de l'espace, elle regarde s'envoler Ariane V : "c'est une belle fusée, ce n'est pas juste plusieurs étages empilés avec ses boosters latéraux."
En 2004, elle assiste "en vrai" au lancement d'Ariane V : "l'aboutissement d'un rêve, voir le décollage d'une fusée. J'ai pu assister à la mise sous coiffe du satellite Helios IIA sur lequel j'avais travaillé." Depuis plusieurs années, elle tient le blog "Rêves d'Espace": "je veux partager ma passion, montrer que l'on fait des choses formidables dans le spatial, qu'il y a plein d'applications dans la vie de tous les jours. Je veux aussi faire partager le rêve du vol habité, de l'exploration spatiale et créer pourquoi pas des vocations chez les jeunes."
La fusée a cette fonction extraordinaire qu'elle dure quelques minutes seulement pour une très grande réussite qui peut durer des années grâce aux satellites.
Philippe Droneau, Cité de l'espace
"Je ne vois pas Ariane V comme une seule fusée. Moi, j'ai vécu le premier décollage d'Ariane en décembre 1979 et c'est depuis une grande saga. La fusée a cette fonction extraordinaire qu'elle dure quelques minutes seulement pour une très grande réussite qui peut durer des années avec le travail réalisé par les satellites," se félicite Philippe Droneau.
Et maintenant Ariane 6
0h34, le satellite de communications militaires français (Syracuse 4B) et le satellite expérimental allemand se sont séparés du lanceur pour être placés en orbite. La mission d'Ariane 5 s'est terminée sur un nouveau succès.
Tous les espoirs de l'Europe spatiale reposent maintenant sur Ariane 6, plus puissante et plus rentable. "Une très belle aventure nous attend. Cela fait une dizaine d'années qu'on y travaille," assure Sylvain Raynal, de la direction du transport spatial au CNES. 1er vol : à la fin de l'année ou début 2024 si tous les tests sont concluants.