Gers : la lanceuse d'alerte Céline Boussié n’y croyait plus, les dirigeants de Moussaron mis en examen pour harcèlement

"Je n'y croyais plus, je ne m'y attendais pas" dit Céline Boussié. A l'annonce de la mise en examen des dirigeants de l'ex IME Moussaron, la lanceuse d'alerte ne cache pas son émotion. C'est la première fois que ceux dont elle a dénoncé les agissements en 2013 sont visés par l'enquète.

Le juge d’instruction d’Auch vient de prononcer la mise en examen pour harcèlement moral des dirigeants de l’ex IME Moussaron à Condom. Une décision qui fait suite à la plainte déposée par Céline Boussié qui fut la première à révéler des faits de violence sur les enfants, adolescents et jeunes adultes polyhandicapés pensionnaires de l’Institut Médico-Educatif gersois où elle travaille en qualité d'éducatrice.

J’ai alerté ma hiérarchie et l’Agence Régionale de Santé dès 2010. Ces alertes n’ayant rien donné, j’ai dénoncé publiquement les violences dont j’étais témoin

Céline Boussié, lanceuse d’alerte
  

Pour Céline Boussié, qui a elle-même annoncé cette mise en examen sur son compte Facebook, c'est l’aboutissement de longues années de combat et de procédures.

Une vie bouleversée

En dénonçant les mauvais traitements infligés aux enfants et aux adolescents accueillis par le centre Moussaron, Céline Boussié n’imaginait pas que sa vie allait être totalement bouleversée. Pourtant, il lui était inimaginable de fermer les yeux face au manque de soins apportés aux pensionnaires, impensable de laisser faire face aux enfants attachés et enfermés, insupportable de ne pas parler face au manque d’intimité, aux traitements médicamenteux inadaptés ou aux lits trop petits.

Il m’était impossible de me taire. Outre le fait que ne pas dénoncer ces agissements est passible de 3 ans de prison et 45000 euros d’amende, il était humainement et éthiquement impossible de fermer les yeux.

Céline Boussié, lanceuse d’alerte

Des dénonciations qui vaudront à Céline Boussié d’être licenciée en 2014 et poursuivie en diffamation par son ex-employeur. Elle sera relaxée en novembre 2017 par le tribunal de Toulouse, une première en France pour un lanceur d’alerte.
  

Un lanceur d’alerte voit sa vie complètement bouleversée. Vous êtes embarqué dans une spirale au-delà du rouleau compresseur. Vous voyez votre vie voler en éclats. Vous n’en sortez pas sans séquelles. Aujourd’hui encore entendre un enfant qui pleure c’est compliqué, entendre des cris c’est compliqué, réintégrer une vie normale est presque impossible.

Céline Boussié, lanceuse d’alerte
 

Ma cliente a été victime d’un harcèlement dur. Elle a été dévalorisée dans son travail. Dès qu’elle a médiatisé les agissements internes à l’IME, la direction a mis en place un système de mise à l’écart.

Maître Alma Basic, avocate de Céline Boussié

 


Des années de silence


Avant Céline Boussié, d’autres salariés de Moussaron avaient dénoncé les mêmes maltraitances. Le premier signalement remonte à 1995. Didier, éducateur, dénonce des dysfonctionnements.  Poursuivi pour diffamation, il sera condamné.
En 1999, deux éducatrices, Bernadette et Chrystel seront, elles aussi condamnées pour diffamation après avoir révélé des actes de maltraitance.
En novembre 2013, suite au signalement de Céline Boussié, l’ARS rend public un rapport daté de juillet 2013. Ce rapport de 400 pages pointe des dysfonctionnements susceptibles d'affecter la santé, la sécurité, le bien-être physique et moral, le respect de la dignité et de l'intimité des jeunes accueillis.

Un combat pour l’intérêt général

Toute l’équipe de direction, soit 7 personnes sont mises en examen. Le Parquet doit maintenant décider des suites qu’il donnera à l’affaire. Il peut prononcer un non-lieu ou décider de poursuivre les mis en examen devant le tribunal correctionnel. Ils encourent une peine de 2 ans de prison et 30000 euros d’amende.

S’il y a une issue favorable, elle viendra  renforcer ce que j’appelle « la jurisprudence Boussié », la relaxe prononcée par le tribunal correctionnel de Toulouse.
 

Maître Alma Basic, avocate de Céline Boussié

Pour Céline Boussié, ce procès, s’il doit se tenir, ne doit pas être le procès des seuls dirigeants de l’ex IME, il doit aussi servir d’exemple.

S’il faut un exemple pour que les pratiques professionnelles et institutionnelles évoluent, autant que ce soit cette affaire. Elle est emblématique car le premier signalement remonte à 1995. Et les lanceurs d’alerte qui m’ont précédé n’ont pas été entendus. C’est aussi pour eux que je me bats. Ce n’est pas mon combat mais un combat d’intérêt général.

Céline Boussié, lanceuse d’alerte
 


Aujourd’hui, Céline Boussié se reconstruit doucement. Elle a écrit un livre (Les enfants du silence) qui retrace ses années de combat, de doute et d’espoir. Elle continue à lutter contre la maltraitance et le non-respect de la convention relative aux droits des personnes handicapées.

Mon combat est et restera pour les enfants et leurs familles

Céline Boussié, lanceuse d’alerte
 

Repris en juin 2019 par le groupe Clinipole, l’ex IME Moussaron a été rebaptisé IME Terre d’envol. Son nouveau directeur assure que les ex dirigeants mis en examen n’y travaillent plus. 
 
Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ?
Le lanceur d’alerte est une personne qui, dans le contexte de sa relation de travail, signale un fait illégal, illicite et dangereux, touchant à l’intérêt général, aux personnes ou aux instances ayant le pouvoir d’y mettre fin.

Transparency International


 
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