La plus ancienne société savante d’Europe est née à Toulouse il y a 700 ans. L'académie des Jeux Floraux récompense les poètes et les écrits tous les 3 mai depuis sa création en 1323. Plus vieille que l'académie française, elle ne cesse de se renouveler pour promouvoir les langues française et occitane.
Ici dans la ville rose, point de palme pour les académiciens mais des fleurs pour venir récompenser et reconnaître les poètes. Depuis le XIVe siècle, les meilleurs poètes et écrivains sont sélectionnés et primés par une académie rassemblant quarante "mainteneurs" ainsi que des "maîtres ès jeux" non limités en nombre. Ils ont pour mission d’organiser les Jeux, c’est à dire sélectionner des lauréats, auxquels sont remis des prix, des médailles et surtout les fleurs.
700 ans de poésie
Près de 100 ans après la fin de la Croisade contre les Albigeois, la fin du catharisme et le début du déclin de la langue occitane, 7 notables décident de lancer un appel à tous les poètes. Nous sommes le 2 novembre 1323 et ces gentilshommes et bourgeois toulousains lettrés sont réunis dans un jardin près de l’actuelle place Saint-Aubin à Toulouse.
Ils vont organiser le premier concours littéraire.
"Ils avaient l'habitude de se réunir mais ils se sentaient sans doute un peu seuls. Dans ce verger-jardin des Augustines, ils ont eu l’idée du concours pour confronter leur façon d’écrire"
Philippe Dazet-Brun, secrétaire perpétuel de l'académie des Jeux floraux
Avec l’appui des Capitouls (ancêtres des conseillers municipaux) qui dirigent Toulouse, les sept formèrent le "Consistòri del Gai Saber", le consistoire du Gai Savoir. Cette joute poétique se tint la première fois le 3 mai 1324, jour de la fête des fleurs. Le premier prix est alors une violette d'or et son premier lauréat Arnaud Vidal de Castelnaudary, auteur d'un poème dédié à la Vierge Marie. Cet événement est immortalisé sur un tableau monumental exposé dans l'escalier du Capitole de Toulouse.
La violette décernée aux meilleurs poèmes
Très rapidement, le bouquet littéraire s'enrichit et à la violette viennent s'adjoindre d'autres fleurs. Le nom des Jeux Floraux provient sans doute des fêtes données à Rome en l’honneur de la déesse Flore,avec cinq fleurs d’or décernées aux écrivains les plus distingués : la violette est décernée aux meilleurs poèmes, épitres et discours ; l’églantine récompense les sonnets ; le souci couronne les idylles, élégies et ballades ; l’œillet est un prix d’encouragement et enfin le lys est remis aux meilleurs hymnes à la Vierge.
En 1694, Louis XIV a érigé cette société, un temps "Collège de rhétorique", en "Académie royale des Jeux floraux". Il a fixé le nombre de mainteneurs à 36, Louis XV le portant ensuite à 40. Parmi eux, statutairement aujourd'hui, le maire de Toulouse et le préfet de région.
Etablie à l'hôtel d'Assezat à Toulouse depuis la fin du XIXe et le leg de Théodore Ozenne de ce superbe hôtel à la municipalité, l’Académie des Jeux floraux a été reconnue d’utilité publique en 1923.
En 2013, une convention est signée avec le rectorat de l’Académie de Toulouse. Ceci va permettre d’attirer plus de jeunes."Nous travaillons avec des enseignantes en lettres qui nous font parvenir des poèmes. Nous envoyons aussi nos poètes dans les classes", reconnaît Philippe Dazet-Brun.
En ce début d'année 2023, la prestigieuse académie vient d’être inscrite au Patrimoine Culturel Immatériel en France, comme un pied de nez de la langue occitane à l'Etat français. Car oui, la langue d'oc est toujours présente dans les différentes catégories du concours.
Les festivités du 700e anniversaire
La plus vieille société savante a de beaux restes. Pour paraphraser une formulation lié au catharisme, "Al cap des 700 ans, le laurier reverdira" au bout des 700 ans; le laurier est toujours vert. "Cette année encore nous avons reçus plus de 900 poèmes et 35 recueils de poésie même s'il y a aussi de la prose."
Le secrétaire perpétuel de l’Académie des Floraux Philippe Dazet-Brun a toujours la main verte et prone l'ouverture. Si le nombre de mainteneurs est limité à 40 membres comme pour l'académie française, celui des "maîtres ès jeux" ne l'est pas. "Depuis que je suis arrivé à la tête de l'Académie des Jeux Floraux, j'essaie de faire rentrer des écrivains et poètes en langue française du monde entier. Les 5 continents sont représentés. Des Africains, des Québécois, des personnes de l'Océanie deviennent ainsi "maître ès jeux" et contribuent au rayonnement de l'académie."
L'Académie des Jeux Floraux lance pour l'occasion son Grand Prix de la poésie en langue française auprès de tous les poètes du monde entier. Un jury international sélectionnera un lauréat qui se verra remette 15 000 €.
3 nouvelles fleurs qui récompensent toujours les lauréats sont créées :
- une pour un poète international de langue française reconnu
- pour un jeune poète à l’international
- pour la poésie slamée
Et l'occitan alors ? Il est toujours présent dans le concours et ce 3 mai 2023, la langue d'oc devrait encore être primée. Cette année, il y aura même 2 jours de fête. "Le jeudi 4 mai, nous allons réitérer l'appel du 2 novembre 1323 avec 7 poètes dont plusieurs occitans comme Eric Fraj, Franc Bardou ou Aurelia Lassaque. Ils vont relire le texte initial écrit en occitan."
700 ans après, l'académie est bien présente et vivante. Dans les prochaines années, on verra quels sont les "maîtres ès jeux" succédant à des célébrités telles que Pierre de Ronsard, Voltaire, Jasmin, Victor Hugo, Frédéric Mistral, Léopold Senghor et même des musiciens : Georges Prêtres ou encore Pablo Casals.
D'autres fêtes des Jeux Floraux ont suivi l'exemple de Toulouse en France mais aussi à l'étranger comme par exemple à Barcelone.