Dans le quartier des Izards à Toulouse, des habitants témoignent d'une montée du racisme. Certains se mobilisent pour aller voter et faire barrage au RN, d'autres envisagent de quitter la France.
Un sentiment de peur et d'inquiétude se propage parmi des habitants du quartier populaire des Izards, à Toulouse. Les jeunes notamment craignent une victoire du Rassemblement national au soir du 7 juin. Certains se mobilisent et iront voter d'autres envisagent de quitter la France.
L'espoir d'une mobilisation dans les urnes
Au pied de l'immeuble où il a grandi avec sa mère, Ryan Lachaïni, 23 ans, d'origine marocaine et réunionnaise, raconte avoir pris aussi dimanche un chemin qu'il ne connaissait pas: celui de son bureau de vote, avec une motivation profonde "pour faire barrage au RN". Le jeune homme exprime ses craintes.
"J'ai peur, ça va être pire", explique cet ouvrier dans un collège, quand il envisage l'hypothèse d'une majorité absolue pour Jordan Bardella. Dimanche prochain, il ira donc voter NFP. Et il espère "que les gens se mobiliseront".
Mobilisation dans les urnes
Un peu plus loin, Coralie gare son vélo le temps de sa pause déjeuner. Cette Réunionnaise de 32 ans, a voté pour la première fois dimanche. Elle y retournera le 7 juillet.
"Si on leur laisse la porte ouverte, ça va péter", affirme la jeune femme, caissière dans un supermarché.
"Il y aura une guerre civile", poursuit-elle. Une perspective qu'elle ne craint pas et qu'elle "espère" même, pour "qu'on puisse défendre nos droits même si c'est dans la violence", dit-elle avec fougue, gilet de travail rouge sur les épaules.
Selon elle, de nombreuses personnes partagent ces inquiétudes et sont prêtes à aller voter. "Toutes les personnes de mon travail ont aussi voté pour la première fois. On se mobilise!", explique-t-elle.
Voter ou quitter la France
Près d'une sortie de métro, Nabil, 30 ans, avale un sandwich avec un collègue. Installé en France depuis 9 ans, ce coiffeur algérien ne peut pas voter. Il espère que les Français "feront le bon choix".
S'il pouvait voter, le jeune n'hésiterait pas. "Si je pouvais voter, ce serait pour le parti de Mélenchon", confie-t-il. Pour lui, l'arrivée au pouvoir du RN pourrait le pousser à quitter la France. Il y réfléchit déjà. Il affirme: "si le RN passe, je partirais avant qu'on m'oblige à le faire".
Une décision qu'évoque aussi une jeune fille rencontrée sur la place centrale du quartier. Leïla a 22 ans. Elle est arrivée d'Espagne il y a quatre ans. Elle explique qu'elle y retournera "si ça devient trop compliqué".
A ses côtés, Safia Abelkerim vêtue d'un hijab. Elle affirme ressentier les regards qui se posent sur elle, "mal vue, car je porte le hijab". La jeune femme qui n'a pas voté le 30 juin, se dit désabusée. Elle n'ira pas voter non plus le 7 juillet. Elle ne croit plus à la devise de la République française. "On dit que la France c'est Liberté, Egalité et Fraternité, mais c'est faux".
Un point de vue que partage Patrice. Guadeloupéen de 37 ans, il ne cache pas son ecoeurement. "Ce qui se passe est dégueulasse. Si ma carte d'identité ne m'était pas utile, je l'aurais déjà brûlée", déclare-t-il, lui aussi confie sa peur et sa crainte du racisme. "Je suis un homme ébène", rappelle ce demandeur d'emploi arrivé en métropole il y a douze ans,
Comme lui beaucoup craignent la libération d'un racisme qu'ils ont déjà dû subir.
Je suis française, réunionnaise, je n'ai rien à craindre en soi mais je suis quand même couleur très mate, je me suis déjà fait traiter de sale arabe
Coraline, réunionnaise de 32 ans
Un racisme libéré
"Ma mère s'est déjà fait tabasser à coups de battes de baseball parce qu'elle est noire, il y a une dizaine d'années. Ces gens-là existent", insiste-elle tandis que Ryan Lachaïni, peau mate et yeux sombres, affirme recevoir depuis quelques jours "beaucoup plus de mauvais regards dans la rue".
Et le racisme semble de plus en plus pregnant. "Beaucoup de racistes ne se cachent plus", estime-t-il. Il raconte ce qu'a vécu l'un de ses amis "qui travaille dans la fibre s'est fait insulter de "bougnoule" par un client". Il a refusé qu'il rentre chez lui".
Ce racisme, Ali, 89 ans a toujours espéré qu'il ne se répande pas. Assis sur un banc dela place, canne à la main il affirme avoir toujours voté et "espéré toute sa vie que les racistes ne passent pas".
Ce Tunisien qui a fait la guerre d'Indochine rappelle: "j'ai combattu pour le pays, mes deux frères sont morts à la guerre. Je me suis pris deux balles", raconte-t-il en pointant son bras droit et sa cuisse gauche. Il garde dans sa poche un prospectus du NFP.
Dans les bureaux de vote des Izards, quartier jeune (38% de moins de 25 ans) comptant plus de 26% d'étrangers et un taux de pauvreté de 41,8% (selon l'Insee), la députée LFI sortante Anne Stambach a réuni 53,65% des voix.
Sur l'ensemble de cette 2e circonscription de Haute-Garonne qui englobe également des faubourgs plus cossus au nord-est de la 4e ville de France, elle est en tête avec 40,53% des suffrages, dans une triangulaire réunissant également Jean-Luc Lagleyze (majorité présidentielle, 27,91) et Frank Khalifa (RN, 26,41).