L'abbé Pierre en érection sur son lit de mort. C'est la dernière sculpture de l'artiste toulousain James Colomina. Une mise en scène qui pointe les abus sexuels dans l'Eglise.
Un corps allongé sur un lit et sous un linceul. Au premier coup d'oeil, l'oeuvre est saissante. Surtout lorsqu'on la découvre dans une église désacralisée avec en toile de fond des chants liturgiques.
La scène devient carrément frappante au travers d'un "détail". Une bosse saillante soulève le drap mortuaire. L'allusion est explicite, le cadavre est en érection.
Si ou ajoute un nom au visage du mort, la scuplture devient une oeuvre choc. James Colomina a représenté l'abbé Pierre sur son lit de mort. Sa dernière exposition, en plein week-end de la Toussaint, crée l'événement.
Un message : lever le voile
James Colomina a une marque de fabrique : le street art. Pour une fois, il change ses habitudes en installant une de ses oeuvres dans un espace clos. Mais il reste toujours et encore un artiste engagé. Dans les rues de Paris, il a épinglé le consumérisme de Noël. A Bruxelles et à Rome, il défend la cause ukrainienne en mettant en scène un Poutine juché sur un char d'assaut en jouet.
Et sa dernière exposition reste dans le même registre. "Son" abbé Pierre ne se réduit pas à une scuplture en résine, un décor d'église et une ambiance religieuse. L'oeuvre, baptisée Silentium, est construite autour d'une dénonciation du silence entourant les crimes sexuels au sein de l'Eglise.
Ainsi, le "coeur" de l'exposition à savoir "les plis du drap" veut "attirer l'attention sur les horreurs commises au sein de l'Eglise en "mettant en lumière les abus bien réels dont l'Abbé Pierre et d'autres figures religieuses ont été accusées".
J'ai longtemps cru que les symboles sacrés devaient demeurer intouchables, au dessus de toute remise en question. Mais pourquoi fermer les yeux ?
James Colomina
De même, le fait de choisir un Abbé Pierre sur son lit de préparation mortuaire "rappelle que même après la mort, les blessures et les traumatismes causés continuent d'imprégner la mémoire collective, hantant les victimes et l'ensemble de la société".
Pour renforcer l'impact de son message, James Colomina, a abandonné le rouge vif de ses sculptures de rue. Il a opté pour "un blanc plus sobre", qui "oriente sur la forme et l'essence de la sculpture, invitant au silence et à la contemplation".
Entre surprise et approbation
Ce vendredi 1er novembre, l'information a circulé dès le début de la matinée. Réseaux sociaux et médias locaux ont annoncé une exposition de James Colomina à Toulouse. L'organisation d'un événement n'a rien d'une surprise, les visiteurs étaient donc au rendez-vous pour découvrir le dernier happening d'un artiste qui souhaite rester anonyme. Mais qui bénéficie d'une vraie notoriété.
En revanche, ce fut une découverte pour les premiers visiteurs. "ça étonne, dès que l'on arrive, ça questionne. On est resté un moment assis avant de s'approcher" souligne une jeune femme. Une autre parle de "surprise".
Sur le fond, les mêmes mots reviennent : "c'est nécessaire". Une spectatrice ajoute : " non choquant au final".
Evidemment, il ne s'agit que de quelques réactions. L'oeuvre choc de James Colomina risque de déclencher une polémique et, dans tous les cas, ne laissera pas indifférente.
C'était le but. Le résultat est là.
Contacté le diocèse de Toulouse n'a pas répondu.