Les premiers "taxis volants" en milieu urbain, le projet Tindair va tester des envois par drones à Toulouse et Bordeaux

Des envois par drones de médicaments ou d’organes puis à terme de colis, le projet Tindair va expérimenter le concept du « taxi volant » à Toulouse et Bordeaux, dès le printemps 2022. Des survols urbains qui soulèvent aussi des questions sur l’évolution de la législation actuelle.

Un consortium européen de onze laboratoires et entreprises, chapeauté par la PME toulousaine Innov'ATM, a décroché quatre millions d'euros pour tester l'insertion de drones et de « taxis volants » en milieu urbain. Une première en France.

Le projet appelé Tindair (Tactical Instrumental Deconfliction And in flight Resolution) consiste à effectuer deux sessions d'expérimentations, menées à Toulouse et Bordeaux, au printemps et à l’été 2022.
Les scénarios de vols des drones seront différents pour les deux villes.
Dans un premier temps, il s’agira d’envois de médicaments ou d'organes entre deux hôpitaux pour viser sur le plus long-terme des envois de colis voire des transports de passagers.

La PME est épaulée par l'Onera (Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales). Le laboratoire public de recherche en aéronautique, basé à Toulouse, dispose d’un outil de simulation sur ordinateur qui permet de tester diverses hypothèses de trafic aérien en simulant notamment le vol de drones.

Sécurité et cohabitation dans l’espace aérien, les enjeux majeurs

« L’idée est d'assurer la sécurité des vols en prenant en compte les autres usagers de l'espace aérien (vols commerciaux, hélicoptères, ULM), en calculant les conflits potentiels, entre drones ou avec les autres aeronefs, et trouvant des modes de résolution automatisés de ces conflits », décrit Stéphane Bascobert, le président d'Innov'ATM. Il ajoute : "l’idée est de s’assurer de la bonne communication entre tous les engins. Nous avons créé un prototype pré-industriel qui va être testé en conditions réelles avec de gros drones de quelques mètres".

L’enjeu est double : avoir un système au sol fiable pour calculer les trajectoires, détecter les conflits entre aeronefs et fournir des informations aux télépilotes. S’assurer ensuite de la bonne communication entre le système au sol et le télépilote du drone.

Stéphane Bascobert, président de la PME toulousaine Innov'ATM

Stéphane Bascobert ajoute que le défi n’est pas seulement technologique : "Au delà de l’avancée technologique, une grosse partie du travail consistera à faciliter la nécessaire modification de la loi qui interdit actuellement le survol des personnes et des habitations. Nous sommes déjà un acteur référencé dans le domaine des drones depuis 2017 et nous étudions ce qui freine l’essor des drones en milieu urbain".

Nous réfléchissons à ce qui facilitera l’acceptation sociale de ce nouveau type de trafic aérien urbain. Et les premiers cas d’usage, de type transport médical, aideront dans ce sens car il y a un « caractère d’urgence ».

Stéphane Bascobert, président de la PME toulousaine Innov'ATM

Inquiétude à la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) qui se veut vigilante

L’arrivée de ces nouveaux occupants de l’espace aérien et les éventuelles dérives liées à la vidéosurveillance inquiète les membres de la ligue des droits de l’Homme (LDH).

Jean-François Mignard, président d'honneur et membre de la ligue des droits de l’Homme (LDH) de Toulouse, confie son inquiétude : «On a actuellement très peu d’éléments concrets sur ce projet et ce n’est pas étonnant. C’est assez classique que ces projets soient mis en place en catimini. On se retrouve devant le fait accompli avec un projet expérimental et des dispositifs présentés comme étant « pour le meilleur » puisqu’au départ il s’agira de transports de médicaments ou d’organes.

Nous ne sommes pas technophobes mais nous sommes opposés à ce qui est contre-productif concernant la question des libertés individuelles. Ce projet implique des conséquences en terme d'atteintes aux droits et libertés des individus et terme de réalité du quotidien.

Jean-François Mignard, président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme à Toulouse

Il ajoute : "Notre crainte est que cela se mette en place dans une relative discrétion et sans contre-pouvoir et que cela n’aille pas dans le sens de l’intérêt public commun mais vers un marché très lucratif. Nous serons très vigilants par rapport aux dérives imaginables. Qui va contrôler les effets pervers ?"

Vers une évolution de la législation actuelle

Les drones sont aujourd’hui soumis au RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), adopté définitivement par le Parlement européen en 2016. Le RGPD encadre le traitement des données personnelles sur le territoire de l'Union européenne et s'inscrit dans la continuité de la Loi française Informatique et Libertés de 1978 pour renforcer le contrôle par les citoyens de l'utilisation qui peut être faite des données les concernant.

Me France Charruyer, avocate toulousaine spécialiste en droit des nouvelles technologies et des usages numériques, rappelle que « ces drones doivent être dotés d’un dispositif visant à rendre impossible l’identification des personnes filmées puisque dans le cadre d’un survol urbain, les personnes ne peuvent donner leur consentement ».

Une donnée personnelle est le prolongement de la personne humaine. S’assurer qu’il y a un dispositif d’anonymisation est primordial, le respect de la vie privée et du droit à l’image est capital

Me France Charruyer, avocate toulousaine spécialiste en droit des nouvelles technologies et des usages numériques

L'avocate ajoute que "ces programmes sur la mobilité aérienne urbaine vont nécessairement impliquer la mise en place d’une « analyse d’impact » (AIPD : analyse d’impact relative à la protection des donnée) avec avis de la CNIL sur la question. Au fil du temps, il y aura des décrets. Il y a un équilibre à trouver entre libertés, usages et protection. Ces dispositifs ne doivent en aucun cas porter atteinte aux droits de l’Homme"

Il faudra en effet pouvoir s’assurer de qui a accès à quoi, quelles sont les durées de conservation des données, si ces dernières sont stockées, savoir s’il y a des sous-traitants ou partenaires commerciaux qui peuvent avoir accès aux informations. Il y a un "carcan", un cadre de loi imposé par le RGPD qui doit être strictement respecté, insiste l'avocate toulousaine.

Par deux décrets de mai et décembre 2020, le Conseil d’Etat a sommé l’Etat français de cesser la surveillance par drones tant qu’il n’y avait pas d’arrêté ministériel ou de décret après avis de la CNIL.

On s’attend à un développement des drones commerciaux en milieu urbain mais cela ne peut pas être le farwest ! Les nouvelles lois européennes vont d’ailleurs être durcies.

Me France Charruyer, avocate toulousaine spécialiste en droit des nouvelles technologies et des usages numériques

Nos espaces de vie sont de plus en plus saturés de caméras de surveillance au nom de la sécurité.
La vidéosurveillance est déjà utilisée pour de la prévention de la criminalité, la videoverbalisation ou encore pour surveiller les employés municipaux qui travaillent dans les rues. Les drones sont également déjà utilisés pour survoler des manifestations malgré des rappels à l'ordre.

Le Conseil de l’Europe a insisté particulièrement sur « la nécessité d’une utilisation pertinente, adéquate et non-excessive par rapport aux finalités, d’éviter que les données collectées ne soient indexées, comparées ou conservées sans nécessité ».

 

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