Municipales à Toulouse : l'appel à voter blanc dans les quartiers favoriserait-il le candidat Jean-Luc Moudenc ?

Le mouvement "Les Mouchoirs Blancs", créé depuis 15 jours, appelle à voter blanc dans les quartiers populaires de Toulouse. Plusieurs élus locaux accusent cette inititiave d'être un "sous-marin" pour la liste du maire, Jean-Luc Moudenc. 

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Télévisions. Presse écrite. En à peine quelques jours,"Les Mouchoirs Blancs - 2020", appelant à voter blanc dans le quartier de Bagatelle lors des prochaines élections municipales à Toulouse, ont su susciter l'intérêt des médias.

Devant les journalistes, Zohra Slimane, l'une des deux personnes issues du milieu associatif toulousain à l'initiative de ce mouvement dans le quartier populaire du Grand Mirail, dresse toujours le même constat : "Tous ces prétendants à la mairie viennent dans nos quartiers depuis janvier mais habituellement ils ne sont jamais là. Ils sont invisibles. Ils promettent monts et merveilles mais ensuite ils deviennent amnésiques et nous oublient."
 

Une proximité ancienne 

A ses côtés, l'autre porte-parole de l'association, Lakhdar Ghezzali, explique :

On veut offrir aux habitants des quartiers la possibilité de s'exprimer par un mouchoir blanc dans une enveloppe pour dire : on a voté mais on n'est pas d'accord... Ils ne viennent chercher les Mohammed et les Fatima que pour les élections et ils sortent des noms d'un chapeau pour les faire figurer en fin de liste : on nous prend pour des dindons !

Une version loin de convaincre certains élus locaux. Dans un tweet, le conseiller municipal toulousain (parti communiste), Jean-Marc Barès-Crescence rappelle la candidature de Zohra Slimane à l'élection législative de 2012 sur la 9e circonscription de Toulouse.  
A l'époque, son suppléant n'est autre que Lakhdar Ghezzali. Comme le monte cette page internet, la candidate est présentée, à l'époque, comme "divers droite". Zohra Slimane assure pourtant aujourd'hui n'avoir jamais eu "aucune étiquette". Une "erreur de la préfecture" selon elle.
 

Incontrôlable et omniprésente

"Ce n'est pas une initiative constructive, considère Jean-Marc Barès-Crescence. Elle dénonce les politiques mais elle-même en est une. C'est une politique de droite. Sa démarche n'est pas innocente. Au lieu d'inciter les gens en colère contre la gestion de l'actuelle majorité à aller voter, elle les renvoie à une sorte de fatalité. Elle va pénaliser toutes les listes sauf celle de Jean-Luc Moudenc qui au contraire sera favorisée."  

"Moi au contraire, j'appelle les habitants des quartiers, les vieux, les jeunes, à aller voter, assène Ahmed Dahrour, collistier de Pierre Cohen et fondateur du mouvement "Tous pour Toulouse". Peu importe pour quelle liste vous votez mais votez !"

Aucun candidat n'ose le dire ouvertement mais tous le pensent : "les Mouchoirs blancs" rouleraient en sous-marin pour l'équipe de Jean-Luc Moudenc. "Zohra Slimane est incontrôlable et omniprésente mais il est vrai que l'on peut se poser des questions. Elle est très pro-Moudenc" reconnait à demi-mot un élu de gauche connaissant parfaitement les quartiers populaires toulousains.

Car la réputation de Zohra Slimane au sein des différents partis politiques locaux n'est plus à faire. Elle est reconnue notamment pour avoir lancé à Bagatelle, avec Lakhdar Ghezzali, le collectif  "Stop à la violence" dont la présidente d'honneur n'était autre qu'une certaine Blandine Moudenc, la femme de l'actuel maire de Toulouse.

Une information confirmée par l'entourage de Jean-Luc Moudenc qui relativise : "elle l'a été il y a une quinzaine d'années. Elle ne l'est plus." Madame Moudenc n'aurait conservé ce titre "que durant une année" d'après Zohra Slimane, elle-même.

Employée de la mairie à la maison 

Un autre élément prouverait, selon les adversaires du maire sortant, le lien entre l'équipe de campagne de Jean-Luc Moudenc et les Mouchoirs Blancs : l'emploi de Zohra Slimane à la mairie de Toulouse. Un poste révélé par un collistier de Franck Biasotto, l'ancien bras droit de Jean-Luc Moudenc dans les quartiers : 
  La principale concernée ne s'en cache pas :

Je travaille à la mairie de Toulouse mais je suis en repositionnement depuis dix ans. Ils ne m'ont pas trouvé de poste et n'ont pas souhaité me garder dans le service où j'étais car je n'ai pas ma langue dans ma poche. J'ai aussi des problèmes de santé. Je reste donc chez moi et je suis payée. Mais je ne suis pas la seule dans cette situation. Entre la mairie et Toulouse Métropole, c'est plus de 500 agents qui sont comme moi.


Cette liberté de ton revendiquée choque aussi bien des élus municipaux que des employés de la mairie. L'un d'eux souhaitant rester anonyme souligne que les fonctionnaires ont "un devoir de réserve. Un devoir de réserve dont Zohra Slimane semble totalement exemptée notamment vis à vis des élus du conseil municipal. Il y aurait de quoi la sanctionner, voir la virer, mais la municipalité a toujours laissé faire..."
 

La porte-parole des "Mouchoirs Blancs" se défend d'avoir eu"le moindre avantage" de l'actuelle municipalité et met en avant l'avancement qu'elle a obtenu l'an dernier : "Cet avancement est le premier que j'ai obtenu en 20 ans au sein de l'administration. On ne m'a jamais fait de cadeaux. Je ne suis qu'agent de maîtrise catégorie C 2e classe. "

Cette montée en grade étonne pourtant Benoît Fontanilles, le secrétaire général du syndicat LSAutonome à la mairie, comme il l'explique dans cette vidéo :


Contactée la mairie explique qu'il a été proposé régulièrement à Madame Slimane un accompagnement en terme de formation et des évolutions de postes afin de lui permettre un retour dans un service municipal. Des offres auxquelles elle n'aurait pas donné suite. 

Quoi qu'il en soit, Zohra Slimane réfute donc toute proximité avec l'actuelle majorité. Elle met notamment en avant la présence de son compagnon sur la liste de Nadia Pellefigue : "Nous dérangeons ceux qui nous accusent de rouler pour Moudenc. Nous, nous sommes là pour faire voter les jeunes et nous travaillons pour les habitants des quartiers. Rien d'autre. Les maires de quartiers qui sont passés n'étaient que des incompétents. Ils ont été la goutte d'eau qui ont fait déborder le vase." 

Un véritable enjeu électoral ?

Du côté de la liste "Aimer Toulouse", on dément fortement ces accusations de manoeuvres politiques. "Des éléments mensongers" selon l'entourage du candidat Jean-Luc Moudenc (LR-LREM) pour qui Zohra Slimane ne serait qu'une personne "intrusive" profitant de chaque élection municipale pour "obtenir quelque chose des partis politiques" et qui souhaite "faire parler d'elle".

Des attaques qui provoquent la colère de Lakhdar Ghezzali :"Pourquoi s'en prendre à nous ? Oui. Je ne m'en cache pas. J'ai appelé à voter Moudenc aux dernières municipales. Là ce n'est pas le cas. Le mouvement des Mouchoirs Blancs a été créé il y a à peine 15 jours. Nous ne nous présentons pas à la mairie. Nous ne sommes sur aucune liste et nous ne roulons pour personne. Que les politiques fassent leurs campagnes et qu'ils nous laissent tranquille !"
 
Pour un bon connaisseur de ce terrain électoral, "cette histoire d'appel à voter blanc est un épiphénomène qui aura peu de conséquences. Les quartiers ne votent pas beaucoup et leurs résultats interviennent à la marge." 

Une marge assez importante pour, qu'aux yeux des candidats, elle puisse faire basculer l'élection.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité