L'Assemblée nationale a adopté unanimement jeudi 24 juin une proposition de loi de la majorité qui entend rééquilibrer les relations avec industriels et supermarchés pour une meilleure rémunération des agriculteurs. Qu'en pensent les principaux intéressés dans notre région ?
Il s'agit de compléter l'arsenal de la loi Alimentation ou "Egalim" votée en 2018, qui a notamment encadré les promotions et relevé le seuil de revente à perte afin d'enrayer la course aux prix bas en magasins. Loi qui n'a pas tenu ses promesses en termes de rémunération pour les agriculteurs.
Jeudi 24 juin, l'Assemblée Nationale a adopté à l'unanimité le texte de Grégory Besson-Moreau (LREM), une proposition de loi qui vise à rééquilibrer les relations des agriculteurs avec les industriels et les supermarchés.
Contrats écrits
Cette proposition de loi, qui doit être désormais examinée au Sénat, prévoit de généraliser les contrats écrits entre l'agriculteur et l'entreprise qui va transformer ses produits, sur trois ans minimum, en tenant compte des coûts de production. Et de rendre "non négociable", entre l'industriel et le distributeur, la part du prix correspondant au coût des matières premières agricoles.
La loi Egalim "a montré ses limites", a reconnu dans Le Figaro le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, en fonction depuis un an, évoquant "des dérives à la fois chez des industriels et des distributeurs". Il s'agit donc de mettre "au coeur de la négociation la matière agricole", a fait valoir le ministre devant les députés.
Même si la situation s'est améliorée, la guerre des prix perdure et elle est antinomique avec la poursuite de notre modèle agricole, fondé sur la qualité.
"Il nous faut agir vite" pour que les prochaines négociations commerciales "puissent être différentes de ce que nous venons de vivre", a-t-il plaidé, cependant qu'industriels et distributeurs sont réticents, à l'inverse des syndicats agricoles. Au sujet des inquiétudes sur une possible hausse des prix alimentaires en répercussion, Julien Denormandie a estimé qu'il fallait "d'abord stopper la déflation" et "ne pas confondre politique sociale" en faveur du pouvoir d'achat et "politique agricole".
"Des matières premières sacralisées"
Robin Espinasse élève des vaches laitières à Colombiès en Aveyron. Chaque année, il achète pour leur alimentation 80 tonnes de tourteaux de soja à des prix toujours plus hauts. "On arrive à des coûts de production qui augmentent globalement autour de 15 euros les 1 000 litres. Avec un prix du lait qui est le même que l'année dernière", explique-t-il. 330 euros les 1 000 litres de lait et au final, un manque à gagner important.
Il y a encore 3/4 des volumes de lait transformé qui ne sont pas vendus et valorisés, à travers la loi Egalim. Du coup, à notre niveau, il y a très peu de répercussions.
Pour Romain Déléris, le président des Jeunes agriculteurs de l'Aveyron, cette nouvelle loi baptisée Egalim 2 peut être une chance : "La loi va transcrire le fait que les différentes parties prenantes des filières vont devoir donner les marges qu'elles prennent et à quel prix elles achètent les matières premières aux agriculteurs".
Il faut que ces matières premières soient un peu sacralisées, qu'on arrête de négocier toujours la marge finale du produit sur cette partie-là.
"Au moins le SMIC"
"C'est la première fois qu'on a un ministre de l'agriculture qui connaît et qui défend les agriculteurs", ajoute Jean-François Lamassé, le président de la FDSEA en Haute-Garonne. "Il a bien compris que si on continuait comme ça, il n'y aurait plus d'agriculteurs en France".
Dans le département, le salaire des agriculteurs, c'est 330 euros.Et au milieu, les industriels se frottent bien les mains. Je ne vois pas pourquoi un agriculteur n'aurait pas le droit de gagner au moins le SMIC.
Des "angles morts"
La proposition de loi a été adoptée par 56 voix pour et 4 abstentions à la gauche de la gauche. Les oppositions la jugent cependant limitée et soupçonnent la majorité de vouloir gagner des voix chez les agriculteurs.
Rappelant que certains gagnent "un demi-RSA par mois en travaillant sept jours sur sept", Julien Dive (LR) a pointé des "angles morts" du texte, notamment sur la structuration des filières ou les ventes à perte. Le socialiste Dominique Potier a souligné "la distorsion de concurrence brutale" entre "un cartel des acheteurs" des produits agricoles, "à travers une poignée de centrales d'achat", et "300-400.000 producteurs".
"Le revenu paysan a continué à se dégrader" et cette proposition de loi sonne comme un "aveu implicite de l'échec d'Egalim qui ne permet pas un rééquilibrage durable" des relations commerciales, a renchéri le chef de file des députés communistes André Chassaigne.
En vain, François Ruffin (LFI) a défendu avec d'autres l'instauration de "prix planchers" au profit des agriculteurs. "Peut-être souhaitez-vous que les agriculteurs soient des salariés de l'Etat, ce n'est pas notre choix", lui a rétorqué le rapporteur Besson-Moreau. Il faut "avancer sans manichéisme", "réguler pour protéger, sans étouffer" afin de maintenir "une concurrence saine", avait prôné le ministre Julien Denormandie auparavant.