C'est une première dans le quartier populaire de Bagatelle, à Toulouse. Le Tour de France passait ce jeudi 18 juillet au pied des HLM. Un moment important pour ses habitants, souvent écartés des grands événements.
Les rues sont calmes ce jeudi matin dans le quartier de Bagatelle, à Toulouse. Pourtant on peut sentir que quelque chose se trame. Plusieurs groupes de personnes attendent au bord de la route, le long des rues du Lot et Louis Vestrepain. Seuls indices : des t-shirts jaunes sur le dos des enfants. Dans un peu plus de deux heures, les coureurs du Tour de France vont débouler à 50 km/h dans les rues de ce quartier populaire de Toulouse.
C'est l'aboutissement de près de 10 ans de travail de Media Pitchounes. Cette association propose à des enfants du quartier de suivre, chaque année, le Tour de France, comme des journalistes en herbe. Depuis plusieurs années, ils luttent pour que la Grande Boucle vienne faire un "tour en bas des tours". Ils ont obtenu gain de cause.
Une meilleure image du quartier
Au local de l'association, en ce jeudi 18 juillet, c'est l'effervescence. Jason et Calvin, "les vieux" de Media Pitchounes (ils ont 14 et 15 ans), sont "surexcités". "C'est un rêve qui réalise, raconte Calvin, et j'espère que ça va changer l'image du quartier". Bagatelle fait partie de ces zones périphériques dont on entend surtout parler à l'occasion d'un règlement de compte ou d'une voiture brûlée."Mais la violence elle n'est pas qu'ici, elle est partout", s'insurge Marie-Antoinette, 64 ans venue de Tourneufeuille, à quelques kilomètres, avec ses deux petits-fils. "La vie dans ces quartiers peut être agréable, si on donne des moyens, comme partout", conclut-elle.
A la sortie du métro Bagatelle, le public commence à affluer, attiré par la caravane du Tour. Mais ce n'est toujours pas assez de monde aux yeux de Chantal, 56 ans, qui vit ici depuis 2 ans. Elle, est fan de la première heure.
J'étais tellement heureuse quand j'ai appris que le Tour allait passer ici, en bas de chez moi, confie-t-elle.
Elle arbore fièrement un t-shirt jaune, siglé Tour de France, tout juste acheté. La dernière fois qu'elle a vu la Grande Boucle en vrai, son fils était enfant. Aujourd'hui il a 33 ans. "Je n'ai pas les moyens de me déplacer tous les ans sur les routes du Tour, confie-t-elle. Alors là j'en profite, ça me fait mes vacances". Il faudra patienter encore une bonne heure avant de voir les coureurs.
Quelques secondes de bonheur
La foule continue d'affluer. Nicole, 70 ans a préféré descendre dans la rue, même si elle aurait pu tout suivre depuis son balcon. Elle n'aurait pas regardé le Tour à la télévision, mais le voir passer dans son quartier, c'est une chance. Elle est en place depuis 9h30. Le temps est long, mais comme le dit l'adage "le meilleur moment c'est l'attente".11h30. Ca y est, les coureurs ont pris le départ depuis l'île du Ramier, à quelques kilomètres de là. En attendant, à Bagatelle on acclame chaque voiture qui passe. "Ils arrivent", crache une voix dans le talkie walkie d'un policier. Depuis la sortie du métro, on peut voir la ligne droite de la rue du Lot, par laquelle les cyclistes arrivent.
Les cris se font plus intenses, les drapeaux s'agitent plus vite. On sort les téléphones portables. Quelques secondes de bonheur, et le Tour s'en va déjà. Rapidement la fièvre retombe. Dans quelques minutes, la vie aura repris son cours, et il n'y aura plus aucune trace de cette course tant attendue.
Une bulle de bonheur n'a pourtant pas encore éclaté. Devant les locaux de Média Pitchouns, à quelques mètres de là, on s'éternise. On débriefe, on revit l'instant, entre joie et mélancolie. Et on réfléchit déjà au prochain combat.