Réforme de la Police Judiciaire : les magistrats de Toulouse s'inquiètent du traitement à venir des affaires sensibles

Le SRPJ de Toulouse vit-il ses derniers jours ? Une réforme prévoit une fusion entre la PJ et la Sécurité publique départementale. Les magistrats dénoncent une perte de compétence et un risque d'interférences dans les affaires politiques et financières.

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L'affaire Viguier ou encore l'explosion d'AZF : la police judiciaire de Toulouse est en première ligne dans les grandes enquêtes criminelles de la région. Mais les jours du Service Régional de la Police Judiciaire (SRPJ) sont comptés.

Ce mercredi 7 septembre, un projet de loi, présenté en conseil des ministres, prévoit de mettre fin à la longue carrière du SRPJ de Toulouse et de tous ses homologues dans l'Hexagone et Outre-Mer. Le ministre de l'Intérieur souhaite départementaliser l'organisation de la police nationale. Un des chapitres de la réforme prévoit une fusion entre la police judiciaire et la sécurité publique.

Fin d'autonomie pour la police judiciaire

Actuellement, le SRPJ est placé sous l'autorité d'une direction interrégionale, elle même intégrée au sein de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ).

Gérald Darmanin souhaite réunir dans une seule entité départementale tous les services de police (PJ, renseignement, sécurité publique, police aux frontières). Cette direction territoriale de la police nationale (DTPN) marque la fin de l'autonomie de la PJ et son basculement sous l'autorité d'une direction départementale et, in fine, du préfet. 

Les policiers sont farouchement hostiles à cette nouvelle organisation. Des membres de la PJ ont même monté une association pour s'opposer au projet.

L'Association Nationale de la Police Judiciaire se veut "apolitique et sans étiquette syndicale". 

Un projet opaque et mortifère aux conséquences désastreuses

Association Nationale de la Police Judiciaire

Ce jeudi 8 septembre, une réunion était prévue entre les syndicats policiers et le directeur général de la police nationale (DGPN). Des informations sur le contenu et le contour de la réforme seront communiquées aux organisations syndicales. Mais la fronde est forte et déborde des rangs policiers.

 

Les magistrats très inquiets 

Pour la représentante de l'Union Syndicale des Magistrats (USM) de Toulouse, la réforme de la police nationale -incluant la fusion de la PJ avec les autres services- est "une mutualisation des moyens" présentée comme un gain d'efficacité. Mais "ce n'est pas en diminuant les compétences que l'on va gagner en efficacité".

Selon Christine Khaznadar, les magistrats du Parquet mais aussi les juges d'instruction sont "extrêmement inquiets". 

La police judiciaire ne s'apprend pas en 2 minutes. Il faut être hyper pointu et maîtriser la procédure de façon à démonter des infractions ultra complexes

Christine Khaznadar

Déléguée régionale Union Syndicale des Magistrats

Pour la syndicaliste, la réforme ne risque pas de déboucher uniquement sur une perte de compétences, avec des membres de la PJ qui se retrouvent à faire du "tout venant" ou au contraire avec des policiers de la Sécurité publique qui doivent prendre en charge des dossiers "pointus". C'est le choix d'un échelon départemental qui est en cause. Actuellement, les SRPJ ont une compétence régionale.

La "nouvelle" police judiciaire risque de se trouver enfermée dans les frontières du Tarn, de l'Aveyron ou de la Haute-Garonne.

La criminalité n'a plus de frontières. La réforme est à contre sens du fonctionnement d'une criminalité qui ne se limite pas aux frontières d'un département

Christine Khaznadar

Déléguée régionale Union Syndicale des Magistrats

L'inquiétude des magistrats porte surtout sur le fait que la police judiciaire change de "main". Actuellement, la direction des enquêtes est exercé par des magistrats, membres du Parquet ou juges d'instruction. Avec l'entrée en vigueur de la réforme, en 2023, c'est un fonctionnaire de police, agissant sous le contrôle du préfet, qui deviendra le patron de la police judiciaire.

Pour la magistrate toulousaine, cela présente un "risque démocratique majeur". En effet, le directeur départemental de la Sécurité publique (DDSP), futur responsable de la PJ, ne bénéficie du statut de magistrat et des garanties d'indépendance qui vont avec.

Sur les affaires sensibles, politiques ou financières, il peut y avoir une influence du système d'Etat

Christine Khaznadar

Déléguée régionale Union Syndicale des Magistrats

La départementalisation de la police judiciaire est en cours d'expérimentation en Guadeloupe, en Martinique, en Savoie et dans un des départements d'Occitanie, les Pyrénées-Orientales. 

Après neuf mois de test, la procureure de Fort-de-France dresse un premier bilan pour le moins contrasté. La magistrate souligne : "à deux reprises, un fonctionnaire de police, censé diriger le dispositif, est quelqu'un qui n'a aucune expérience du judiciaire".

Le ministre de l'Intérieur s'est dit prêt à amender son projet de réforme.

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