TEMOIGNAGE - Deux mamans, trois enfants conçus par PMA, une famille heureuse près de Toulouse

Au moment où s'ouvre ce mardi à l'Assemblée nationale le débat sur la révision de la loi relative à la bioéthique dont un volet porte sur l'accession à la PMA pour les couples de femmes, rencontre avec une famille de Plaisance-du-Touch près de Toulouse. 

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Séverine et Héloise sont deux mamans comblées. Mariées, elles vivent à Plaisance du Touch, une commune près de Toulouse, avec leurs 3 enfants de 6 ans, 3 ans et 20 mois.

Séverine a porté les deux aînés. Héloise le dernier. Tous ont été conçus par procréation médicalement assistée (PMA), en Espagne. Verbatim.

Une vie sociale complètement "dans les normes"

Nous avons une vie sociale et familiale tout à fait normale. Tout dépend de ce qu'on entend par normalité ! Dans un monde hétéro normé, nous sommes dans la norme ! Nous fréquentons des couples hétéros et homos (féminins et masculins). Nos ami.e.s ont accueillis avec joie nos désirs de parentalité. Nos enfants ont des représentations de différentes familles dans leur entourage.
Nos familles sont ravies d'avoir des petits-enfants (neveux, nièces, arrières petits-enfants) et ont même une certaine fierté de l'éducation qu'ils reçoivent. Nous sommes d'ailleurs les seules de nos fratries respectives à avoir des enfants..."

Des procédures d’adoptions longues et pesantes

Séverine et Héloïse ont, chacune, adopté les enfants biologiques de l’autre, en passant par un consentement chez le notaire, puis devant un juge des Affaires Familiales. C’est la loi en vigueur actuellement. Une procédure longue et pesante. Les deux femmes ont vécu les audiences comme des épreuves, des remises en question de leur vie privée :

Pour notre premier enfant, les questions du procureur étaient très intrusives. Il nous a demandé comment on avait fait pour avoir un enfant. En fait il voulait savoir si nous étions allées à l’étranger et donc si nous avions fait quelque chose d’illégal… Pour le deuxième, on nous a demandé si c’était le même donneur que pour le premier.

Les deux femmes ont vécu ces questions "d’ordre intime" comme des agressions.

Elles auraient souhaité que la loi sur le mariage pour tous autorise la filiation, sans passer par l’adoption : "Cela nous aurait évité de raconter notre vie devant un tribunal", déplore Séverine.

Et pour les deux femmes :

Un enfant né par PMA est désiré depuis très longtemps. En tant que parent social, devoir demander la filiation de son propre enfant, même si on ne l’a pas porté, c’est aberrant ! 

Qu’attendent-elles du projet de loi sur la PMA ?

Séverine est affirmative, les couples de lesbiennes doivent être mises sur le même pied d’égalité que les couples hétérosexuels (lire encadré ci-dessous).

Pour Séverine et Héloïse, "ce projet, tout comme le mariage pour tous.tes, ne va pas vers l’égalité de droit en matière de filiation des couples homos et hétéros. Tout est prévu pour stigmatiser les couples de femmes, et leurs enfants, et compliquer les démarches : une reconnaissance conjointe anticipée devant notaire signifie donc que la mère biologique doit reconnaître l’enfant qu’elle porte !"

Elles jugent le projet discriminant :

Par un biais détourné (l’acte notarié de reconnaissance conjointe anticipée), le mode de conception de l’enfant sera quand même indiqué sur l’acte de naissance.

Pour les deux femmes, "l’écueil du mariage pour tous.tes concernant le droit de filiation n’est toujours pas corrigé : la filiation est automatique pour un couple hétéro, elle ne l’est pas pour un couple homo". 
 
Pour l’instant, ce projet ne leur donne pas satisfaction. Elles se posent la question de ce qui serait juste pour l’enfant d’un couple lesbien :

Si nous voulions avoir de nouveau un bébé, nous opterions pour la PMA à l’étranger quitte à contourner la loi, plutôt que de laisser inscrire sur son acte de naissance, même de façon détournée, le fait qu’il ait été conçu par PMA. 


Même si leurs enfants le savent et le vivent très bien…

Pour les enfants, pas de souci avec la PMA !

"Ariane (6 ans) l'exprime et l'explique si on lui pose la question. Ce n'est pas un sujet de conversation pour elle. Victor (bientôt 4 ans) le sait. Et comme sa sœur, ce n'est pas ce qui l'intéresse! Camille, 2 ans, ne parle pas encore. On lui a expliqué tout de même".

L'administration scolaire est bien évidement informée que les enfants ont deux mamans. Ils ont toujours été bien accueillis, sans discriminations et avec bienveillance. Il en est de même par le personnel d'animation. 

Le seul bémol reste la fête des mères et des pères... Pour le moment, nous y avons eu droit chaque année. Soit l'enfant fait un cadeau pour chaque maman, soit un pour une des mamans (laquelle choisir ?) et un pour une personne qu'il aime (cadeau de la fête des pères). Les enseignantes n'ont jamais pris la peine d'en parler avec nous en amont. 

Une situation toujours compliquée dans le milieu professionnel 

"On ne dit pas trop qu’on est homos", nous confie Séverine. Elle travaille dans la gestion des ressources humaines d’une collectivité territoriale. Elle ne s’en cache pas mais ne le clame pas :  "Je ne subis pas d’insultes mais les gens m’évitent". 

Héloïse, elle, travaille dans une entreprise de transport international. Elle n’est pas totalement "sortie du placard". Ce qui signifie qu’elle n’a pas fait son coming out. "Car il s’agit d’un milieu très masculin…", poursuit Séverine. Héloïse a tout de même été obligée de le dire à la DRH de sa société quand Séverine a accouché de ses deux enfants, pour obtenir un congé de paternité. 
 
Séverine le déplore, "c’est difficile de tisser des liens dans notre environnement professionnels…nous n’y avons pas d’ami.e.s…"

Mais elle s’efforce "d’aller au-delà de ses craintes". Séverine veut même faire changer les mentalités. Elle s’est engagée au sein de l’Autre Cercle.  Une association qui milite pour l’inclusion des personnes LGBT dans les entreprises, via des rôles modèles.

Elle souhaite devenir formatrice pour sensibiliser les salariés à la diversité : "Je ne veux pas que mes enfants se disent que j’ai eu honte de nous".
Ce que prévoit le projet de loi en discussion (et ce qu'en disent les associations LGBT+)
La garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a proposé une nouvelle procédure de filiation pour les couples de femmes ayant recours à un tiers donneur : une reconnaissance conjointe anticipée serait faite, par les deux mères, devant le notaire, en même temps que le recueil du consentement à la procréation médicalement assistée, au don de gamètes. La filiation serait établie "à l'égard de chacune" des deux femmes.

L’acte de naissance indiquerait que l’enfant a été reconnu par ses deux mères. 

Pour les associations LGBT+, cette proposition n’est pas acceptable :
  • Il s’agit d’une reconnaissance conjointe, devant notaire. Cela impose donc à la femme qui accouche de reconnaître son enfant (or dans le droit français toute femme qui accouche, sauf si elle accouche sous X, est forcément la mère de l’enfant). Les associations souhaitent que cette reconnaissance soit faite, comme pour les hétérosexuels, par la mère sociale (qui n’a pas accouché), à l’état civil, et non chez le notaire. 
  • cette déclaration est anticipée, en vue de l’inscription sur l’acte de naissance du document notarié qui stipulera la reconnaissance conjointe par les deux femmes et donc le mode de conception de l’enfant (ce qui n’existe sur aucun acte de naissance jusqu’alors). C’est donc contraire à la loi actuelle et discriminant.
  • Cette reconnaissance s’applique aux couples de femmes non mariées, et même mariées : ce qui signifie, pour les associations, que le mariage pour tout. e.s n’a toujours pas engendré d’égalité des droits. Pour un couple hétérosexuel, la filiation résulte du mariage, qu’il y ait PMA ou pas. 
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