Témoignages. "La souffrance est telle, je voulais juste m'en libérer" : ils se racontent pour la prévention du suicide

Publié le Écrit par Aude Henry

685. C'est le nombre de tentatives de suicide comptabilisées chaque jour en France. Et depuis 1990, c'est une problématique majeure de santé publique. Une journée d'échanges était organisée ce 8 février 2024 par la Région Occitanie sur le thème du lien social et de la prévention partagée. Témoignages.

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Thomas et Loïs ont fait une, voire plusieurs tentatives de suicide. "Délivrance", "Libération", voilà le mot qu'ils ont choisi pour évoquer leur passage à l'acte. Ce jeudi 8 février, les deux jeunes hommes sont venus témoigner de ce qu'ils ont vécu, de comment ils s'en sont sortis. Laura, elle, a "subi" le suicide de son père quand elle avait 10 ans. Puis, celui de sa mère, 22 ans plus tard. 

"C'était une telle souffrance"

Difficile de trouver les mots pour expliquer une tentative de suicide. Loïs évoque tout d'abord "une telle souffrance". Puis "une déconnexion avec la réalité, comme dans un état second". Cela dépend des tentatives de suicide, nous confie-t-il.

Il y en a certaines, c'était pour me libérer de la souffrance. Il y en a une, la plus violente, je n'avais plus conscience de ce que je faisais.

Loïs

A-t-il pensé à ses proches à ce moment-là ? "J'étais complètement déconnecté. Autocentré. La souffrance est telle... Je voulais juste me libérer de cette souffrance", dit-il encore.

Thomas, lui, reconnaît qu'il a été "plutôt égoïste dans ces moments-là."

Je souffrais tellement que ça m'est sorti de l'esprit, ce que je pouvais infliger aux autres.

Thomas

Laura qui a, tour à tour, perdu son père, puis sa mère, évoque un tourbillon d'émotions face à ces deux suicides. "Il y a de la colère, du déni, de la sidération. Il y a de la tristesse, il y a de la peur. Il y a tout cela qui est mélangé. Il y a de la culpabilité, le fait de n'avoir rien vu, de ne pas avoir fait assez pour que ces personnes restent, alors qu'en fait leur vie leur appartient."

Au moment de ce passage à l'acte, je crois que les proches sont présents dans un coin du cœur, dans un coin de la tête. Mais ça ne suffit pas.

Laura

Comment s'en sortir ?

"Moi, je conseillerai d'arriver à s'aimer soi, nous dit Loïs. Je pense ne pas en être totalement sorti, mais je pense que par l'amour de soi, on arrive à se libérer de ses souffrances. Les autres peuvent accompagner et être là pour nous. Mais, dans la tentative de suicide en fait, c'est qu'on se sent tellement seul et pas aimé, qu'on en arrive à de tels actes. C'est comme ça que je l'ai vécu." Pour Loïs, il faut réparer son âme comme on soigne son corps.

L'autre est une super béquille. Mais tant que l'on ne s'aime pas soi-même, il y a un vide en soi qui reste.

Loïs

Thomas a mis quatre ans à s'en sortir avec un long travail de psychothérapie, à l'aide de médicaments et de groupes d'entraide mutuelle qui lui ont permis de retrouver des activités et de briser l'ennui. Son conseil : être patient.

Il y a de la lumière au bout du tunnel, mais cela prend du temps.

Thomas

Tout ce travail a fini par payer. "Maintenant, j'ai un avenir professionnel qui se profile. Grâce à ces projets, je revis. Et surtout, le fait que cette souffrance ait été un peu enterrée, je prends plaisir à la vie ne serait-ce qu'en respirant. C'est un plaisir de respirer correctement. Parce que pendant toutes ces années, je respirais très mal, je suffoquais tellement je souffrais."

"Est-ce qu'on peut vraiment comprendre ? En tous les cas, on chemine avec."

"Je ne comprendrais jamais leur geste", avoue aujourd'hui Laura. Mais la jeune femme précise son parcours. A beaucoup intellectualisé, fait des études de psycho et essayé de "comprendre ce qui fait qu'un être humain se sente bien et qu'est-ce qui fait qu'un être humain est en souffrance."

Si je me considère simplement comme une victime de ce que mes parents ont fait, c'est comme si moi-même, je n'avais pas de vie.

Laura

En 2023, 770 personnes se sont suicidées en Occitanie. Des hommes, à 75%. Dans la région, le taux de suicide pour 100.000 habitants est de 12,4%, c'est un point de moins qu'au niveau national.

Sachez que si vous êtes en détresse et/ou avez des pensées suicidaires, si vous voulez aider une personne en souffrance, vous pouvez contacter le numéro national de prévention du suicide, le 3114.

Propos recueillis par Pascale Félix et Eric Foissac.

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