Ce mercredi 2 novembre marquait la 15e journée mondiale pour le droit à mourir dans la dignité. L'occasion de donner la parole à celles et ceux qui ont accompagné un proche en fin de vie et qui abordent différents points de vue sur l'euthanasie et le suicide assisté.
78% des Français souhaitent un changement de la loi en faveur de la légalisation de l’euthanasie et du suicide médicalement assisté, selon un sondage IFOP d’octobre 2022.
Ce sujet sensible a été remis au cœur de l’actualité par le président de la République avec le lancement en décembre d'une consultation citoyenne sur la fin de vie menée par 150 personnes tirées au sort. Les conclusions devraient être remises au gouvernement au mois de mars, qui décidera alors de changer ou non la loi Claeys-Leonetti sur l'accompagnement médical de la fin de vie, et d'éventuellement légaliser une "aide active à mourir".
En cette 15e journée mondiale pour le droit à mourir dans la dignité, voici deux témoignages de femmes qui ont accompagné une proche jusqu’au bout, de façon différente, avec chacune son point de vue sur l’aide active à mourir.
Suicide assisté en Suisse : "elle est partie comme elle avait vécu, libre et autonome"
Anne, tout d’abord, a accompagné une amie lors de son suicide assisté en Suisse. « Elle n’avait qu’une cinquantaine d’années, mais elle était atteinte d’un cancer en phase terminale et malgré des soins palliatifs répétés, elle souffrait énormément. La médecine avait posé son diagnostic, il n’y avait plus d’espoir », explique doucement la sexagénaire.
C’était une femme très autonome et elle savait qu’à ce stade, elle ne pouvait finir sa vie que dans la souffrance et dans une totale dépendance, ce qu’elle ne voulait pas. La France ne lui permettait pas de choisir sa fin, elle a donc fait le choix de partir en Suisse pour finir ses jours sereinement.
Anne, a accompagné une amie lors de son suicide assisté
Le protocole du suicide assisté en Suisse nécessite que le ou la patiente soit accompagnée d’une personne qui puisse confirmer son identité. « J’ai accepté de jouer ce rôle et de rester avec elle jusqu’à la dernière seconde. C’était très difficile bien sûr, cela me renvoyait également à ma propre mort, mais c’était une façon de lui permettre de faire respecter ses dernières volontés et terminer sa vie sereinement », se souvient Anne. Quand on a vécu dans la liberté, l’autonomie et la responsabilité de soi toute sa vie, pourquoi ne pourrait-on pas décider comment s’en aller ? » interpelle la sexagénaire.
Je comprends que ce débat effraye certaines personnes, mais une loi qui encadrerait l'aide active à mourir permettrait à la fois de respecter la volonté des gens tout en évitant des dérives, qui ont déjà lieu dans tous les cas.
Anne, a accompagné une amie lors de son suicide assisté
Jusque dans ces derniers mots, l'amie d'Anne lui a confié la mission de participer à tout ce qui pourrait aider l'accès à l'euthanasie et au suicide assisté.
Soins palliatifs chez sa fille : "sa souffrance soulagée, elle a pu partir quand l'heure était venue"
Caroline Chotard, membre du collectif "Soulager mais pas tuer 31", a quant à elle accompagné sa mère atteinte d’un cancer lors de son dernier mois de vie. « La maladie de ma maman durait depuis des années et elle savait que la fin approchait. Elle s’est installée chez moi et elle a été remarquablement prise en charge par les soins palliatifs à domicile. Ça lui a permis d’être soulagée de sa douleur et de finir sa vie entourée de sa fille et ses petits-enfants, une fois l'heure venue », raconte Caroline.
Ça n’a pas été facile, mais c’est un choix que je referai sans hésiter et c’est aussi un souvenir très fort pour mes enfants. On leur a montré l’importance d’accompagner et de respecter le choix de la fin de vie de quelqu’un qu’on aime. C’est aussi ça mourir dans la dignité, ce n’est pas forcément être euthanasié.
Caroline Chotard, membre du collectif "Soulager mais pas tuer 31"
Pour cette Toulousaine, il faut améliorer l’accès aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire lors de la fin de vie, mais pas favoriser l'accès à l’euthanasie. « Je trouve qu’un changement de la loi Claeys-Leonetti serait un engrenage très dangereux. Cela pousserait les personnes âgées ou dépendantes à se sentir comme un poids et un coût pour la société. Pour moi, la vie n’a pas de valeur marchande et je ne veux pas vivre dans un pays où on peut décider d’euthanasier une personne quand elle devient trop « coûteuse » pour la société. »
Pour Jean-Marie Barbiche, porte parole du collectif "Soulager mais pas tuer 31", la consultation citoyenne sur la fin de vie est une bonne chose, « à condition que les débats soient éclairés par des personnes qui accompagnent les gens en fin de vie. » Il souhaite que « des rencontres soient organisées en soins palliatifs pour permettre aux citoyens d’être confrontés à la réalité de la fin de vie », et que « les soignants eux mêmes aient une place directe dans cette réflexion ».
La convention citoyenne sur la fin de vie débutera le 9 décembre prochain.