A Toulouse, les antifascistes investissent le terrain social et culturel

Manifestations. Actions coups de poing. L'image des antifascistes se limite souvent à cette description. Mais des groupes, comme l'Union antifasciste toulousaine, vont aussi sur le terrain social et culturel, trop longtemps abandonné, à leurs yeux, à l'extrême droite dans les quartiers populaires.

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La situation ne manque pas de piquant. D'un côté, le bâtiment de la congrégation de l'Armée du Salut, située au pied d'une barre HLM, arbore sur sa façade une énorme croix en bois. Sur le trottoir d'en face un "local révolutionnaire", "Au chat noir", a ouvert ses portes en mars 2019.

"Ce n'est pas gênant et cela se passe bien, même si l'on ne s'est pas encore parlé" assure Grincheux, dont l'organisation, l'Union Antifasciste Toulousaine (UAT), est l'une des quatre groupes, avec Alternative Libertaire, la Confédération Nationale du Travail, la Coordination des Groupes Anarchistes, à avoir travaillé à cette installation.

Bar et verres décorés du chat hirsute de la CNT, tracts au sujet des gilets jaunes, de la ZAD de Sivens, dessins de grèves et de manifestations, bibliothèque et présentoir remplis de livres aux titres aussi évocateurs que "la lutte armée aux Etats-Unis", "compensation écologique vs Zone humide à défendre", "Critique de la démocratie balistique" , "Défendre la Zad" ou encore "A couteaux tirés avec l'Existant, ses défenseurs et ses faux critiques". L'intérieur de ce local, situé à l'angle et au rez-de-chaussée d'un immeuble d'habitation, laisse peu de doutes sur les occupants du lieu.

Seule la présence sur une étagère d'un exemplaire du comics américain "Miss Marvel" pourrait faire douter. "Il faut savoir être éclectique et s'adresser à tous les publics" lance avec un sourire Grincheux. 
 

Le local "Au chat noir" a ouvert officiellement en mars 2019, dans la cité des Mazades à Toulouse. © Capture d'écran site Iaata

Un lieu contre la capitalisme

La création et l'animation de ce lieu ont une visée : lutter contre le capitalisme :

Le capitalisme détruit les peuples, leurs cultures et la nature, et favorise des relations sociales fondées sur l’exploitation, la marchandisation, la suprématie blanche, la concurrence et le profit. Ce qui est très loin de la société solidaire et conviviale dans laquelle nous aspirons à vivre. Ainsi, nous souhaitons construire des relations et une vie de quartier aux antipodes du capitalisme, basées sur le respect, l’entraide et la solidarité.


Le choix du quartier n'est pas anodin. Une population à faibles revenus habite ici. Le lieu se veut donc ouvert aux autres collectifs mais aussi aux habitants du coin.

Il faut être visible pour que les gens qui s'y intéresse puissent nous trouver et nous rejoindre, s'emparer de la question et participer.

 
Le décès du militant d'extrême gauche, Clément Méric, à la suite d'une rixe entre deux nationalistes et un groupe de gauche radicale, a remis sur le devant de la scène médiatique le mouvement antifasciste. © Ben Art'Core


Une visibilité pour susciter de l'intérêt pour l'anticapitalisme mais aussi pour l'antifascisme. Stèph, autre membre de l'UAT, estime que l'image du mouvement a évolué au cours des dernières années :

Il y a une dizaine d'années c'était un mouvement groupusculaire, une marge de la société, une contre-culture, le milieu punk et rock alternatif. Aujourd'hui, le combat antifasciste est devenu plus populaire. Avant, les gens ne savait pas ce que cela voulait dire et à quoi cela renvoyait. De l'intérieur, il a aussi eu une évolution. Des "Monsieur et Madame Tout-le-Monde" ont commencé à venir dans ces groupes. 

Crise du militantisme

Par exemple, au sein de l'Union Antifasciste Toulousaine, les membres sont étudiants mais aussi salariés dans des entreprises techniques, employés sur des chantiers ou dans le milieu hospitalier afin de militer contre le fascisme mais aussi contre l'homophobie, pour le féminisme, l'écologie et la fin du patriarcat. 

Aujourd'hui, Toulouse compte cinq groupes antifascistes, avec plusieurs stratégies et plusieurs méthodes. "C'est un signe de vitalité estime Stèph. Mais après il y a quand même une crise du militantisme, qui n'est pas propre à l'antifascisme. Il y a des problématiques qui ont émergé comme les téléphones portables et les réseaux sociaux. Ils font qu'il y a une sorte de déresponsabilisation des gens. Au final, c'est plus facile de partager un communiqué de SOS Méditérannée sur Facebook  que de lutter dans la vraie vie."
 
Le local de la cité des Mazades, à Toulouse, est donc un moyen de sensibiliser les classes populaires, sur le terrain social, mais aussi de contrer une idéologie d'extrême-droite très présente dans ces endroits de la ville " C'est un moyen de faire aussi de la présence culturel, complète Grincheux. C'est un terrain sur lequel on perd beaucoup et cela a été un grand terrain de lutte. La question des mots, de leur usage et leur signification. C'est comme ça que la gauche gagnait dans les années 60 et c'est comme ça qu'une partie de l'extrême droite s'est dit qu'il serait temps de reprendre la main sur la définition des mots. C'est là que la gauche est en train de perdre actuellement. Il y a un aspect culturel et un aspect politique et l'objectif de ce local c'est de renouer les deux."
 
Photographie du quartier Exarchia Athènes, en Grèce. © Ben Art'Core

Photographe militant

Les mots, ce n'est pas ce que Ben Art'Core préfère. Ce photographe toulousain se définit lui-même comme militant. Il suffit d'observer le drapeau noir accolé au drapeau rouge tatoués sur son avant-bras pour comprendre. Il est militant antifasciste. Taiseux, ce sont plutôt ses photos qui parlent pour lui comme cette série de clichés qu'il expose actuellement dans un bar à vin de Toulouse. Des photographies sur la situation d'Exarchia, quartier rebelle d'Athènes en Grèce. Des images en noir et blancs d'hommes masqués et cocktail Molotov en main face aux forces de l'ordre grecques alternent avec celles illustrant la gentrification de ce quartier

C'est bien de mettre un électrochoc sous les yeux pour dire : attention cela se passe à côté. Ce qui se passe en Espagne, en Italie, ce sont des frontières plus ou moins directes. C'est juste à côté.

 

A Toulouse, le photographe se consacre à la mobilisation des groupes antifas, à celle des réfugiés, des migrants, des féministes ou encore des sans-logis. "Je suis très content voir très fier de travailler, c'est à dire échanger, partager mon travail, avec le DAL par exemple. Ils ont besoin d'une visibilité."  Une visibilité que les groupes antifascistes essaient désormais aussi d'acquérir.

Reportage Sylvain Duchampt - Thierry Villeger - Johan Toulleron
 
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