Tour de France 2022 : quand la magie opère à Valcabrère, petit village de Haute-Garonne de 140 habitants

Le Tour de France s'arrête en Occitanie aujourd'hui, avec la 17ème étape entre Saint-Gaudens et Peyragudes. Il va traverser nombre de villages, dont Valcabrère qui n'en est pas à sa première Grande boucle. Dans ce petit village de 140 habitants, c'est jour de fête.

Valcabrère, à une trentaine de kilomètres de Saint-Gaudens. C'est un petit village comme le pays de Comminges en compte beaucoup. Une commune tranquille, avec un joli patrimoine historique. La Basilique Saint-Just fait la fierté de ses habitants. Ici peu de services publics et pas de bar ou de restaurant. Alors quand le Tour de France est de passage, c'est jour de fête. Forcément...

Jean Verdier accroche les derniers drapeaux bleu-blanc-rouge sur les façades de la rue principale. Il est maire de ce village depuis 1983. "Ce n'est pas la première fois que le Tour de France passe par Valcabrère. Il a du déjà passer 3,4 fois, je ne me souviens pas exactement" explique l'édile. "Le Tour, ça fait partie des animations de la commune. On est heureux qu'il passe ici, c'est une vraie fierté. Avant il y avait les fêtes de village, mais elles ont disparu. Aujourd'hui, le Tour c'est un peu notre fête de village" dit-il dans un grand sourire. Avant de poursuivre ses préparatifs il conclut, "j'aurai aimé en faire plus, avec des animations. On serait peut-être passé à la télé".

Il est 10 heures. Une voiture du Tour de France passe avec un panneau annonçant "Routes fermées". Désormais, Valcabrère n'est plus accessible en voiture. Le village restera coupé du monde jusqu'à 14 heures 30, le temps que tous les coureurs soient passés. 

Cinq gendarmes venus de Toulouse sécurisent la commune depuis 9 heures du matin. "Il n'y a pas de barrières, alors on doit être très vigilants" explique ce gradé qui a préféré garder l'anonymat. "Le vrai danger, c'est quand la caravane passe. Les gens prennent des risques et vont sur la route récupérer des articles. C'est là que c'est dangereux " explique t'il. "Et quand les coureurs passent, notre grande angoisse ce sont les enfants et les animaux qui traversent la route" .

La place du village, juste à côté de la mairie, commence à s'animer. Les premiers sont là depuis 8h30, comme Alain et Yvette venus de Cintegabelle (31). "On connaît très bien cette commune, ma fille s'est mariée ici" raconte Alain, 64 ans. "C'est la troisième étape qu'on suit, j'adore le vélo, cela me rappelle des souvenirs d'enfance " renchérit cet homme désormais à la retraite.

"Mon père était un passionné de vélo. Depuis que j'ai 6 ans, je fais au moins une étape par an" confirme Yvette. "Notre plaisir c'est de voir du monde, le Tour ça fait parti du patrimoine français" explique cet agent hospitalier. 

Nous poursuivons notre traversée du village. Ici ou là, des habitants se sont installés à l'entrée de leur maison, avec des chaises de camping et de quoi s'occuper avant l'arrivée de la caravane publicitaire. Un peu plus loin, près de la sortie de Valcabrère, un groupe de collégiens de la Barousse s'est installé sur un talus. "On vient pour la caravane, j'espère qu'on aura un bob cochonou" rigole Eloise Madrou, 14 ans. "Nous, le Tour de France, cela ne nous intéresse pas spécialement, c'est plus pour l'ambiance et c'est l'occasion de se voir entre amis" renchérit Jeanne, 14 ans.

Les vrais passionnés - ceux qui suivent le Tour de France sur plusieurs étapes - sont installés un peu plus loin, près des champs, à l'entrée du village. Un petit groupe de caravanes est garé le long de la route. C'est là que nous rencontrons celui qu'on appelle "Roger le Catalan". Ce Perpignanais, 72 ans, est venu avec son épouse Eliane.  

"On est arrivé hier soir et on a dormi sur place. On cherchait un endroit tranquille où il n'y a pas trop de monde" explique Roger Mateu, 72 ans. "On est venu au Tour de France grâce à ma petite-fille, qui était fan de Thomas Voeckler. Depuis 2011 et l'achat de notre camping-car, on y est tous les ans. On s'est pris au jeu" sourit Roger. "J'aime bien l'ambiance entre nous, la convivialité de ces moments, les apéros entre copains" explique Eliane qui en est à son 15ème Tour de France.

11h40, il y a du mouvement sur la route principale. Les motos de la gendarmerie passent à toute vitesse. Un véhicule officiel annonce l'arrivée de la caravane publicitaire  "Ca y est, elle arrive" suggère un enfant à sa Maman, les yeux pleins d'espoir.

Les véhicules publicitaires bariolés s'enchaînent à toute vitesse. Quelques objets sont envoyés dans la foule, certains atterrissent sur la route. Au grand dam des gendarmes qui sont sur le qui-vive. "Avant ils nous envoyaient des goodies (friandises) par poignée entière. Aujourd'hui, c'est.. un. Cela a bien changé la caravane" râle Corinne venue avec son amie Joan. "Je trouve qu'ils passent trop vite, on est là plein d'espoir, on est content et puis rien. Tout ça pour ça..." déplore cette habitante de Valcabrère. Un autre habitant qui a entendu la conversation surenchérit : "De toute façon avec la caravane, c'est le chacun pour soi".

Le village reprend son souffle. Les premiers coureurs doivent arriver d'ici une heure et demi. C'est le moment de se restaurer. Comme ce groupe de personnes âgées d'un Ehpad de Rieumes (Haute-Garonne). Fabrice Richer, le directeur de cet établissement, est un habitant du village. Alors il en a profité pour leur offrir une sortie.

"Cela fait une semaine qu'il ne parlent que de ça. Certains n'en dorment plus depuis deux jours. Ils sont ravis d'être là " raconte t'il. André Rouaix, 72 ans, confirme. "Ça me rappelle des souvenirs. J'en ai vu des Tours de France dans ma vie, j'ai vu les plus grands. Pantani, Hinault ..." explique ce retraité, qui continue à faire du vélo. "Une certaine humanité se dégage du Tour de France" décrit-il avec un brin de nostalgie.

L'ambiance devient un peu fébrile subitement. Le balai incessant des voitures officielles et des motos annonce le passage des coureurs. Chacun sort son smartphone et reprend sa place le long de la route. Un silence s'installe, le suspense est de mise. Chacun guette l'entrée du village, par où doivent arriver les coureurs.

Il est 13 heures 36. Les premiers coureurs entrent dans Valcabrère. A toute vitesse. Difficile de les distinguer quand on n'est pas connaisseur. On a à peine le temps de les apercevoir, qu'ils sont déjà partis. Une minute de bonheur, et encore. Nous retrouvons Alain et Yvette sur leur spot, près de la mairie. Ils sont heureux, ils étaient venus pour ça. "Moi j'ai vu le maillot jaune et le maillot à pois, je suis content. Faut avoir l'oeil" jubile Alain. Un peu plus loin, une dame regrette. "Ça va tout de même très vite. je n'ai pas vu grand chose".

La voiture balai vient de passer. Les coureurs sont déjà loin, le Tour de France à Valcabrère, c'est fini. C'est impressionnant de voir à quelle vitesse le village se vide. Les routes sont ouvertes à la circulation, les touristes s'en vont. Le calme revient dans le village. Il est 14 heures 30, la fête est déjà finie. Seuls restent accrochés, quelques drapeaux français. Un souvenir - parmi tant d'autres - du passage de la Grande boucle dans ce petit village de 140 habitants.