Le XV de France s'est incliné samedi en Angleterre (55-35) au terme d'un Crunch fou, débridé, roboratif et électrique qui clôt avec des regrets mais aussi quelques promesses un Tournoi des six nations charnière à six mois du Mondial.
Quel match! On ne sait encore quelle énergie et quelles certitudes le XV de France aura libéré de cette partie démesurée, mais sans doute faudra-t-il capitaliser sur ces intentions, cette envie de jouer de toutes parts et cette rage de la première à la dernière seconde, en vue de la Coupe du monde qui s'ouvrira aussi à Twickenham pour les Bleus, face à l'Italie, le 19 septembre.
Certes, l'exécution n'a pas toujours été à la hauteur des ambitions de jeu des deux équipes, mais rarement le "Temple du rugby" qu'est Twickenham aura vu pareille orgie des passes et d'intensité
Douze essais au total furent inscrits (7 pour l'Angleterre, 5 pour la France) et l'Angleterre a battu son nombre de points inscrits face à son rival d'Outre-Manche (48 en 2001) tandis que les Bleus ont flirté avec le record de 1972 (37).
Le contexte s'y prêtait, il est vrai. Avant la rencontre, le XV de la Rose avait appris qu'il lui fallait s'imposer avec 26 points d'écart au minimum, pour espérer rattraper l'Irlande et remporter le Tournoi pour la première fois depuis 2011.
Le XV de France savait, lui, qu'il n'y avait plus rien à attendre de ce match, si ce n'est enfin livrer une copie pleine et aboutie avant d'attaquer la préparation au Mondial.
Un test de maturité
Au final, la volonté de fer des acteurs a fini par annihiler leurs prétentions respectives dans la compétition. Le XV de la Rose doit se contenter d'une 2e place au classement, pour la quatrième fois de suite, devant les Bleus, 4e comme en 2012 et 2014 et qui courent toujours après un titre depuis le Grand Chelem de 2010.
Paradoxalement, c'est sans doute le XV de France qui tirera le plus de positif de ce match. Maussade vainqueur de l'Écosse (15-8), triste perdant en Irlande (18-11) puis contre le pays de Galles (20-13), la France s'acheminait vers un Tournoi complètement raté, avant de reprendre quelques couleurs en Italie (29-0), puis d'affirmer son caractère dans la capitale anglaise.
Devant 82.000 spectateurs survoltés et dans un contexte franchement hostile exhalant le chaos à tous les coins de la pelouse, on se dit que ces Bleus parfois si adolescents ont passé un sacré test de maturité.
Ils ont notamment résisté dans les dernières secondes à une incroyable furia anglaise, alors que les hommes de Stuart Lancaster n'étaient plus qu'à un essai transformé du titre.
Les partenaires de Thierry Dusautoir ont aussi fait preuve de résilience pour surmonter une entame ratée, ponctuée d'un essai du demi de mêlée Ben Youngs, grand homme du match, après une minute 39 secondes de jeu.
Le reste fut une bataille sous très haute tension. Les Anglais ont viré en tête à la pause (27-15), en capitalisant autant sur leur enthousiasme que sur les défaillances au pied de l'ouvreur Jules Plisson qui avait abandonné alors 8 points face aux poteaux.
La défense prend l'eau
Mais jamais les Bleus n'ont rendu les armes, à l'image de leur impeccable retour de seconde période et ce magnifique essai de Maxime Mermoz (43), après plusieurs temps de jeu bien maîtrisés et une intéressante liaison entre avants et arrières.
D'ailleurs, Thierry Dusautoir l'assurait avant-match: six jours auparavant à Rome, le XV de France avait pour une fois joué en équipe et il fallait creuser le filon.
On l'a de nouveau ressenti sur plusieurs séquences de jeu à Twickenham et sans doute les entraîneurs capitaliseront dessus.
Au rayon négatif, les Bleus ont montré leurs limites physiques et la cause anglaise semblait entendue à mesure que l'on progressait en seconde période. Surtout, la défense, arme absolue des Français jusque-là, à sérieusement pris l'eau face aux vagues d'attaque de le jeunesse anglaise.
Mais au vu de la situation, on pardonnerait presque ce naufrage. Si tant est que le XV de France en tire des leçons pour l'avenir.