"Telles qu’elles sont organisées aujourd’hui, les zones à faible émission risquent d’exclure les plus modestes parce que tout le monde n’a pas la possibilité de financer un véhicule non polluant malgré les aides qui existent". C’est le constat que dresse le rapport sur la mise en place des ZFE, présenté ce lundi 10 juillet par le maire de Toulouse, Jean Luc Moudenc, au ministre de la Transition Écologique. Première conséquence : les restrictions de circulation sont assouplies, Toulouse est concernée.
Le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, coordinateur du rapport du comité national de concertation sur la ZFE, a présenté à Christophe Béchu, ce lundi 10 juillet les "25 propositions pour allier transition écologique et justice sociale". Le comité de concertation en appelle à davantage de "souplesse", afin d’adapter les ZFE à la réalité de la pollution et d’éliminer " le spectre d’une crise des gilets jaunes".
"Ce matin nous étions dans l’état d’esprit de dire que nous ne contestons pas le dispositif ZFE car nous savons que l’enjeu est important pour la santé publique. Il y a 47 000 morts en moyenne par an à cause de la pollution atmosphérique et deux ans d’espérance de vie en moins du fait de cette pollution", précise le maire ce soir lors d’une conférence de presse.
Le gouvernement lâche du lest
L’interdiction des véhicules Critair 3 ne s’impose plus à Toulouse, la ville n’a plus d’obligation de renforcer ses restrictions actuelles. Jean-Luc Moudenc confirme l’information et va proposer au conseil de la Métropole de "suspendre cette disposition mais il faudra que les chiffres soient bons", précise l’élu.
"On revient sur rien, ce qui est acquis aujourd’hui est maintenu, la dernière variable c’est le critère 3", rajoute le président de la métropole.
Pour le maire de la ville rose, il s’agit aussi d’éviter "le risque de fracture sociale".
En réponse, le gouvernement a décidé d’assouplir les restrictions de circulation aux agglomérations non concernées par les dépassements des seuils de pollution. Toulouse n’a plus d’obligation de renforcer ses restrictions actuelles. Le gouvernement a tranché, les règles sont assouplies pour les villes qui avaient déjà mis en place une ZFE, comme Toulouse et Montpellier.
Toulouse : la vignette Critair 3 suspendue
A Toulouse, cela fait déjà 7 mois que les voitures aux vignettes critère 4 et 5 sont interdites à la circulation en ville. Des voix s’étaient d’ailleurs élevées contre ces restrictions et le dossier reste explosif.
A partir de 2024, les véhicules dont la vignette affiche le critère 3 devraient être interdits en ville,"Tout le monde ne peut pas le faire", explique le vice-président de France urbaine, association qui regroupe les grandes agglomérations françaises.
Le rapport publié par le ministère de la Transition écologique et de la cohésion sociale précise "qu’il existe désormais deux types de territoires dont les noms seront désormais différents afin de mettre en évidence leur situation et le niveau de contrainte associé : ceux qui respectent les seuils et ceux qui ne les respectent pas".
Plusieurs mesures d’assouplissement demandées dans le rapport
Les ministres présents se sont engagés sur plusieurs propositions, explique le maire de Toulouse.
Dans ce rapport du comité national de concertation sur la ZFE, le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc demande plusieurs mesures d’assouplissement comme la réforme de la vignette critère avec "la possibilité d’avoir un contrôle technique fait par un professionnel agréé qui garantit qu’un véhicule pourtant ancien ne pollue pas".
Le rapport propose aussi la mise en place des dérogations pour les petits rouleurs, comme les personnes âgées qui n’utilisent que rarement leur véhicule.
Par ailleurs le comité invite le gouvernement à "doubler les aides de l’Etat" et de ne pas limiter ces aides aux revenus les plus bas "afin de ne pas exclure les classes moyennes". Malgré les dispositifs existants le reste à charge pour les ménages est trop élevé. Le rapport préconise ainsi l’élargissement du dispositif à l’achat de voitures d’occasion.
"Les ministres nous ont donné leur accord de principe concernant le fait d’aider davantage, de diminuer le reste à charge pour les usagers. Le ministre a annoncé que sur les 7 milliards d’aide à la mobilité, une partie serait fléchée vers les ZFE, l’augmentation des aides que nous demandons. Tout cela sera pris en compte dans la loi de finances 2024", précise le maire de Toulouse.
Enfin, les membres du comité demandent au gouvernement de rendre éligibles aux aides les habitants des territoires voisins des métropoles où les ZFE existent. Cette population représente près de la moitié des usagers de ces espaces.
Multiplier massivement les RER ou les lignes de bus express. Une alternative qui ne pourra exister qu’avec l’aide de l’Etat, selon les élus.
De nombreux acteurs mobilisés
Ces propositions ont fait l’objet d’un large consensus d’une grande variété d’acteurs et de sensibilités politiques, explique Jean-Luc Moudenc. Un comité qui a notamment réuni les représentants de l’ensemble des agglomérations de plus de 150 000 habitants dans l’obligation de déployer une ZFE, d’ici à 2025. Des représentants des entreprises de transport et de logistique, des artisans ou encore des associations.
Un constat partagé par l’Adie Occitanie. L’association alerte depuis plusieurs mois, les pouvoirs publics sur le calendrier de mise en application des ZFE (à Toulouse et Montpellier aujourd’hui, à Nîmes et Perpignan à horizon 2025) et son impact sur les petits entrepreneurs, les travailleurs précaires, les demandeurs d’emploi.
"L’association milite pour une transition réellement inclusive : si la mise en place des ZFE est essentielle au regard des enjeux sanitaires et environnementaux, le calendrier et les dispositifs d’aides tels qu’envisagés actuellement pourraient tout simplement mettre leur activité à l’arrêt. Un tel risque ne peut être encouru, d’autant plus dans un contexte économique et social aussi incertain", explique l’association dans un communiqué de presse.
Pour passer d’une logique d’incitation à une logique de solidarité, l’Adie Occitanie a émis des propositions concrètes pour le territoire occitan, qui rejoignent certaines mesures évoquées dans le rapport rendu au ministre ce matin :
- Étendre la Prime à la Conversion sur les plus bas revenus et l’ouvrir aux primo-accédant
- Passer par l’Adie pour avancer la Prime à la Conversion
- Supprimer le critère de seuil d’émission de CO2 pour les véhicules Crit’Air 1 d’occasion
- Proposer des aides pour l’acquisition de véhicules Crit’Air 2, hors ZFE
La ZFE, morte et enterrée ?
A Toulouse, pour le collectif Suspension ZFE, le maire de Toulouse " joue un double jeu". Selon Robert Marquié, "depuis le temps qu’il n’est pas d’accord alors qu’il est volontaire pour tout faire pour y compris précéder le gouvernement dans l’application de la ZFE, on ne sait plus ce qu’il faut croire".
5 métropoles françaises dépassent toujours le seuil de pollution autorisé et doivent "respecter le calendrier législatif de restriction aboutissant à des restrictions pour les voitures diesel de plus de 14 ans et les voitures essences de plus de 19 ans au 1 er janvier 2025( CRitAir3)". En revanche, pour les 31 agglomérations qui devaient ou ont mis en place une ZFE d’ici 2025 "la seule obligation prévue par la loi est la restriction de circulation des voitures immatriculées jusqu’au 31 décembre 1996 avant le 1er janvier 2025", selon le ministère.
L’Union Européenne travaille à une directive qui reprendrait les normes de l’OMS à l’horizon 2030. "Si en 2020 on atteint les mêmes seuils qu’en 202, 80 % des agglomérations en France seront concernées, tout le monde passera à une ZFE, c’est la raison pour laquelle il faut encourager le renouvellement du parc automobile sans attendre 2030", rajoute précise Jean-Luc Moudenc.
Le gouvernement devrait préciser le dispositif définitif ZFE en septembre prochain, après que le rapport de Barbara Pompili, ex-ministre de la transition écologique, soit rendu. Un rapport qui mettra en perspective la situation des villes sur le plan européen.