Les soeurs dominicaines contemplatives de Lourdes dans la tourmente immobilière

Communauté promise à la fermeture, soeurs dispersées: les moniales dominicaines de Lourdes s'apprêtent à tourner la dernière page de leur histoire dans le sanctuaire marial, une décision contestée qui jette une lumière crue sur l'avenir de monastères aux effectifs clairsemés.

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C'est un cadre idéal pour la contemplation : niché dans les montagnes, le monastère des soeurs dominicaines contemplatives se situe à 600 mètres à vol d'oiseau de la grotte. C'est aussi un joli patrimoine immobilier. Les moniales s'y sont installées en 1889, une trentaine d'années après la reconnaissance des apparitions par l'Eglise.

Mais les soeurs contemplatives, qui jadis se comptaient par dizaines, ne sont plus aujourd'hui que 13 et vont  devoir quitter les lieux.

L'évêque de Tarbes et Lourdes, Mgr Nicolas Brouwet, l'a annoncé dans un communiqué diffusé le 13 septembre. Au motif que les soeurs ne parvenaient pas à se mettre d’accord pour élire une nouvelle prieure, elles devraient quitter leur monastère. Du même coup, le prélat a nommé un "commissaire apostolique", le frère prêcheur Gilbert Narcisse, chargé d'"aider chaque soeur à rejoindre un monastère de dominicaines de son choix".

Trois élections de prieure ont été infructueuses en 2015. "Si personne ne veut accepter la responsabilité du gouvernement du monastère, je ne vois pas bien quelle est l'alternative. N'importe quel groupe humain a besoin d'un responsable pour organiser la vie commune", fait valoir l'évêque.

Une responsable a bien été nommée par la Congrégation romaine pour les instituts de vie consacrée, mais celle-ci "a donné sa démission au bout de quelque temps en raison des dysfonctionnements" internes, selon Mgr Brouwet.


Exclaustration forcée 


Mésentente entre soeurs? Le Centre contre les manipulations mentales (CCMM), une association anti-sectes, fait plutôt état de soupçons de "harcèlement", "abus de faiblesse" et "actes de maltraitance" de la prieure par intérim à l'égard des moniales, pour certaines "vulnérables".

Rome a adressé de vifs reproches à une autre figure du monastère: soeur Marie-Ancilla, connue pour ses ouvrages sur les pères de l'Eglise et son combat contre les "pseudo-thérapies" spirituelles. Par décret, la congrégation romaine lui a imposé, pour deux ans, une mesure canonique d'"exclaustration". Soit une mise en retrait forcé de sa communauté.

Soumise à un voeu d'obéissance, la soeur Ancilla souhaite garder le silence. Mais à l'extérieur du monastère, les langues se délient. Un comité s'est constitué contre sa fermeture.

Selon le groupe, les décisions de l'Eglise "bafouent sur notre sol le droit français" et les "droits des soeurs, alors que certaines sont très âgées", jusqu'à 94 ans, "et malades".

Le monastère est administré par une association loi de 1901, qui emploie quatre laïcs salariés en cuisine, à l'exploitation agricole attenante et pour les soins des soeurs. Ils "ont appris par la presse que le monastère allait fermer et n'ont pas été avertis que leur travail était remis en cause", peste une source proche du dossier. Or, c'est l'association, non dissoute, pas le commissaire apostolique qui a le pouvoir d'agir, fait-on valoir. En dénonçant les visites hebdomadaires de ce père dominicain auprès des soeurs: "On leur met la pression".


Après Blagnac, bis repetita? 


Pourquoi les faire partir?

"Pas besoin d'être grand clerc: tout le monde dit en ville qu'il pourrait y avoir derrière une opération immobilière",


glisse la source proche du dossier.

Comme près de Toulouse, à Blagnac,  où les soeurs dominicaines vieillissantes ont dû partager leur énorme domaine de Maniban en trois: outre des aménagements municipaux, deux communautés nouvelles occupent désormais les lieux, L'Arche et un mouvement charismatique dans le collimateur des militants anti-sectes, Les Béatitudes.

L'affaire a d'ailleurs attiré l'attention de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), qui dépend de Matignon.

Les vieilles communautés monastiques (bénédictines, cisterciennes, dominicaines...), touchées par la crise des vocations, sont "souvent dotées d'un riche patrimoine implanté sur des sites exceptionnels dont la valeur marchande peut susciter la convoitise", estime la Miviludes. Qui s'interroge sur un prix payé aux moniales semblant "très inférieur à ce qui est habituellement pratiqué" et sur le "consentement" des soeurs à cette transaction.

A Lourdes, les dominicaines craignaient "que le scénario de Blagnac se répète et que leur très belle propriété (...) fasse l'objet d'un partage dans des conditions obscures, sans vote et sans consentement librement éclairé", relaye la Miviludes.

L'évêque, lui, joue l'apaisement, décidé à rencontrer rapidement des membres du comité de soutien: "Nous sommes évidemment prêts à aider les soeurs si elles l'acceptent".

Et le prélat d'en appeler, dans la cité mariale, à l'intercession de "Notre-Dame, qui défait les noeuds".


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