Des instituts de recherche internationaux, dont le CNRS, viennent de publier la première analyse de risque, d’envergure mondiale, pour les espèces d’arbres plantées en ville. Certaines sont d'ores et déjà menacées.
Des chercheurs de plusieurs pays dont la France viennent de publier dans la revue Nature Climate Change, la première analyse de risque d’envergure mondiale pour les espèces d’arbres plantées en ville. Cette étude s'inscrit dans le contexte actuel d’augmentation des températures et de diminution des précipitations annuelles liées au changement climatique
Jonathan Lenoir, chercheur au CNRS spécialisé dans l'écologie forestière, a participé à cette étude. "Avec nos collègues australiens, porteurs du projet, nous avons cherché à comprendre quel est l'impact actuel du climat sur les différentes espèces d'arbres et d'arbustes présentes dans les villes. Contrairement aux espèces en milieu naturel, elles ont été très peu étudiées. L'idée était de dresser un état des risques actuels et futurs".
En France, les villes de Montpellier, Bordeaux, Lyon, Grenoble et Paris ont été sélectionnées. "Pour chaque espèce, on a évalué la niche climatique, c'est-à-dire : quelles sont les gammes de température moyenne annuelle et de cumuls de précipitations annuelles que l'espèce recouvre dans sa répartition naturelle".
"Nous avons utilisé les aires de répartition des différentes espèces d'après les données de la base Global Biodiversity Information Facility", précise le chercheur qui a eu accès aux noms des différentes essences plantées dans 164 villes à travers 78 pays.
Les scientifiques ont étudié 3129 espèces d’arbres et arbustes. Ils ont calculé la marge de sécurité, une mesure de la tolérance climatique, de chaque espèce dans chaque ville en fonction des conditions climatiques actuelles et futures.
De la moitié au trois quarts des espèces menacées
Les résultats sont édifiants : à l’heure actuelle, entre 56 et 65 % des espèces sont d’ores et déjà en situation de risque. Ce chiffre pourrait monter entre 68 et 76 % d’ici 2050.
"Si on prend l'exemple d'une ville au climat méditerranéen comme Montpellier, 83% des espèces vont être à risque sur le plan des températures en 2050, 66% le seront par rapport au niveau des précipitations trop faible, indique Jonathan Lenoir. 55% sont évalués à risque sur les deux critères".
"Le frêne commun fera alors partie des essences les plus à risques. Mais il n'est pas le seul : l'érable plane est aussi concerné, les deux espèces de tilleuls : à petites et à grandes feuilles, le boulot verruqueux, le pin sylvestre ou encore le peuplier tremble".
En France, 71 % des espèces seront en situation de risque vis-à-vis de l’augmentation des températures en 2050. "Certaines espèces sont plantées dans des villes soumises d'ores et déjà à des conditions climatiques difficiles. Dans certaines, on parvient à les maintenir avec l'arrosage, poursuit Jonathan Lenoir. Le risque devrait s’aggraver dans le futur et entraîner des coûts d’entretien bien plus importants".
"Le but de notre étude n'est pas de remplacer toutes les espèces à risque mais d'essayer de les préserver grâce à une meilleure gestion des eaux de pluie de manière à ce que l'eau ne soit pas évacuée de la ville par les caniveaux comme c'est le cas actuellement, mais qu'elle soit stockée dans les sols par exemple".
L'arbre, "climatiseur naturel"
On risque de constater une augmentation de la mortalité dans les années à venir, explique encore le chercheur, car l'eau va finir par manquer dans certaines villes. L'idée est donc de réfléchir à quelles essences plus adaptées les municipalités peuvent planter à la place de ces espèces menacées.
La fonction de "climatiseur naturel" des arbres est efficace. Elle est de plus en plus cruciale en ville pour faire baisser les températures lors des vagues de chaleur. Cette étude publiée dans Nature Climate Change le 19 septembre 2022 devrait contribuer à éclairer les municipalités sur les choix d'espèces à faire à court terme, mais aussi sur les aménagements à prévoir.