Malgré les difficultés de recrutement dans l'éducation nationale, des enseignants diplômés n'ont pas d'affectation

En ces jours de rentrée scolaire, certains enseignants diplômés et disponibles n'ont pas reçu d'affectation. Victor Da Silva, habitant près de Montpellier (Hérault), est l'un d'entre eux. Il alerte sur la tendance de l'éducation nationale à préférer le recrutement de contractuels moins formés.

Le métier d'enseignant traverse une crise des vocations. Selon le SNUipp-FSU, le nombre de candidats au concours de recrutement des professeurs des écoles a baissé de 30% en vingt ans. Pour compenser cette pénurie d'enseignants diplômés et reçus au concours, l'éducation nationale fait appel à des contractuels. Problème : elle semble préférer ces contractuels à des enseignants qualifiés. C'est le cas dans l'académie de Montpellier.

Des enseignants disponibles sans affectation

Victor Da Silva, âgé de 26 ans et habitant de Saint-Mathieu-de-Tréviers (Hérault), veut devenir enseignant. Titulaire d'un master MEEF (métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation), Victor figure cette année sur la liste complémentaire du CRPE, le concours de recrutement des professeurs des écoles. En théorie, les enseignants présents sur cette liste peuvent être sollicités pour effectuer des remplacements et occuper des postes vacants, notamment lorsque les candidats de la liste principale se désistent.

Seulement, selon Victor Da Silva, l'Education Nationale semble préférer l'embauche de contractuels aux dépens des candidats de la liste complémentaire. Entendre le ministre de l'éducation nationale Jean-Michel Blanquer déplorer les problèmes de recrutement a profondément agacé le jeune homme. Sur un groupe Facebook, il partage sa colère avec des camarades vivant la même situation. Car pour eux, il s'agit bien d'un choix de la part de l'Education Nationale.

Les contractuels : le choix de la flexibilité et de la rentabilité ?

Les contractuels sont souvent moins diplômés et moins expérimentés que les candidats aux CRPE, qui, eux, sont nécessairement titulaires d’un bac+5 et ont déjà réalisé des stages devant des élèves. Alors pourquoi cette préférence envers les contractuels ? Pour Victor Da Silva, ce choix s'explique avant tout par des arguments financiers : 

Les contractuels peuvent avoir des classes à temps plein et être payés au SMIC mensuel. Un fonctionnaire stagiaire est payé 1450€ pour deux jours de présence en classe seulement, et deux jours passés à l’université. Le calcul est vite fait !

Victor Da Silva, candidat à un poste d'enseignant

Un comble pour Victor Da Silva : "On nous a proposé, à nous, enseignants diplômés, de travailler avec le statut de contractuel. Alors qu'on devrait pouvoir être embauchés comme fonctionnaires stagiaires, s'il y a des besoins ! Là encore, c'est toute l'organisation qui est à revoir."

Autre avantage : la flexibilité. “On peut prendre quelqu’un pour deux semaines seulement, puis ne plus en avoir besoin, puis le reprendre plus tard”, explique Victor Da Silva. Le mode de recrutement est très rapide : un entretien suffit dans la plupart des cas.

Ça ne dégoûte pas du métier, mais plutôt du système qu'il y a autour.

Victor Da Silva, candidat à un poste d'enseignant

Pour cette rentrée 2021, le rectorat de Montpellier a indiqué ne plus s'adresser aux candidats de la "Liste Complémentaire" à partir du 1er septembre. "A partir du 1er septembre, l'utilisation de la Liste Complémentaire ne peut se faire que si le Ministère autorise des recrutements complémentaires", explique le rectorat de Montpellier. "Les enseignants contractuels peuvent quant à eux être recrutés pour des besoins ponctuels. Ce mode de recrutement peut bénéficier à des personnels de la liste complémentaire", précise le rectorat.

Une tendance de fond

A l'échelle nationale, les enseignants contractuels étaient 43 000 pour l'année scolaire 2010-2011, contre 63 000 pour l'année scolaire 2019-2020. Un enseignant sur dix en collège et lycée est aujourd'hui un contractuel.  "Le phénomène est désormais structurel", constatait déjà la Cour des comptes dans un rapport publié en 2018.

La présence de personnels contractuels est devenue indispensable au bon fonctionnement du système éducatif.

Rapport de la Cour des comptes (mars 2018)

Le même rapport pointe la question de la qualification. "La formation de ces personnels est incontestablement un point défaillant (...) Un grand nombre de contractuels prennent leurs fonctions sans préparation". Le rapport alerte également sur le risque de "tensions entre ces agents de statuts divers".

Le recours croissant au personnel contractuel a été inscrit comme une orientation gouvernementale explicite. L'article 15 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique prévoit notamment "le recrutement d'agents contractuels pour pourvoir des emplois permanents", sans que cela "n'entraîne leur titularisation". L'objectif : "donner de nouvelles marges de manœuvre aux encadrants dans le recrutement de leurs collaborateurs".

En effet, à chaque rentrée, les chefs d'établissement et les rectorats peinent à trouver des enseignants. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, s'est engagé à "rendre le métier plus attractif" lors du Grenelle de l'éducation, achevé en mai 2021. La semaine dernière, le ministre a annoncé l'instauration d'une prime entre 29 et 57 euros par mois pour les enseignants, selon leur ancienneté.

Mais le nombre de démissions continue d'augmenter et le métier est toujours en mal de reconnaissance. De son côté, Victor reste motivé pour devenir professeur des écoles. "Ça reste un des plus beaux métiers du monde, et j'ai la chance de pouvoir retenter le concours. Mais je connais beaucoup de candidats dans la même situation qui vont abandonner... alors qu'on se plaint de la pénurie d'enseignants !"

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