Karim Mokhtari, ancien détenu, lutte contre la radicalisation en prison. Il livre son sentiment sur l'évolution de l'islamisme radical en prison: "C'est l'endoctrinement radical, religieux, violent même s'il a diminué depuis les attentats de Paris en 2015."
De douze à dix-sept ans, Karim Mokhtari a connu trois foyers d’éducation spécialisés, puis, de dix-huit à vingt cinq ans, plus de quinze établissements pénitentiaires. Condamné à dix ans de réclusion criminelle, il en purgera finalement un peu plus de six. Il est libéré en 2002.
Depuis 2012, il est engagé dans le changement qu’il espère pour le monde carcéral. Karim Mokhtari devient vice-président de l’association www.carceropolis.fr et depuis 2014 directeur de l'association www.100Murs.org et formateur des professionnels éducatifs et judiciaires accompagnants des jeunes mineurs placés sous main de justice.
L'agression de trois gardiens à Vendin-le-Viel (Pas-de-Calais) par un détenu islamiste jeudi a déclenché un mouvement national de blocage de prisons et de grogne des surveillants, ravivé par deux nouvelles agressions à Mont-de-Marsan (Landes) et Tarascon (Bouches-du-Rhône) lundi et mardi. L'occasion de demander à Karim Mokhtari son sentiment sur l'évolution de l'islamisme radical en prison.
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Errance, vulnérabilité
"L'approche n'a pas changé dès lors que vous êtes en errance, vous êtes vulnérable. C'est l'occasion de vous accrocher en donnant de la matière à votre colère et en vous faisant appartenir à un groupe. C'est partout en prison où l'occupation est reine. L'enjeu est d'occuper les individus, les responsabiliser, leur montrer que les personnels qui les entourent ne sont pas des ennemis."
Stratégie de séduction
"Si la personne est seule, elle ne sera plus seule. Si elle ne comprend pas pourquoi elle a un sentiment d'injustice concernant sa vie ou sa peine, ils vont lui mettre des mots en lui indiquant qu'effectivement la justice ne t'aime pas. Ils vont fortifier des idées noires. C'est l'endoctrinement radical, religieux, violent. On va mettre des mots sur la souffrance et on va ouvrir un champ des possibles par la violence en mettant davantage en colère l'individu et ensuite en lui désignant des cibles pour exprimer sa colère.
L'administration pénitentiaire, depuis les attentats de 2015 laisse moins d'espace au prosélytisme en prison. Aujourd'hui, les choses doivent se faire mais en catimini. Plus on occupera les individus, moins on les mettra en situation de s'exprimer, moins, on laissera d'espace à ces individus de venir s'engouffrer."
Faut-il créer des établissements spécifiques pour les islamistes les plus radicaux ?
"Tous ces individus ne sont pas au même niveau de dangerosité. On va sécuriser le reste de la population mais on va donner zéro chance pour celui qui serait le moins radicalisé et on va donner les pleins pouvoirs à celui qui a un leadership dans le groupe.
On ne sera jamais certains qu'ils ne seront plus jamais dangereux mais il est certain que si on ne fait que les enfermer, les isoler, on ne changera rien dans la tête de ces individus. Alors, on peut se faire du soucis à leur sortie. Il faut donner du sens à leur peine.
Il n'y a pas de déradicalisation. On ne vient pas donner une autre façon de penser aux gens mais un contre projet de vie. Leur dire qu'on est capable de les accueillir malgré ce qu'ils ont pu faire de plus monstrueux. Que les valeurs de notre République prennent le pari de continuer ensemble mais autrement."