Mirabeau, comme au premier jour. Sélectionné par la mission du Patrimoine parmi les 100 sites en péril, la ville de Fabrègues (Hérault) et les acteurs de ce lieu hors du temps ne cachent pas leur joie de le voir retrouver sa vivacité d'antan.
Il était grand temps de lui redonner un peu de vigueur. Perdu dans la pinède du pied de la Gardiole, au bout d'un petit sentier escarpé, le Mas de Mirabeau, dans l'Hérault, se distingue à peine dans le paysage tant ses pierres se confondent avec la couleur de la terre. Pourtant il est imposant cet ancien mas agricole. Et l'histoire que renferme ses murs anciens l'est tout autant. "On a même retrouvé le journal intime d'un agriculteur d'ici ! Il date de 1917", glisse Thomas Richaud, qui connaît les lieux comme sa poche. Assistant social, il travaille sur place depuis deux ans, et ne cache pas son enthousiasme. "Tout ça redonne du sens à ce lieu. Il est chargé d'histoire", affirme-t-il.
Deux-cent ans d'histoire au total. Un puits de souvenirs des pratiques agricoles d'antan. Pour la fondation du patrimoine, il est "le témoin d'une mutation agricole". "Historiquement, il y avait 350 bêtes qui pâturaient sur le domaine. C'était de la polyculture élevage", explique Thomas Richaud. En d'autres termes, il s'agit d'une exploitation mêlant cultures agricoles et élevages. Et puis, les guerres sont passées par là. La mécanisation dans le même temps, et le mas de Mirabeau s'est spécialisé dans la viticulture. L'exploitation s'effrite peu à peu, les bâtiments avec.
Un mas en ruine
Aujourd'hui, les bâtiments ne payent pas de mine. Des gravats qui s'accumulent, des fissures béantes, des murs qui font peine à voir. "Au deuxième étage, il y a plus de 30 chauves-souris qui sont installées", annonce Thomas Richaud, tout sourire. Sous l'arche qui relie les deux parties du mas, un Algeco. "C'est notre laboratoire", explique Alison Lino, la bergère. Résidente des lieux, elle élève une centaine de chèvres et de brebis. "L'hiver dernier, nous avons eu une remontée d'eau dans leur abri. Elles avaient les pattes dans vingt centimètres d'eau", détaille-t-elle, encore un peu dépitée.
Le soutien de la Fondation du Patrimoine est d'autant plus symbolique que le domaine de Mirabeau part de loin. Il y a quelques années, les habitants de Fabrègues et des villes alentours se mobilisent contre un projet d'enfouissement de déchets sur place. Sept ans de bataille et finalement une victoire, le Mas de Mirabeau restera là où il est.
"La population de Fabrègues s'est battue contre cette catastrophe écologique. Pour nous quelque part, ce soutien est un espoir supplémentaire."
Jacques MartinierMaire de Fabrègues
Retrouver son identité
Nécessaire, la rénovation des lieux semble finalement très attendue. En acquérant les lieux, la commune de Fabrègues y voit un potentiel unique. Heureux du soutien de la fondation du patrimoine, Jacques Martinier, maire de Fabrègues, détaille un projet d'envergure. "On va créer un agro-éco pôle", lance-t-il, fier de le voir prendre vie.
Ranimer les lieux, et les tourner vers l'avenir. C'est toute l'ambition des acteurs qui voient dans le Mas de Mirabeau un potentiel unique. Après la rénovation de deux des bâtiments du mas, la bergerie et le bâtiment administratif, soutenus par la fondation du patrimoine, Mirabeau poursuivra sa transformation. Objectif : créer un lieu de partage, de formation et de vie. "Dans quelques années, nous nous tiendrons ici, dans un lieu restauré, plus vivant, où la polyculture va exister de nouveau", détaille Céline Le Bars, directrice générale des services de la ville.
"On va revenir à des pratiques agricoles plus anciennes."
Thomas RichaudAssistant social et maraîcher au Mas de Mirabeau
Les mains posées sur les plans architecturaux des lieux, cette dernière énumère les nouvelles installations qui verront le jour. Boutique paysanne, cour agricole, tiers-lieu, une cour publique pour organiser des évènements festifs, un espace de formation. Le soutien par la fondation du patrimoine doit aussi leur permettre une visibilité nouvelle. "Ca va permettre d'amener des populations ici, et de leur faire découvrir ce qu'il se passe ici. On pourra le reproduire, et l'essaimer un peu partout en France", confie Jacques Martinier.
En attendant le début des travaux prévus à l'automne, les touristes pourront venir voir ce lieu hors du temps, lors des journées du patrimoine les 17 et 18 septembre, avant que Mirabeau ne se refasse une beauté.