Témoignage. De Kharkiv à Montpellier, la vie en suspens de Tamila, victime de la guerre en Ukraine

Publié le Écrit par Armelle Goyon

Il y a un an débutait la guerre en Ukraine qui a mené plusieurs centaines de réfugiés dans l'Hérault. Certains attendent de retrouver leur pays. Tamila Maksymova, elle, s'interroge. Cette Ukrainienne refait sa vie, au moins provisoirement, à Saint-Georges d'Orques près de Montpellier dans l'Hérault.

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Elle est stressée, à fleur de peau. Et comment ne pas le comprendre ? Tamila est ukrainienne et vit depuis près d’un an à Saint-Georges d’Orques. L'an dernier, elle a quitté brutalement Kharkiv, la deuxième plus grande ville d'Ukraine, avec sa famille dès l’annonce du conflit, laissant tout derrière elle.

 

Je ne voulais pas partir mais mon mari m’a dit que c’était mieux pour l’avenir des enfants.

Tamila Maksymova

Du 24 février 2022, jour du lancement de l'opération militaire russe en Ukraine, Tamila se souvient très bien. Elle et ses filles ont eu 30 minutes pour faire leurs valises et partir chez sa mère à 200km de Kharkiv, dans une région où les bombes ne tombaient pas.

"On s’est réveillé à 6h du matin et on a entendu les bombes qui sont tombées. Nous avons vu les feux par les fenêtres. Nous avons fait rapidement nos valises et nous sommes parties. C'était très compliqué de décider de partir, de quitter notre pays parce que je ne voulais pas partir toute seule avec mes deux enfants, quitter mes parents, mon mari, mes amis, mon appartement. Pour l'acheter, on a passé dix ans à travailler. C'était un choix très difficile pour nous. Je ne voulais pas partir mais mon mari m’a dit que c’était mieux pour l’avenir des enfants. Il m’a dit 'tu dois penser aux enfants d’abord, à leur futur', " confie la mère de famille ukrainienne.

"Les gens nous ont aidés partout"

Tamila et sa famille ont traversé l’Europe en huit jours. Le mari de Tamila, resté en Ukraine, envoyait le trajet à sa fille pour les guider tout en leur donnant des adresses pour qu’elles puissent se reposer en sécurité. 

"Le voyage était très difficile parce que je conduis que depuis sept ans et seulement sur des distances courtes de chez moi à chez ma mère, c'est 200 km pas plus et les distances qu'on a traversées, c'est plus que 2 000 km et c'est vrai que c'était très très dur pour moi. Ma fille m'a aidée en me disant quelle route prendre, où il faut tourner. Il y a aussi beaucoup de gens qui nous ont aidés pendant le voyage. Certains nous ont dit qu'on pouvait passer la nuit gratuitement dans des hôtels, d'autres qui nous ont fait payer la moitié du prix, quelques-uns nous ont donné le déjeuner, le dîner, ou le petit-déjeuner gratuitement. Les gens nous ont aidés partout, c'était très important pour nous," se souvient Tamila.

Certains nous ont dit qu'on pouvait passer la nuit gratuitement dans des hôtels, d'autres qui nous ont fait payer la moitié du prix, quelques-uns nous ont donné le déjeuner, le dîner, ou le petit-déjeuner gratuitement.

Tamila Maksymova

"Ici on peut vivre normalement"

Quand les deux femmes sont arrivées en Italie, elles ont contacté sur Facebook des familles d’accueil. Sur quatre familles, seule celle de Claire Martin qui habite à Saint-Georges d’Orques leur a répondu. Dans un parc de la commune un an plus tard, accompagnée de sa fille bilingue en français, le temps a fait son œuvre sur la peur pourtant les marques sont toujours présentes .Aujourd’hui, elles sont en sécurité mais beaucoup de leurs proches sont restés.

"Bien sûr que nos amis nous manquent, ma famille, tout ceux qui sont restés en Ukraine. On parle chaque jour avec mes parents pour avoir des nouvelles, pour demander comment ils vont, comment ça se passe. Le père de mon mari et mes parents habitent tous ensemble chez ma mère dans un petit village qui est plus en sécurité que Kharkiv, et quand il n’y a pas d’électricité, quand il n’y a pas de chauffage, ma mère a une grande cheminée et ils se réchauffent avec le bois parce qu’en Ukraine il fait plus froid qu’ici et c’est très important d’être au chaud avec de l’eau, avec de l’électricité et tout ce qu’il faut", témoigne l'Ukrainienne âgée de 39 ans. 

"C'était une bonne chose de partir d'Ukraine car ici on peut vivre normalement, c'est très bien", rajoute  en français Diana, sa fille adolescente. 

"Comme une deuxième petite famille"

Elles ont été accueillies pendant neuf mois par Claire et sa famille. Si aujourd’hui Tamila a son "chez-elle", elles prennent toujours plaisir à se retrouver. 

"On se voit encore régulièrement. Chacun a sa vie maintenant mais on se voit au moins deux fois par mois et on est toujours très contentes de se retrouver. Cela fait un peu comme une deuxième petite famille", confie Claire Martin qui a été la famille d'accueil de Tamila.

C’est grâce à son nouveau travail qu’elle a pu déménager. Depuis septembre, elle enfile le tablier dans cette boulangerie. Son profil professionnel et personnel a été une évidence pour les gérants.

"Humainement, elle nous apporte beaucoup. Elle nous a amené son histoire à elle, qui nous a beaucoup émue. C'est une belle personne, elle est dynamique, elle est joyeuse, c 'est très bien", assure Nathalie Gamet, gérante de la  boulangerie où Tamila travaille.

"Bien sûr que notre pays nous manque"

Un travail bien loin des qualifications de Tamila. Elle qui était puéricultrice en Ukraine compte bien passer une formation en France pour le redevenir.

"Je veux encore travailler ici pendant deux ans pour pratiquer le français et ensuite passer une formation en France pour travailler à nouveau en crèche avec les bébés", espère-t-elle. 

Une question reste en suspens : retourneront-elles un jour dans leur pays ?

"Bien sûr que notre pays et nos amis nous manquent très très fort. On veut bien revenir en Ukraine parce que c'est notre maison, c'est très important pour nous mais maintenant, durant la guerre on ne peut pas, ça ne serait pas logique. Beaucoup de bombes sont tombées dans notre ville, Kharkiv. Si on revient, il faudra retrouver un nouveau travail, après la guerre, et ça sera très compliqué", se désole Tamila qui attend la fin de la guerre pour prendre une décision. 

Ecrit avec Elise Regaud.

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