La fin de l'état d'urgence et de la trêve hivernale repoussée en raison de la crise sanitaire inquiètent les associations qui craignent que des centaines de personnes et des familles ne soient expulsées sans relogement. Les associations tirent la sonnette d'alarme.
L'été est là et les cigales chantent. Mais attention les apparences sont trompeuses. Depuis ce vendredi 10 juillet, les expulsions locatives sont de nouveau autorisées. Pour de nombreuses personnes en situation précaire, ou pour celles en recherche de logements sociaux, cela signifie que les bailleurs sociaux et les propriétaires ont la possibilité d'expulser les locataires qui ne seraient pas à jour de leur loyer ou qui tout simplement n'auraient pas accompli les démarches nécessaires pour rester dans le logement ou en trouver un autre.
Pas d'expulsion sans relogement
Les associations qui suivent de près ces questions font valoir la dernière circulaire du ministre de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, parti depuis à l'agriculture qui demandait dans sa dernière circulaire aux préfets et aux préfètes une large mobilisation des réservataires afin que leurs obligations légales de relogement de publics prioritaires soient respectées. `La circulaire confirmait que la trêve hivernale des expulsions locatives et les places d’hébergement créées durant le plan hiver puis pendant la crise sanitaire étaient maintenues jusqu’au 10 juillet.
Mais voilà, cette circulaire arrive à expiration. Si cette confirmation a eu le mérite, selon la fédération des acteurs de la solidarité "de clarifier la situation qui semblait confuse dans certains territoires menacés par des fermetures de places et des remises à la rue" le sort de ces locataires fragiles n'est pas réglé.
Cette même fédération souhaiterait que ces mesures exceptionnelles puissent se poursuivre jusqu’au 1er novembre afin de faire une jonction avec la trêve hivernale suivante et le plan hiver qui en découle.
La crise sanitaire comme accélérateur de précarité
A Montpellier, l'association du DAL (Droit au Logement) attire l'attention sur le fait que cette circulaire même si elle existe, ne protège pas les locataires en situation délicate pour des raisons d'impayés ou de santé. Et comme ces personnes en grande précarité ont eu du mal à contacter les travailleurs sociaux pendant cette période de confinement, les cas d'expulsion vont probablement augmenter.C'est le département qui a créé le Fond de Solidarité au Logement. Une manne désormais sous la coupe de la Métropole de Montpellier. Cette aide d'urgence se décompose en deux temps. Il y a le FSL d'entrée dans les lieux qui remplace le garant ou la caution que ces personnes n'ont malheureusement pas et il y a le FSL de maintien dans les lieux. Mais pour prétendre pouvoir bénéficier du maintien il faut que le locataire soit à jour de ces cotisations.Il faut absolument que les personnes en difficulté prennent contact avec des associations et des travailleurs sociaux pour faire jouer le fond de solidarité logement (FSL). Mais attention, pour cela il faut absolument monter un dossier dossier DALO. C'est le bailleur qui va proposer un logement une fois que la personne est reconnue DALO (Droit Au Logement Opposable). Mais beaucoup de personnes sont terrorisées à l'idée d'entamer des démarches administratives et prennent du retard
Je connais une personne qui paye un crédit de 20 euros par mois. Ce n'est rien, mais avec la Covid elle s'est retrouvée sans emploi et ne peut même pas manger. Comme elle doit toujours rembourser le FSL d'entrée dans les lieux elle n'est pas sûre de rester
Un manque toujours aussi criant de logements sociaux
Sébastien Allary responsable du DAL Montpellier le sait bien. Cela fait deux ans qu'il attend."On a pas la même notion de l'urgence. La routine s'installe, les gens ne sont que des dossiers". Brahim a longtemps été le représentant des locataires de la résidence du Lac sur les Hauts de Massane. Un impayé qui date de 2013, mais réglé depuis, une altercation avec un concierge, le voilà avec ses 4 enfants et son épouse en passe d'être expulsé de son appartement, alors qu'il y vit depuis 29 ans.La demande de logement social a explosé dans le département de l'Hérault. Elle était de 14.000 il y a peu. On a aujourd'hui 40 000 personnes qui attendent
Sophie Mazas, insiste sur l'importance de constituer des dossiers de demande de logement, même si les propositions de relogement ne sont pas toujours évidente. A cause du manque de logements sociaux, les propositions de relogement sont souvent éloignés de la métropole.J'ai 4 enfants de 14 à 3 ans tous scolarisés dans le quartier. J'ai fait toutes les démarches pour obtenir un logement auprès de l'ACM, mais ce n'est pas passé. J'étais en train de monter mon entreprise de mécanique à domicile mais avec la crise c'est compliqué. J'ai grandi dans ce quartier avec mes parents et maintenant je vais me retrouver dehors. J'ai du mal à dormir.
Une population indésirable que l'on installe sur des territoires fragiles comme Saint-Pons-de-Thomières dans les Hauts-Cantons de l'Hérault, parce que le conseil départemental y a fait construire plus de logements sociaux qu'ailleurs.Beaucoup de gens refusent des logements mais il faut se demander pourquoi? Quand tu es pauvre, sans emploi, on t'envoie à 1H30 de Montpellier. Où est la volonté de mixité sociale?
C'est bien de monter des dossiers DALO. Mais les indemnités que vous percevez vont alimenter une caisse pour créer des logements sociaux. Ca ne vous reloge pas! Mais c'est tout de même important de faire ces dossiers. Comme ça les personnes vont devant le juge des exécutions, et montrent qu'il y a une réelle carence de l'Etat alors qu'il n'annonce pas "d'expulsion sans relogement"!
4 à 5.000 personnes seraient expulsables dans la métropole
Selon la Fondation Abbé Pierre, ce serait près de 4 à 5 000 personnes qui seraient concernées par des expulsions sur la métropole de Montpellier qui compte 450 000 habitants. Un chiffre qui n'étonne pas l'avocate Sophie Mazas, si l'on prend en compte les logements occupés sans autorisation, les squatts, autour de Montpellier et à Séte. Pour elle, la crise économique qui se profile renforce même ce chiffre.Beaucoup de gens n'ont pas touché de salaire pendant toute cette période. Les précaires, les petits artisans, les petits commerçants, autant de monde qui sont sous la menace d'une expulsion
Ce matin, de très nombreuses associations de travailleurs sociaux présentes sur le terrain et des syndicats doivent rencontrer le préfet de l'Hérault, la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS 34) pour leur faire part de leurs inquiétudes. Ensemble, ils vont se pencher sur cette épineuse question des expulsions et du relogement. Concrètement, qu'est ce qu'on fait maintenant alors que l'état d'urgence est terminé, demandent les associations en charge de ces questions ?
Le relogement, un travail long et minutieux
Au plus fort de la crise sanitaire, les services de l'état ont ouvert 320 places d'hébergement et 300 nuitées hôtelières supplémentaires. Seuls 145 places ont fermé annonce t'on du côté de la préfecture. Une proposition d'hébergement d'urgence ou d'Hôtel a été faite systématiquement, mas tous n'ont pas accepté. Ce sont 80 000 euros qui sont engagés par jour pour loger les personnes en difficulté.
Si la préfecture conseille également de reprendre rapidement contact avec son bailleur et/ou des travailleurs sociaux pour étudier une solution d'hébergement ou de relogement elle évoque un travail long et minutieux de la part des services de l'Etat des des membres qui la composent, avec des études au cas par cas fait par la CAPEX (commission des actions de prévention des expulsions locatives)
Lorsque intervient une expulsion, cela fait suite à une décision de justice précise le service de presse de la préfecture.
En matière d'expulsions locatives il s'agit de situations pour lesquelles, malgré les actions de prévention qui ont été réalisées, aucune solution de relogement ou de maintien dans les lieux n'a pu être trouvée, notamment quand les ménages ne coopèrent pas avec les travailleurs sociaux qui les accompagnent.
Création d'une commission Technique
Ces associations qui ont demandé ce rendez-vous en préfecture, demandaient un moratoire sur les expulsions concernant les squatts ainsi que sur les expulsions locatives.Une mise à exécution des décisions de justice, en mettant les personnes vulnérables à la rue, participerait à l'aggravation du risque sanitaire avance le collectif qui ajoute que les enfants hébergés en squatt, ont particulièrement pâtis de cette situation de crise (au regard du droit à l'instruction et de l'intérêt supérieur de l'enfant) tout comme les personnes vulnérables que sont les séniors, les femmes enceintes et les réfugiés politiques et demandeurs d'asile.
Finalement à l'issu de cette réunion avec les services de l'état, la création d'une commission technique (associations de locataires et Etat) a été validée afin de veiller à la bonne application de la circulaire Denormandie et de l'accompagnement des personnes en difficulté.
Objectif de la circulaire du 3 juin 2020 au niveau national
- 17 000 attributions de logements sociaux en faveur des personnes hébergées dont 3 000 d’ici le 31 juillet- 8 850 places d’intermédiation locative à créer dont la moitié en mandat de gestion et 2 000 places en pension de famille
- 40 832 PLAI* agréés dont 2 728 PLAIadaptés
*(Le logement PLAI permet aux personnes rencontrant des difficultés économiques et sociales de se loger. Il est financé par le prêt locatif aidé d'intégration)