Patrick Ginies, directeur du département douleur à l'hôpital de Montpellier, a tenu à faire une mise au point sur l'intérêt de l'usage de la morphine dans la prise en charge de la douleur, avec des prescriptions très encadrées. La France est très loin de la situation catastrophique des USA.
Après la polémique récemment déclenchée par le magazine Envoyé Spécial (France 2) diffusé le 21 février, sur les dangers mortels des anti-douleurs à base de morphine, le docteur Patrick Ginies, spécialiste du traitement de la douleur au CHU de Montpellier veut rassurer les patients français sur l'usage qui en est fait dans notre pays.
Aux Etats Unis, 48 000 décès ont été causés par un usage excessif de ce médicament en 2017, soit 130 personnes par jour..
Face à ce constat accablant, le docteur Patrick Ginies, patron du département douleur à l'hopital de Montpellier a écrit une mise au point.
Un texte dans lequel il explique qu'en France, avec 200 décès imputables à une overdose de dérivés morphiniques par an, on est très loin de la situation des USA. Mais certains indicateurs suscitent un peu d'inquiétude.
Douze millions de Français se sont vu prescrire des antalgiques opioïdes en 2017, selon un rapport de l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
L'ANSM s'inquiète de l'augmentation des problèmes liés à la mauvaise utilisation des médicaments antidouleur opioïdes en France ces dernières années.
Deux molécules se détachent : le tramadol (5,8 millions de personnes ont eu une délivrance en 2017) est le plus consommé. Il appartient aux opioïdes dits « faibles ». Il a remplacé le Di-Antalvic après sa suppression en 2011.
Parmi les opioïdes dits " forts ", la molécule la plus prescrite est l'oxycodone.
Selon l'observatoire français des médicaments antalgiques, en 2017, un million de Français ont reçu une prescription sécurisée (c'est-à-dire infalsifiable) d'un antalgique fort (morphine, oxycodone, fentanyl), soit deux fois plus qu'en 2005.
Ces molécules ont toutes le même mécanisme d'action sur les récepteurs du cerveau et donc les mêmes mécanismes d'addiction.
Le chiffre de 4 morts d'overdoses en France par semaine ou 200 morts par an reste approximatif, en raison de la difficulté de collecte des données.
Dans le département de prise en charge de la douleur du CHU de Montpellier, 2 patients sur 6 ont subi des sevrages de morphine. Des cures certes rapides mais il faut rester vigilant pour éviter les dérives à l'américaine, selon le docteur Ginies.
Le petit danger, c'est de donner des médicaments morphiniques trop longtemps, à des patients qui ont des maladies chroniques non cancéreuses.
Michèle Cornier fait partie de ces patients qui ont connu un début d'addiction à la morphine.
Suite à une dizième opération du dos, la douleur est revenue. Et aucune solution n'a été trouvée pour la soulager.
Alors pendant 10 ans, on va lui prescrire de la morphine.
On a commencé par de petites doses, on a augmenté petit à petit et on est arrivé à 180 mg de morphine par jour. J'étais dépendante de ces médicaments. Je me suis dis que je voulais assumer ma douleur.
Aujourd'hui, Michèle dit être parvenue à dominer sa douleur sans médicaments.
En France, 17% de la population souffre de douleurs chroniques.