Samedi noir dans les principaux ports de Méditerranée : les pêcheurs français se mobilisent pour contester le plan de gestion concocté par l'Union Européenne. La réduction du nombre de jours en mer des chalutiers met la profession sous pression.
Contrairement à leur habitude, les chalutiers de Méditerranée ne partiront pas en mer aux aurores ce samedi 11 décembre. Les quatre principaux ports du littoral seront bloqués par les pêcheurs eux-mêmes. A l'origine de leur colère, le plan de gestion envisagé par l'Union Européenne, qui devrait être voté dimanche lors du Conseil des Ministres à Bruxelles. Le principal point d'achoppement : une nouvelle réduction de l'effort de pêche, qui pourrait mettre en péril la viabilité des entreprises.
Moins de jours en mer
Si ce plan de gestion est adopté, les règles vont changer. L'effort de pêche va connaître une baisse de 7,5% en 2022, ce qui signifie que les chalutiers ne pourront sortir en mer que 167 jours par an, contre 183 en 2021.
Pour les professionnels, ce chiffre est en-deçà du seuil de rentabilité d’un tel bateau, estimé aujourd’hui à 209 jours par an par les pêcheurs. Ce seuil a augmenté en suivant la forte hausse du prix du gasoil.
Atteindre ledit quota est synonyme d'immobilisation des navires. Les pêcheurs sont alors en chômage partiel prolongé. Cette situation se répercute sur la profession au-delà des 57 chalutiers français que compte le littoral. "Les criées vont en pâtir également, car elles dépendent largement de la pêche des chalutiers", souligne Bertrand Wendling, directeur général de la coopérative SaThoAn (sardine, thon, anchois) à Sète. "Même chose avec les coopératives, les frigoristes, les motoristes... Ça risque de déstabiliser toute la filière !"
Des restrictions pour la préservation des ressources
Ces mesures ne sont pas nouvelles. Elles font suite à une tendance engagée depuis plusieurs années par l'Union Européenne, avec le plan "West Med", entré en vigueur en 2019. L'objectif : protéger deux espèces en particulier, le merlu et le rouget. Afin d'atteindre le "rendement maximum durable" (RMD), les zones interdites à la pêche pourraient être étendues. Dans le golfe du Lion, 6000 km² sont déjà fermés six à huit mois de l'année, pour permettre le renouvellement des stocks.
Sur ce point, la profession considère avoir fait suffisamment de compromis. L'effort de pêche a déjà été réduit de 10% en 2020, puis de 7,5% en 2021, abaissant le nombre de jours en mer autorisés par navire et par an à 201, puis à 183 jours. Les pêcheurs demandent aujourd'hui un statu quo.
Nous avons déjà réduit de 55% les captures juvéniles de ces espèces, il faut maintenant refaire des études, mais ne pas abattre comme ça toute une filière par principe !
Bertrand Wendling, SaThoAn
"Un suivi est fait sur le merlan et le rouget, mais nous débarquons entre 50 et 80 autres espèces. On ne peut pas arrêter toute une pêcherie pour ces deux espèces étudiées", abonde Bernard Pérez, président du comité régional des pêches d'Occitanie.
Le début d'une longue mobilisation ?
A Port-la-Nouvelle, au Grau-du-Roi, à Agde et à Sète, les pêcheurs promettent un blocage total. "L’ensemble des 57 chalutiers sera mobilisé, et d'autres collègues pourraient nous soutenir", avance Bernard Pérez.
C'est un cri d'alerte de la part de toute la profession. Si les décideurs ne semblent pas l'entendre, ce sera le début d'une grosse mobilisation.
Bernard Pérez, président du Comité Régional des Pêches d'Occitanie.
S’ils ne s’estiment pas entendus, les pêcheurs vont poursuivre leurs actions tout au long du mois de décembre. Cela pourrait perturber les distributeurs, et éventuellement affecter le panier des consommateurs pour les fêtes de fin d’année.
Si cela ne suffit pas, les chalutiers comptent mener un blocus illimité à partir du mois de janvier. Des mobilisations sont également prévues en Espagne et en Italie.