28 avril 1957, Madrid. Une corrida d'Escudero Calvo. Pablo Lozano confirme l'alternative de Juan Antonio Romero. Temoin : Antonio del Olivar. Le cinquième toro vient d'entrer en piste. Un espontáneo saute en piste : c'est Manuel Benítez qui fait irruption dans l'histoire de la tauromachie.
Quant aux toros d'Escudero Calvo, ils sont devenus très célèbres quand ils prirent, quelques années plus tard, le nom de leur nouveau propriétaire. Un certain Victorino Martín.
Mais depuis 59 ans, cette image d'un jeune homme dépenaillé cheminant entre deux gendarmes dans le callejón des arènes de Madrid symbolise l'insolence et la beauté de la jeunesse éternellement opposées à l'ordre établi.
Le mot même d'espontáneo a débordé du seul lexique taurin. Ne s'appelaient-ils pas mao-spontex, ces jeunes gens qui, dix ans après le geste fondateur de Manuel Benítez, eurent l'audace de vouloir inventer un nouveau chemin révolutionnaire, entre marxisme et anarchisme? On a du mal à le croire aujourd"hui, mais ces très sérieux et très déterminés intellectuels parisiens voulurent voir en Mao Tsé Toung (c'est le nom qu'on donnait à l'époque à Mao Zedong) une figure libertaire! On était peu après mai 68…
Manuel Benítez, devenu "El Cordobés", a vieilli lui aussi. Il aura 80 ans la semaine prochaine. Les journaux ne parlent de lui désormais que pour raconter les circonstances de son divorce, la façon dont Manuel Díaz a engagé un détecive privé afin de prouver qu'il est véritablement son fils, où les circonstances dans lesquelles son autre fils supposé, l'acteur américain Mark Everett, a été tué par la police alors qu'il tenait son propre fils en otage.
Mais la photographie prise le 28 avril 1957 à Las Ventas, elle, ne vieillira jamais.