Il y a 52 ans et un jour que Juan Belmonte s'est fait sauter la cervelle. Il allait avoir 70 ans et ne se faisait pas à l'idée que la très belle Amina Assis, une torera à cheval, ne succombe pas à son charme . Après tout, elle n'avait que 50 ans de moins que lui. Non mais.
Le 8 avril 1962, six jours avant son soixante-dixième anniversaire, le matador Juan Belmonte s'est donné la mort dans sa propriété d'Utrera, près de Séville.
Il avait cessé de toréer en public depuis 1936 et les images cinématographiques qui ont été conservées de ses faenas sont rares et donnent une idée imprécise de sa façon de toréer. Peu nombreux sont les terriens actuellement en vie à l'avoir vu dans une arène. Et encore moins nombreux ceux qui s'en souviennent et sont capables de le raconter. Tout ça n'empêche absolument pas les toreros, les critiques spécialisés et les aficionados plus ou moins avertis de parler de son style. On décrit couramment un molinete comme belmontista , on trouve volontiers que tel ou tel torero donne les demi-véroniques comme Juan Belmonte en personne. On parle de la révolución belmontista comme si on l'avait vécue soi-même.
C'est que ce torero a de toute évidence marqué durablement l'histoire de son art. La tauromachie, domaine de la transmission d'une génération à l'autre, n'a jamais cessé de lui rendre hommage.
Mais il y a une autre raison : la littérature. Juan Belmonte fréquentait les intellectuels de son temps. Pas pour la frime. Ou pas seulement : il adorait les livres. Et c'est un magnifique journaliste écrivain, Manuel Chaves Nogales, qui a rédigé sa biographie. Juan Belmonte matador de toros, reste à ce jour le meilleur livre jamais écrit sur un torero. Le mieux informé, le plus drôle, le plus poignant.
Ce texte a été publié en français par les édtions Verdier dans une traduction d'Antoine Martin.
Voici un tout petit bout du début du livre. Il est question de la rue Feria où est né Belmonte. Au moment où la feria de Séville s'apprête à illuminer son gigantesque portail enguirlandé, il est spécialement savoureux de relire ce passage.
Les Sévillans, vaniteux, savent l’importance d’être né dans la Grand-rue de la Feria. C’est aussi décisif que d’avoir vu le jour dans l’Attique ou au milieu des Barbares. Les Sévillans ne veulent pas admettre qu’il y a quinze ou vingt rues – pas plus – de par le monde, où l’on peut naître aussi bien que dans la Grand-rue de la Feria. On les trouve à Paris autour des Halles, dans quatre ou cinq villes d’Italie, surtout à Naples, et encore à Moscou, du côté du marché de Smolensk. Quinze ou vingt rues de par le vaste monde, ça, les Sévillans ne veulent pas le croire.