Le gendarme français de l'énergie met en garde contre les risques financiers liés au développement de nouvelles interconnexions électriques ou gazières, qui permettraient d'accroître les échanges entre la France et ses voisins. Dans le collimateur, le gazoduc Midcat entre France et Espagne.
Les interconnexions, qui jouent un rôle central dans la construction d'un marché européen de l'énergie, permettent de renforcer la sécurité d'approvisionnement du pays en diversifiant les sources d'approvisionnement et de diminuer les coûts
en achetant de l'énergie au meilleur prix.
Globalement, la France est "bien interconnectée" avec ses voisins et l'utilisation des interconnexions a été "significativement améliorée" ces dix dernières années, a estimé la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans son rapport sur les interconnexions électriques et gazières frannçaises.
La France, principal exportateur d'électrons en Europe, affichait fin 2015 une capacité électrique commerciale moyenne de 13,5 gigawatts (GW) à l'exportation et de 9,8 GW à l'importation. Pour le gaz, les capacités de sortie ont plus que doublé (à 658 gigawattheures par jour) et les capacités d'entrée (3.585 GWh/j) ont augmenté de 52% en dix ans.
De nouvelles capacités d'interconnexion ont été mises en service en 2015, notamment une nouvelle ligne électrique à haute tension souterraine entre la France et l'Espagne. Mais pour la CRE, ce sont les projets de nouvelles interconnexions qui posent davantage question.
Deux projets en particulier sont dans son viseur, dont le futur gazoduc entre la France et l'Espagne.
En électricité comme en gaz, les nouvelles interconnexions sont des projets coûteux et complexes. Lorsqu'on inclut les renforcements internes du réseau rendus nécessaires par une nouvelle interconnexion, le coût d'investissement dépasse souvent le milliard d'euros", relève-t-elle dans le rapport.
Elle a précisé qu'elle veillerait "à éviter que les consommateurs de gaz et d'électricité ne soient exposés à des coûts considérables pour construire des infrastructures dont l'utilité pour la construction du marché européen et la sécurité d'approvisionnement n'aurait pas été démontrée".
Une liaison gazière France-Espagne à plus de 3 milliards d'euros
Le projet du gazoduc Midcat est soutenu par Bruxelles. Il prévoit de relier la Catalogne en Espagne au Midi de la France pour faire remonter vers le nord de l'Europe du gaz naturel importé notamment d'Algérie. Coût estimé à 3 milliards d'euros, dont plus de deux pour la partie française.
Le gazoduc arriverait en France par Le Perthus pour rallier Barbaira, à l'Est de Carcassonne dans l'Aude et un autre gazoduc existant. Il suivrait les tracés de la super THT France-Espagne, mise en service en 2015, et par endroit la future LGV Montpellier-Perpignan-Barcelone.
Au vu des évolutions du marché du gaz depuis quelques années, notamment de la stabilité de la demande et de la surcapacité existante, un certain nombre de conditions doivent être réunies pour qu'un projet aussi coûteux puisse être lancé sans faire peser un risque trop important sur les consommateurs espagnols et français", souligne la CRE.
Autre dossier sensible, le projet Golfe de Gascogne, envisagé par le gestionnaire de réseau français RTE et l'espagnol REE, prévoit de relier la France et l'Espagne par un câble électrique sous-marin, pour un coût estimé entre 1,6 et 1,9 milliard d'euros.
"La levée des incertitudes techniques est un préalable indispensable avant de pouvoir se prononcer sur son opportunité au regard des bénéfices et des coûts qu'il génèrerait", estime la CRE dans son rapport.