Assassinats, enlèvements, féminicides... Des drames et des crimes ont défrayé la chronique en Occitanie. Parfois avec un retentissement national comme les suites de l'affaire Jubillar ou la révélation de l'identité du "Grêlé".
À quelques jours de la fin de cette année 2021, retour sur la rubrique mal nommée "faits divers" qui ont marqué les 12 mois écoulés. Si Delphine Jubillar n’a pas été retrouvée, l’arrestation de son mari qui clame son innocence, a marqué les esprits. La découverte du corps du jeune Lucas Tronche, six ans après sa disparition et des recherches intensives, a constitué un fort moment d’émotion.
La condamnation en appel de Guerric Jehanno pour le meurtre d’Amandine Estrabaud met un terme à cette affaire même si le corps de la jeune femme reste introuvable. Daniel Malgouyres, accusé d’avoir commandité son propre cambriolage et tué l’un des cambrioleurs, se dit innocent. Enfin une affaire emblématique, celle du tueur en série dit « le Grêlé » a trouvé son épilogue.
L'identité du "Grêlé" révélée après son suicide
François Vérove, un ex-gendarme de 59 ans s'est suicidé le 29 septembre dans un appartement de location au Grau-du-Roi dans le Gard. Il avait soudainement disparu de la maison familiale située à La Grande-Motte. Il semblait y vivre heureux avec femme et enfants et était perçu comme quelqu'un de "banal" et d'"humain" par son entourage.
Or François Vérove, c'est son nom, était recherché depuis 35 ans sous le pseudonyme du "Grêlé". Son identité a été confirmée le 30 octobre 2021 grâce à l'ADN prélevé sur son corps. L’autopsie a confirmé l’hypothèse du suicide expliqué dans sa lettre d’aveux. Un document dans lequel il avoue être le dénommé « Grêlé », surnom due aux traces d’acné sur son visage à l’époque des faits. Ce tueur en série appelé le "Grêlé" était accusé de quatre meurtres et de six viols.
L’affaire du «Grêlé» avait débuté le 5 mai 1986, lorsque le corps nu et couvert de sperme d’une collégienne de 11 ans, Cécile Bloch, avait été découvert dans un hall d’immeuble de la rue Petit, dans le 19ème arrondissement de Paris.
Le criminel a ôté la vie à Gilles Politi (38 ans) et Irmgard Mueller (20 ans) en 1987, avant de prendre celle de Karine Leroy (19 ans) en 1994. « Le Grêlé» s’est aussi rendu coupable d'au moins six autres viols entre 1986 et 1994.
Dans la lettre qu'il a laissée, François Vérove avoue avoir commis des meurtres et des crimes mais sans donner le nom de ses victimes. Il affirme avoir agi sous le coup de pulsions qu’il justifie par une enfance difficile. Des démons qui auraient été apaisés par son mariage et la naissance de ses enfants. Il prétend qu’il se serait alors "pris en main" et n'aurait "rien fait depuis 1997".
Selon le parquet de Paris, le quinquagénaire, avait été convoqué le 24 septembre dernier pour une audition le 29 septembre, jour de son suicide. Depuis quelques mois, la justice tentait d'élucider le plus vieux "cold case" de France, convoquant 750 gendarmes en poste en région parisienne à l'époque des faits. Redoutant que sa véritable identité ne soit révélée, « le Grêlé » a donc mis fin à ses jours, pour "préserver sa famille" du scandale.
La question se pose de la crédibilité de ces allégations. A-t-il réellement cessé de violer et de tuer à la date de son mariage ou le prétend-il pour protéger l’image que sa famille avait de lui ?
Où est le corps de Delphine Jubillar ?
C'est établi, Delphine Jubillar n'aurait jamais laissé ses deux enfants Elyah et Louis, âgés de 18 mois et 6 ans. Aucune trace de vie n'a été relevée depuis cette nuit du 15 au 16 décembre 2020 où l'infirmière de 33 ans a disparu à Cagnac-les-Mines. En 2021, de nombreux rebondissements sont intervenus dans cette affaire. Le principal suspect, son mari Cédric Jubillar, a été mis en examen pour "meurtre aggravé" près de dix mois après sa disparition.
En décembre 2020, le couple est en instance de divorce à la demande de la jeune femme. Après un appel à témoin lancé vainement et des fouilles toutes aussi vaines de la maison et des environs, Cédric Jubillar est convoqué le 6 janvier par la gendarmerie.
Le 15 janvier, des proches de Delphine Jubillar signalent une brève activation de son compte Facebook. Elle intervient un mois jour pour jour après la disparition de l'infirmière. Le 30 avril, le mari, un peintre-plaquiste de 34 ans, est entendu en tant que partie civile. Il s'affiche quelques jours plus tard, en juin, avec une nouvelle compagne et semble avoir tourné la page.
Dans le même temps, les gendarmes enquêtent sur l'ensemble des pistes, notamment celle de l'amant de Delphine Jubillar rencontré quelques mois auparavant via un site internet. Mais ils referment une à une les portes qui mènent à d'autres suspects. Le 16 juin, Cédric Jubillar, sa mère et son beau-père sont placés en garde à vue.
Les enquêteurs s'appuient sur des relevés de téléphonie qui permettent d'établir que Cédric Jubillar a coupé son portable pendant plusieurs heures cette nuit-là alors qu'il dit avoir dormi. Il faisait tourner une machine à laver au moment où sont arrivés les gendarmes, le matin de la disparition. Machine dans laquelle ils ont trouvé la couette avec laquelle dormait la disparue.
Par ailleurs, l'amant de Delphine Jubillar a indiqué que la jeune femme lui avait envoyé une photo d'elle aux alentours de 23h en tenue de nuit, après qu'elle se soit douchée. Son mari atteste, lui, qu'elle est partie promener les chiens. Une version contestée par ses proches. Ils expliquent qu'elle avait peur du noir et ne sortait jamais seule la nuit.
A l’arrivée des gendarmes, la voiture de la jeune femme n'était pas garée dans le sens où elle la garait systématiquement en rentrant chez elle. Plusieurs incohérences s'ajoutent à ce faisceau d'indices qui viennent contredire la version du mari. Des captures d'écran du portrait de l'amant de la jeune femme auraient été retrouvées dans son portable.
La séparation voulue par Delphine Jubillar ne se déroulait manifestement pas sans heurts comme il l'indique. C'est ce que confirment en tous cas des proches du couple qui attestent également de l'addiction au cannabis du mari. Un état de fait que lui-même reconnait expliquant qu’il fumait environ dix joints par jour.
Cédric Jubillar est mis en examen pour "homicide volontaire sur conjoint" et incarcéré le 18 juin. Trois demandes de remise en liberté ont été rejetée depuis, la justice estimant qu'il existe des "indices graves et concordants" et "afin de protéger les indices et pour qu’il ne soit pas en mesure de modifier des éléments de l’enquête ni d’exercer des pressions sur quiconque". C’est ce qu’a déclaré l’avocat général, Bernard Lavigne, décrivant Cédric Jubillar en homme "en constante contradiction avec lui-même" .
Pour ses avocats en revanche, Cédric Jubillar est détenu abusivement et sa présomption d'innocence n'est pas respectée. Leur client continue de nier les faits en bloc. "On continue de dire qu'il n'existe pas de charges suffisantes contre lui ou d'indices graves et concordants" qui justifient sa détention provisoire, a expliqué Jean-Baptiste Alary.
Durant ce mois de décembre 2021, alors que les proches de la disparue ont organisé une marche blanche qui a rassemblé 200 personnes, de nouveaux éléments ont été rapportés aux services d'enquête. Cédric Jubillar aurait donné des informations très précises sur la localisation du cadavre de Delphine Jubillar à un codétenu. Il aurait dit l'avoir enterrée à proximité "d'une ferme qui a brûlé" à Cagnac-les-Mines.
La disparition de Lucas Tronche élucidée après 6 ans d’angoisse
Le 24 juin, des "ossements pouvant être d’origine humaine, des débris de vêtements et d’un sac similaire à celui de Lucas Tronche" ont été retrouvés à Bagnols-sur-Cèze dans le Gard sur des parois rocheuses. L’expertise ADN a confirmé le 8 juillet qu'il s'agissait bien du corps de l'adolescent de 15 ans porté disparu depuis le 18 mars 2015.
Ses proches avaient perdu toute trace de lui alors qu'il était censé rejoindre son frère à un arrêt de bus pour se rendre à un cours de natation. Le corps du jeune homme a été retrouvé à proximité de son domicile dans un lieu qu’il connaissait bien. Un lieu qui avait déjà été fouillé. Mais l’endroit s’est avéré difficile d’accès.
Les ossements ont été découverts sur une "falaise à pic", "à mi-falaise", dans une zone "particulièrement escarpée", de "50-60 mètres de haut", a expliqué le procureur de la République de Nîmes, Eric Maurel.
Les investigations avaient été relancées en 2019 par une juge d’instruction nouvellement arrivée. "Des recherches prévues de longue date, d’après le procureur, mais selon une méthode bien différente. Il s’agissait pour la juge d’instruction de combler les blancs que l’on avait dans la carte à savoir que des zones avaient été ratissées, mais celles qui étaient d’une particulière dangerosité, d’un accès particulièrement difficile, n’avaient pas encore pu être exploitées".
En six ans, la famille, les proches de Lucas et les enquêteurs ont cherché l’adolescent sans arriver à déceler ce qui avait pu se passer. Une enquête colossale. Des dizaines de pistes ont été explorées : disparition, enlèvement, fugue... Des délinquants sexuels ont été interrogés mais rien, aucune trace de l’adolescent.
La piste de l’implication de Nordhal Lelandais avait même été explorée, des vérifications téléphoniques réalisées, car Lelandais avait été aperçu à plusieurs reprises dans les environs de Bagnols-sur-Cèze au moment de la disparition de Lucas. Sans résultat.
"A cette époque tout le monde avait à l'esprit de retrouver Lucas Tronche vivant et chercher sur cette falaise était admettre qu'il était mort" a expliqué le procureur. Avant de préciser : "nous aurons beaucoup de mal à déterminer ce qu’il s’est passé. Le temps a passé, ce que nous avons trouvé a été atteint par le temps, les intempéries". L’enquête n’est pas close : chute accidentelle, suicide ou acte volontaire d’une tierce personne qui aurait poussé le jeune homme. La justice n’a pas encore rendu ses conclusions.
Les parents de Lucas, Nathalie et Eric Tronche ont écrit sur Twitter un message : "la découverte d’un corps pouvant être celui de Lucas nous semble mettre un terme à ces six années de recherches mais aussi d’espoir. Six années pendant lesquelles vous avez été avec nous, soutien indéfectible. Nous vous en remercions du plus profond de notre cœur".
Epilogue dans l’affaire du meurtre d’Amandine Estrabaud
Le 19 novembre, Guerric Jehanno est condamné à 30 ans de réclusion criminelle. Il est déclaré coupable de la séquestration, du viol et du meurtre d'Amandine Estrabaud le 18 juin 2013. L'homme était jugé en appel pour le meurtre de cette jeune femme disparue à Roquecourbe dans le Tarn. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Cette disparition est très rapidement qualifiée d'inquiétante car les gendarmes, alertés par la famille d'Amandine, découvrent la porte de son domicile ouverte. Un peu plus loin, ils repèrent des traces de véhicule et trouvent les chaussures de la jeune femme ainsi que ses boucles d'oreilles.
La dernière personne à avoir vu Amandine Estrabaud vivante est sa voisine. Elle la voit arriver chez elle à bord d'un fourgon blanc, accompagnée d’un homme qu'elle ne distingue que de dos. Il est à peine plus grand qu’Amandine, d’un gabarit charpenté, les cheveux châtain clair et porte un pantalon de chantier avec une bande orange. Amandine avait en effet fait du stop pour rentrer à Roquecourbe, après avoir quitté son travail.
Malgré d'importantes recherches menées sur plusieurs années, le corps de cette jeune femme de trente ans, surveillante dans un lycée de Castres n'a jamais été retrouvé. Après trois ans d'enquête, Guerric Jehanno, un maçon de Roquecourbe est mis en examen.
Il avait été entendu suite à des propos incohérents rapportés par sa mère. Il travaillait sur un chantier proche de la maison de la disparue. Mis en examen et incarcéré en avril 2016 pour enlèvement et séquestration, Guerric Jehanno l'est ensuite pour viol et meurtre après des confidences qu'il aurait faites à un co-détenu au sujet d'Amandine Estrabaud, qu'il connaissait bien et dont il était amoureux selon certains témoins.
Jugé en octobre 2020 par la cour d'assises du Tarn, Guerric Jehanno est condamné à trente années de réclusion criminelle : le fait qu'il se dise innocent n'a pas convaincu les jurés.
C'est devant la cour d'appel de Toulouse que Guerric Jehanno est à nouveau jugé et reconnu coupable.
Affaire Malgouyres, une nouvelle condamnation
Condamné vendredi 17 décembre 2021 par la cour d'assises de l'Hérault à 18 ans de réclusion criminelle pour avoir commandité son propre cambriolage et tué l'un des deux cambrioleurs, Daniel Malgouyres a toujours clamé son innocence. Agé de 72 ans, il affirme depuis 4 ans qu'il est innocent et qu'il n'a pas commandité le cambriolage mortel survenu dans sa propriété le 5 octobre 2017.
Le procès à venir livrera-t-il les réponses au mystère dit de "l'affaire du jardin de Servian" ? L’image du lieu, célèbre pour sa beauté, est ternie. En mars 2020, la juge d'instruction avait ordonné sa mise en accusation des chefs de "meurtre, de tentative de meurtre et de complicité de tentative d’extorsion en bande organisée commise avec une arme".
Trois autres hommes mis en examen également sont renvoyés devant la cour d'assises, mis en accusation du chef de "tentative d’extorsion en bande organisée avec arme" pour l’un et de "complicité de crime" pour les autres.
Le propriétaire du jardin Saint-Adrien de Servian nie en bloc. Il affirme avoir été victime d’un coup monté. Depuis le début de l'affaire, il clame son innocence. Actuellement en prison après avoir violé à plusieurs reprises son contrôle judiciaire lors d'une précédente remise en liberté conditionnelle, il soutient sa version depuis trois ans.
Selon lui, deux cambrioleurs armés se seraient introduits chez lui et l'auraient frappé ainsi que sa femme, avant de monter à l'étage de leur maison pour y chercher un coffre-fort. Le propriétaire des lieux raconte s'être saisi du fusil qu'il utilisait pour chasser et avoir tiré sur un des cambrioleurs. Il affirme avoir voulu protéger sa femme et lui-même.
Le cambrioleur est décédé. Le second malfaiteur, qui a pris la fuite après les tirs, affirme en revanche que Daniel Malgouyres a tout organisé pour dépouiller sa femme de ses économies. Daniel Malgouyres était en instance de divorce au moment du drame.
Au cours de la détention de Daniel Malgouyres, quatre demandes de remise en liberté ont été refusées. La cinquième demande, le 6 novembre 2018, lui a été accordée. Un retour à la liberté de courte durée. Dès le lendemain, il était interpellé chez son épouse, Françoise Malgouyres, alors qu’il avait interdiction d'entrer en contact avec elle.
Après 3 semaines de procès, il semble que Daniel Malgouyres ait craqué. Il a été transféré au service psychiatrique de l’hôpital de La Colombière à Montpellier. Mais il a fait appel de sa condamnation. Il devrait donc être jugé à nouveau en cour d'assises d'appel dans un délai d'un an.
Les deux autres co-accusés présents au procès, Richard Bruno et Richard Llop, eux, n’ont pas fait appel. Ils ont été condamnés respectivement à 7 et 8 ans de prison, alors que l'avocat général réclamait 18 de réclusion pour chacun d'entre eux.