Que retiendra-t-on de cette crise sanitaire une fois qu’elle sera derrière nous ? Quels enseignements devrons-nous en tirer ? Pour le toulousain Philippe Terral et sa co-autrice Marie Gaille, la pandémie est « un fait social total » comme s’intitule leur ouvrage. La crise sanitaire ne doit donc pas être analysée uniquement par les prismes de la santé et de l’économie.
Démontrer la richesse des connaissances apportées par les Sciences humaines et sociales dans l’analyse d’une crise sanitaire, c’est l’un des objectifs de cet ouvrage né d’une coopération de près de 80 chercheurs. Un sociologue toulousain, Philippe Terral et sa collègue Marie Gaille, directrice de l’Institut des Sciences Sociales et Humaines du CNRS, l’ont coordonné et écrit.
Cet ouvrage a précisément été pensé et écrit pour un large public
Philippe Terral, sociologue
« On a demandé deux ou trois pages à chaque collègue en rapport avec leurs recherches sur le sujet, pas plus. Cet ouvrage a précisément été pensé et écrit pour un large public » explique le directeur adjoint de la Maison des Sciences et de l’Homme et de la Société de Toulouse. Cela se sent dès les premières lignes. « Pandémie : un fait social total » n’est pas un mémoire universitaire ou un livre d’expert.
« Il y avait une réelle volonté chez les chercheurs en Sciences humaines et sociales de faire valoir leur point de vue » explique Philippe Terral. « A titre individuel, certains sont allés sur des plateaux de télévision, d’autres au Conseil Scientifique ». Ici, à l’origine, deux institutions l’Inserm et le CNRS, et leurs directeurs qui ont voulu rapprocher Sciences Humaines et Sociales et Santé Publique.
Ne pas mettre les sciences en concurrence
Le but ici n’est pas de chercher à convaincre de l’utilité des Sciences humaines et sociales. Encore moins de les mettre en concurrence avec celles de la santé ou même entre elles, en distinguant par exemple l’économie. « C’est grâce à la biologie qu’on va s’en sortir, avec les vaccins notamment » reconnaît aisément Philippe Terral.
Mais le sociologue relève que la lecture de la santé dans notre pays est très (trop ?) biologique (cf la théorie du Biopouvoir évoquée dans l’ouvrage). Ainsi sur le traitement des personnes âgées pendant la crise, la santé mentale et les moyens qui lui sont octroyés ou encore la façon de traiter tous les territoires de la même façon, les Sciences humaines et sociales auraient sans doute pu apporter des traitements plus individuels.
Il va aussi falloir se poser des questions sur notre mode économique
Philippe Terral, sociologue
« Il va aussi falloir se poser des questions sur notre mode économique » prévient Philippe Terral. Et le sociologue de se remémorer la création par Emmanuel Macron d’un comité pour penser l’après-crise. Il devait plancher sur le climat, les inégalités et la démographie. Or il n’était constitué que d’économistes, 26 au total.
Dernière thématique forte et transversale abordée dans l’ouvrage : la démocratie. « Sa crise est une crise de l’expertise » relève Philippe Terral. Le sociologue met en garde contre la culture du nombre et la preuve par le nombre. Sommes-nous dirigés par les statistiques ? « Les gens demandent désormais à être gouvernés au plus près de leurs préoccupations » prévient le professeur de l’Université Paul Sabatier.
Ne pas oublier l’histoire
Au même titre, économie mondialisée et France ultra-centralisée ne sont pas oubliées dans le traitement critique de l’ouvrage. Évidemment « Pandémie fait social total » n’est pas l’aboutissement de toutes les recherches lancées par les chercheurs qui y ont collaboré. « Des rapports plus ciblés et spécialisés » lui sont associés explique son co-auteur.
D’autres recherches se poursuivront au long cours notamment dans des disciplines peu sollicitées par les experts et autres comités qui ont dû gérer la crise. Consulter des historiens par exemple aurait sans doute aidé à mieux nous organiser ou anticiper face à cette pandémie.