Les évêques, réunis à Lourdes pour leur assemblée plénière, ont aussi reconnu la dimension "systémique" de ces crimes. Ils estiment que cette responsabilité entraînait « un devoir de justice ». "C'est une première partie du chemin", selon Olivier Savignac, co-fondateur d'une association de victimes.
C'est un nouveau pas en direction des victimes. Réunis à Lourdes, les évêques de France ont reconnu aujourd'hui "la responsabilité institutionnelle de l'Église" dans les violences sexuelles subies par des milliers de personnes. Elle a également admis la "dimension systémique" de ces crimes, a annoncé leur représentant, Mgr Eric de Moulins-Beaufort.
« La première obligation de l’Église catholique contractée vis-à-vis des victimes est la reconnaissance de sa responsabilité institutionnelle, outre la responsabilité propre des auteurs des abus sexuels. »https://t.co/FAHkpsqLca
— Agir pour notre Église (@AgirNotreEglise) November 5, 2021
Ces actes pédocriminels, dont l'ampleur a été mise au jour par le récent rapport Sauvé, "ont été rendus possible par un contexte général, des fonctionnements, des mentalités, des pratiques au sein de l'Église", a souligné le président de la Conférence des évêques (CEF), Mgr Éric de Moulins-Beaufort. "Cette responsabilité entraîne un devoir de justice et de réparation", a-t-il ajouté.
En mars, les évêques avaient déjà annoncé que l'Église voulait "assumer sa responsabilité en demandant pardon pour ces crimes et pour ces défaillances". A la lumière du rapport Sauvé, elle le dit désormais "de manière plus forte, plus nette, plus catégorique", a insisté Mgr Éric de Moulins-Beaufort.
La question des indemnisations toujours pas réglée
La réunion des évêques, qui a débuté mardi 2 novembre, doit se poursuivre jusqu'à lundi et "c'est sur cette base commune que nous allons travailler" pour examiner les autres recommandations du rapport, a-t-il expliqué. Sans préciser les implications financières de cette reconnaissance de responsabilité. C'était l'une des principales recommandations de la commission Sauvé, qui proposait de reconnaître la responsabilité civile et sociale de l'Église "indépendamment de toute faute personnelle de ses responsables".
Pour Olivier Savignac, co-fondateur de l'association de victimes "Parler et revivre" (basée à Rodez et qui compte une centaine d'adhérents), "cette déclaration va dans le bon sens". "Jusqu'ici l'Église catholique renvoyait vers une responsabilité individuelle. Là, c'est l'institution dans son ensemble qui est mise en cause, c'est une reponsabilité collective qui est reconnue" explique t'il. Selon l'Aveyronnais, "c'est admettre qu'il y a une responsabilité civile, ce qui ouvre la voie vers le processus d'indemnisation".
216.000 victimes
Mais il reste prudent pour la suite. "Une première partie du chemin a été accomplie, reste à voir si cela se concrétise par des actes..." souffle t'il. "On va voir si l'Église catholique va aller au bout de sa démarche, si elle va mettre en place une commission indépendante qui recevra les victimes, et prendra en compte le traumatisme personnel pour calculer ces indemnisations". Des mesures qui sont préconisées dans le rapport de la commission Sauvé justement. Pour financer le fonds d'indemnisation, l'Église catholique française écarte la piste d'un appel aux dons des fidèles, préconisant de financer les indemnités versées aux victimes "à partir du patrimoine des agresseurs et de l'Église de France".
Selon le rapport issu des travaux de cette commission, quelque 216.000 personnes de plus de 18 ans ont fait l'objet de violences ou d'agressions sexuelles, quand elles étaient mineures, de la part de prêtres, diacres, religieux ou religieuses depuis 1950. La commission estime par ailleurs à environ 3.000 le nombre de prédateurs impliqués en 70 ans.